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HARVARD COI.LF.Glî
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COUR DES PAIRS.
ATTENTAT DU 15 OCTOBRE 1840
INTERROGATOIRES
DES INCULPÉS.
COUR DES PAIRS.
ATTENTAT DU 15 OCTOBRE 1840.
INTERR^f^TOIRES
DES INCULPÉS.
PARIS.
IMPRIMERIE ROYALE.
H DCCC XU.
*'- - - - — -
COUR DES PAIRS.
ATTENTAT DU 15 OCTOBRE 1840.
INTERROGATOIRES
DES INCULPÉS.
INTERROGATOIRES DE DARMES.
D ARMES (Ennemond-Marius), âgé de 43 ans, frotteur, né à Marseille (Bou-
ches-du-Rhône), demeurant à Paris, rue de Paradis-Poissonnière ,
n' H.
1'** interrogatoire subi, le 15 octobre 1840, devant M. le Préfet de police.
D, Quels sont vos nom, âge, profession?
R. Je m'appelle Darmès ( Ennemond- Marins ) , né à Marseille ,
quarante-trois ans, conspirateur. Je suis à Paris depuis trente ans.
D. Votre domicile?
R. Je refuse de l'indiquer.
D. Quels sont vos moyens d'existence ?
R. Je vis en tmvaillant.
D. Quelle était votre intention en vous plaçant sur la place de la
Concorde et tirant un coup de feu ?
R. Mon intention était de tirer sur le plus grand des tyrans.
D. De quelle arme vous êtes-vous servi ?
R. D'une carabine ; j'avstis deux pistolets et un poignard.
Interrogatoires. i
2 INTERROGATOIRES
D. Y avait-H longtemps que vous étiez en cet endroit ?
R. Je refuse de répondre à cettç question.
D. Aviez-vous des complices?
R. Je suis seul.
D. Y avaft-i! longtemps que vous aviez conçu ce projet?
R. Une heure seulement avapt l'exécution.
D. Cîomment portiez-vous votre carabine?
R. Comme cela me faisait plaisir.
D. Reconnaissez-vous la carabine cassée , le poignard et les pis-
tolets que nous vous représentons?
R. Je reconnais la carabine; c'est ma carabine, avec laquelle j'ai
tiré. Je reconnais aussi ces deux pistolets et le poignard pour les
miens.
D. Reconnaissez-vous i écrit intitulé : Histoire de la conspiration
du général Mallet; I écrit intitulé: Qualités de l'homme vraiment
moral; la cravate que nous vous représentons?
R. Ces objets m'appartiennent.
D. D'où provient la carabine ?
R. Je n'ai pas besoin de vous le dire; il y a assez de victimes. II
est inutile de vous dire où et quand je l'ai achetée.
D. Avez-vous voyagé récemment?
R. Jamais depuis 1824.
D. Appartenez- vous à des sociétés secrètes ?
R. Non.
D. CKueile est votre opinion politique ?
R. L'extermination des tyrans. Je suis de la légitimité du peuple ,
un homme du peuple.
D. Avez-vous déjà été arrêté?
R, Jamais.
D. Avez-voua des auus politiques qui vouê aient conseillé le crime ?
R. Je ne suis pas un fiuiaiique exploité ; la nature seule agit en
moi.
DB DARMÉS. a
D. Aviez-vous eu à tous plaindre de !a personne du Roi ?
R. Non.
Immédiatement après, les objets précités, représentés à i'inculpé
Darmès, et par lui reconnus^ ont été réunis, en sa présence, |)ar
M. Noël, commissaire de police, saisis par nous, et mis, en sa pré*
sence, sons scellés, en notre présence , avec étiquettes indicatives
signées de rinculpé et de nous, et revêtues du cachet dudit commis-
saire de police; ledit cachet sur cire rouge ardente, savoir:
i"" Les fragments de la carabine,
2" Les deux pistolets chargés,
3"* Le poignard à manche d'ivoire,
4" Les deux écrits,
5** Les deux clefs,
6"* La bourse en soie verte, contenant 3 francs 7 centimes et
3 iiards.
Et avons signé avec ledit sieur Noëi.
Vu les indications des noms Halot et Dutertre, trouvés sur f un
des écrits reconnus par Tinculpé pour avoir ^lé saisis sur l'inculpé,
nous avons délégué M. Noël, commissaire de police, à l'efiet de
rechercher lesdits individus et de les interroger sur les faits de Tin-
culpation.
Fait et clos lesdits jour, mois et an que dessus.
Signé G. DfiLE88£aT.
i«et 3«ioterrogaioiref subis par Darmèê, les 15 et 16 octobre iS^ka^ckTant M. Dès-
mortiers, Procureur du Roi près le tribunal de première instance de la Seine.
D. Quelle est votre profession ?
R. Frotteur.
D. Depuis quand étes-vous à Paris?
R. Depuis trente-trois ans environ.
L mcuipé nous ayant déclaré que les souffrances qu il éprouvait
ne lui permettant pas de fK>us4t*pondre plusfcngtemps , il nous priait
1.
4. INTERROGATOIRES
de vouloir bien remettre à demaio les questions que nous voudrions
lui adresser.
Nous nous sommes, en conséquence, ajourné à demain.
Et , le seize octobre mil huit cent quarante, à six heures et demie
du matin ,
Nous , procureur du Roi , avons i^eprîs l'interrogatoire de Darmès
en ces termes:
D. Etes-vous marié?
/?. Non , Monsieur.
D. Avez-vous quelque femme avec vous?
R. Non , Monsieur; je n ai jamais été marié.
D. Depuis quand étes-vous à Paris?
R. Depuis environ une trentaine d'années.
D. Où avez-vous vécu auparavant? ''
R. A Marseille , dans ma famille.
D. Que fait votre famille?
R. Je l'ignore ; elle n'existe peut-être plus. Mon père est resté sur
les pontons en Angleterre et est venu mourir dans sa patrie.
Z). Quelle profession avez-vous exercée pisqu'à ce jour ?
R. J'étais domestique, maintenant je suis frotteur.
D, Quelles sont les maisons où vous frottiez à Paris ?
R. Je frotte dans la maison des assurances parisiennes, en face la
rue Laffitte. Je n'ai pas d'autre maison.
D. Cette maison ne suffisait pas pour fournir à vos moyens d'exis-
tence?
R. Non ; je ne gagnais qu'une trentaine de francs par mois. Je
gagnais vingt francs dans la maison d'assurances, le surplus par des
raccrocs.
D. Appartenez-vous à quelques associations politiques?
R. Non, Monsieur; la nature seule ma guidé dans mes con«
yictions.
D. Comment vous étes-vous formé vos convictions?
BE DARMÈS. 5
R. Par l'ensemble des circonstances. Si j avais tué le tyran, nous
aurions vaincu l'univers et tous ies despotes.
D. Quels moyens aviez- vous pour cela ?
R. La tête de Philippe tombée.
D. La tête de Louis-Philippe tombée ne vous eût pas donné ies
moyens de vaincre Funivers.
R. Nous aurions donné la liberté à tous les peuples, qui nous
auraient aidés, et je pense que toute la France se serait soulevée à
f instant. Nous aurions brisé le traité du 15 juillet, [e lion de Water-
loo, et donné la liberté à tous les peuples.
^ D. Ainsi votre attentat d'hier soir sur la personne du Roi est
tout politique?
R. Oui , Monsieur, et moi seul Fai entrepris.
D. Vous venez de dire tout à l'heure que vous aviez agi dans le
but de vaincre l'univers; vous n'étiez pas seul pour une pareille en-
treprise?
R. Vous ne voyez donc pas la position des choses! J'aurais eu
avec moi la France entière.
D. Quelle certitude avez-vous de ce fait?
fi. La France eût marché seule , et se serait soulevée après l'évé-
nement.
D. Quelle certitude avez-vous de ce fait , car je vois au contraire
que la France est fort tranquille ?
R. Vous la voyez tranquille, vous; moi, je la vois dans un volcan.
O' Après avoir vaincu l'univers, quel était votre projet?
R. De donner la liberté aux peuples, et pas autre chose.
D. Mais le peuple est aussi libre que la raison peut le désirer, car
rien ne le gêne, rien ne Fentrave?
R. C'est une singulière chose ! Comment ! le peuple fait ce qu'il
veut! Est-il représenté devant la Chambre? Nomme-t-il ses députés?
D. II les nomme dans les conditions voulues par la loi.
&. Sans doute, quand les lois sont justes.
é DrrERROGATOmES
D. Qxieb soDt les founuuix que tous lisez de prefiarenœ?
R. Je les lis tous; je résume ensuite mes idées.
Z). Comment ! tous n en mvez pas un que tous lisiez de préfiérence
au autres?
R. Non, Monsieur.
D. Queb sont vos amis politiques?
R. Je n en ai aucun.
D. Lliomme ne vit pas seul dans la société; il sent le besoin
souvent de communiquer ses pensées.
R. Je ne voulais voir personne , dans la crainte de compromettre
quelqu'un.
D. Cest peut-être cette crainte qui vous empêche aujounfhui de
nonuner vos amis politiques?
R. Je n ai pas d amis politiques ; j'ai vu la chose seul , et j ai agi
seul.
D. Vous ne pouviez pas avoir un but tout setd.
R. Vous voyez bien que si , et un homme seul peut souvent faire
bien des changements.
Z). En supposant que tous eussiez tué le Roi, qu'auriez-vous &it
le lendemain?
R. Je n'aurais rien fait, parce que je m attendais que les hommes
avides de récompenses m'auraient fait subir le sort de Jacques Clément.
La France aurait agi ensuite.
D. Comment ! le sort de Jacques Clément ne vous a pas effrayé
dans votre action ?
R. Non, Monsieur; quand on a du courage, on ne s'effraye jamais.
D. Vous m'avez dît que vous regardiez le Roi comme un tyran ?
R. Cela est vrai; je ne m'en dédis pas.
D. Quels sont les actes de tyrannie que vous reprochez au Roi ?
R, II a trompé la nation depuis dix ans. II protège les grands. Je le
crois partisan du traité du 15 juillet. Il laisse insulter notre drapeau
partout. J'en ai dit assez , et je ne vous répondrai plus.
DE DARMÈS. 1
Et attendu que l'inculpé paraît fatigué, et que d'aHleura les médecins
attendent pour foire l'amputation, nous avons ajourné la continuation
du présent interrogatoire; et, après en avoir donné lecture, Tinculpé
a persisté dans ses réponses et ses dires, et a signé avec nous.
4' interrogatoire subi par Darmha,,\el^ octobre 1B40, devant M. Z«iigiaconii,
Juge d'instruction délègue'.
L*an mil huit cent quarante, le seize octobre, à midi, nous,
Prosper Zangiacomi, juge d'instruction près le tribunal -de première
instance de la Seine, assisté de Jules Chevallier, commis greffier as-
sermenté,
« Nous sommes transporté, accompagné du sieur Gazon, chef
d'escadron , à la Conciergerie , ou étant , nous nous sommes fiait con-
duire auprès du nommé Darmès, inculpé d'être l'auteur de l'attentat
commis sur la personne du Roi , le jour d'hier^ à l'efiet de lui repré-
senter : 1"* les débris d'une carabine saisie hier sur le lieu de l'attentat ;
2"* une paire de pistolets; 3* un poignard; 4"* une brochure intitulée:
Histoire de la conspiration du général Mallet, en 481 S., par Dou-
rille; 5^ un écrit manuscrit intitulé: Qualités de P homme vraiment
moral. Ces derniers objets saisis sur Darmès au moment de son
arrestation.
Interpellé par nous, cet inculpé nous a dit qu'il était dans un tel
état de souffrance qu'il lui était impossible de répondre à nos ques-
tions, et qu'il nous priait de remettre notre interrogatoire.
Nous avons^ en conséquence, cru devoir nous retirer.
De tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal , qui a
été signé, etc.
Lecture faite, Finculpé a déclaré ne pouvoir signer.
5* interrogatoire subi par Darmès, le 19 octobre 1840, devant M. le Chancelier de
France, Président ae b Cour de« Pairs, aoconi pagne de MM. Oecazes, le eamte
de Bastard, Barthe, le baron Girod (de l'Ain), Mérilhou etPeisil^ Pain de France.
J'avais d'abord été domestique, ensuite j'ai été frotteur ; ie demeu»
rais en dernier lieu rue de Paradis , n* 4 1 .
D. Combien y a-t-il de temps que vous êtes à Paris?
R. Une trentaine d'années; j'y suis venu en 1808, autant que je
m'en souviens.
D. Vous reconnaissez- vous coupable d'avoir tiré, le 1 5 de ce moiSf
an coup de carabine sur la personne du Roi?
Il fML Me]
D T a-vû-f 5r^gT#ifwps que toq§ mé^ffffîn ce
i> C-5B:-*-(Sre OTe ^oc» ne FaTCi pem-«re rësofai qu'âne beare
mq a r jp p' jn c . sa» vtxu frviez «undoote niëtfité depoB longtemps?
^. Je !ie fii pas medhe: c'est k force (ies cfaoses <pii my m
Z> EâC->:e que ▼oos n'aricz pas £iit aapAr&ruiC qoeiqne teniMJàve
û^ rnjem^ aanire'
£. laAaisi. Cek cfaSesn nanrmît serri a hen. car les évëne-
xyewa ^cjot a ii& bat: mais^ la tête de Phiiîppe tcfabee. ia France re-
pcenait sa Eranieor et s'attirah à elle um les peapies ses aBiës.
D Qcf e¥^<e cni toos a donne lien de cf w e toaî ce que toqs
/î. Ce*! la catcre. cest ma coovkti-:fi.
D Oc a troQTe cbez toos beaao.iQp dcfflts. vott> écririez donc
/L Ojî . Moa^â^tir : a cfaaqoe catastrophe f écrirais . mais f ecnvais
to>:zt seid: funais personne nen sarut rien.
D. Von* êtes marié ''
R. Odî . Monâenr.
O. Est-ce qne roos n'aTez pas ie désir de voir ^otnr teoune?
/?. E:ie n'est pas a Paris : Toîia deux ans et detnî qne \t ne snis
pas a^ec efle.
D. Si eiîe était à Paris . auriez-vous le désir de la voir ."
IL Je ne pense pas qn'il s<>it nécessaire que fe b ^oie. dans ma
position. Si on pondait s*en passer....
D. Depuis combien de temps a^icz-^ous la caiakine dont vous
TOUS êtes serri ?
R. U V ^\ ait très-longtemps.
D. Vous ne vous souvenei pas à peu prvs depuis combien de .
teiîps ?
R. Je ne m*en souv ions pas.
DE DARMÈS. 9
D. Y avait-il bien à peu près trois mois?
R. Je refuse de dire ces choses-Iàr
D. L avez-vous achetée ?
R. Oui , Monsieur ; je Fai achetée , je ne Tai pas volée.
D.. Où lavez-vous achetée?
R. Il «st inutile de vous dire cela, parce que Ton irait encore tour-
menter du monde?
D. Je vous fais observer qu'on ne serait pas criminel pour ce seul
fait de vous avoir vendu une carabine.
R. Je le sais bien , c'est un objet de commerce.
D. Avez-vous, acheté la carabine en même temps que les pistolets
et le poignard dont vous avez été trouvé nanti ?
R. W y avait longtemps que je les avais.
D. Les aviez-vous avant la carabine?
( Le prévenu paraît hésiter à répoudre. )
D. Pourquoi ne répondez-vous pas à cette question ?
R. Oui , je les avais avant la carabine.
D. Est-ce que vous n'avez aucun regret du crime que vous avez
commis ?
R. Non, Monsieur, parce qu'il était utile pour mon pays, dans la
position où en sont les choses, où en sont les événements.
D. Vous êtes fatigué , vous souffrez; je vais vous laisser : vous ferez
des réflexions, et j espère qu'elles vous amèneront à répondre à mes
questions avec plus de sincérité que vous ne l'avez fait jusqu'à présent.
R. Je soufflée , mais je m'y accoutumerai. Vous pouvez contiûuer,
si vous le voulez; la réflexion ne me fera pas répondre autrement que
\e ne l'ai fait jusqu'à présent. Au reste, ce n'est qu'une parcelle de la
France qui a éclaté en moi.
D. Qu'entendez-vous par ces paroles ?
R, Le courage.... quelque chose.
D. Voulez-vous dire par là que vous n étiez qu'une parcelle de la
•force qui devait agir pour l'exécution du crime dont vous vous êtes
rendu coupable?
R Non; j'ai voulu dire que c'est la nature même qui a agi.
InT£BR0GAT0IRE8. 9
1 INTERROCATOIRES
6* interrogatoire sabi par D armes ^ le 98 octobre 1840, devant M. le Chancelier
de France, Président de la Cour des* Paivs.
D, A quelle heure êtes-vous sorti de chez vous le 1 5 ?
R. A six heures du matin.
D. Où êtes-vous allé?
R. Je suis ailé faire ma besogne à la Parisienne, boulevard des
Italiens, n"" 9, et jen suis sorti à dix heures pour aiier déjeuner.
Z). Où avez-vous déjeuné ?
R, Rue de Provence, dans une gargote qui est là au
Cadran-Bleu.
D. Comment sappelle l'homme qui tient le Gàdran-BIeu ?
R. Je ne sais pas son nom; c'est ww gros homme, un Savoyard,
un bouledogue; il me connaît à peine. J allais de temps à autre chez
lui, je n avais pas d'endroit fixe; j'allais tantôt d'un cdté, tantôt de
l'autre. C'est tout près de la rue Montmfirtre.
D, £tiez*vous^eui, quand vous avez fait ce déjeuner?
R, Toujours seul. Quand j^étais avec quelqu'un , on ne me voyait
pas.
D, Où avez-vous été , en sortant de ce cabaret ?
A. En sortant de mon auberge , je suis rentré chez moi ; je suis
retourné à la Parisienne, où j'avais une copie à faire, et où je savais
que je trouverais du papier. Ensuite je suis rentré chez moi; j'ai con-
voqué mon tribunal révolutionnaire pour quatre heures, dans ma
chambre:
D. De qui se composait votre tribunal révolutionnaire?
R. Il se composait de Mably , J. J, Rousseau et moi.
D. A quelle heure rte^vous ressorti de chez vous?
R. Je suis ressorti à cinq heures. Après avoir examiné la position
de la France tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, je me suis décidé; je
me suis armé et suis parti sur-le-champ à cinq heure» moins
un quart.
DE DARUÈS. 11
£). Ce n est pas chez vous que irous vous êtes «rmë?
R. Je vous demande pardon.
D. On vous a vu sortir, votre rediugo te ouverte, les bras bailairts ;
vous n'aviez pas d'armes.
R. II est certain que je ne me suis pas organise de manière à être
vu. Je n'ai pas dit au seilrer : Tenez, voyez, je suis armé. J'ai filé d'un
pas rapide, et Ton n'a rien vu. ^li ne £a.ut pas aller chercher/ les gens: . .
D. On a trouvé chez vous de la poudie et des balles; d'où prove-
naient cette poudre et ces balles ?
R. Les balles provenaient de 18 30; je les avais eues à la caserne
de fa* rué de îa Pépinière ; j'avais conservé des cartouches de ce temps-ià.
£). Est-ce que vous vous êtes battu en 1830?
R. J'ai agi un peu , mais je n'ai jamais tiré un coup de fusil dans les
rues , nien 1 830, tii depuis ; je n'ai jamais tiré m'^ur^e peuple, nf^ur
ies solds^ts; ce n'est pas là mon but : c'est sur l'ennemi qu'il &utmarchei*.
En 1 830, je suis entré dans la cour de la caserne avec, ia fouie; j'ai eu
pour ma part un certain nombre de cartouches, j'en ai distribué aux
combattants et j'ai gardé le reste pour moi.
D. Avez-vous été quelquefois à la chasse ?
R. Quelquefois, oui, Monsieur; je tiiais même assez bien. Jai
chasse lorsque j'étais chez M. le marquis d'Harcourt.
D. Y a-t-il longtemps que vous n'avez chassé?
R. Qui, il y .a longtemps ; je ne chasse plus depuis que je n'habite
plus ia campagne.
D. Comment était chargée ia 4:arahiue. ^ont vous vous êtes servi?
R. I! y avait la, poudre d'abord, trois ou quatre chevrotines et
cinq petites balles.
D. Quelle quantité de poudre aviez-vous mise dans Farme ?
R. Une once et demie, deux onces.... H y en avait de trop, enfin;
je n'ai jpas mesuré au juste.
y/). Avi^-vous déjà tiré. Avec cette carajbine?
/{•-Jamais.
9
12 INTERROGATOIRES
D, Combien vous avait-elle coûté?
R. Huit francs.
D. Y avait-il longtemps que vous laviez?
R. II n'y avait pas mal de temps....; plus d'un an.
D. l/aviez-vous achetée à Paris?
R. Je lavais achetée à Paris, oui» Monsieur.
D. Chez qui laviez-vcus achetée?
R. J'ai refusé de vous le dire.
D. Si vous refusez de le dire, on croira qu'elle vous a été donnée,
et que par conséquent vous avez des complices.
R. Je l'ai achetée chez un brocanteur, place de la Bourse.
D, L'avez-vous achetée dans le but d'en faire un usage criminel?
R. Dans ce temps-là je ne l'ai pas achetée pour cet usage , puîs-
qu'alors les événements n'étaient pas poussés à ce point.
D. Alors qui est-ce qui a pu vous décider à faire cette acquisition ,
vous qui n'étiez pas bien riche ?
R. Je voulais avoir des armes; il n'y a pas besoin d'être riche
pour vouloir avoir des armes.
D. Depuis combien de temps aviez-vous les pistolets qui ont été
saisis sur vous?
R. II y a au moins sept ou huit ans : je les ai achetés à un homme
qui passait et qui allait je ne sais où ; je les ai achetés cent sous.
D. Les aviez-vous récemment chargés?
R. Je les ai chargés le même jour que la carabine.
/). Le poignard qui a été trouvé sur vous, où l'avez-vous acheté?
R. Le poignard, je ne f ai pas acheté par exemple ; il m'a été remis
par la servante de M.Isouard, l'un des locataires de la maison rue
du Faubourg-Poissonnière, n" 33 , où jetais portier. Ce poignard
peut appartenir à M. Lefebvre, peintre de tableaux sous Charles X,
qui occupait l'appartement dont il s'agit, précédemment à M. Isouard.
DE DARMÈS. 13
jD. Depuis combien de temps connaissez-vous Valentin Duclos ?
R. yalentin ! je ne îe connais qu'indirectement, je ne le con-
nais même pas; je le connaissais comme les autres cochers qui
étaient là sur le ti*ottoir et que je voyais en passant. II ne faut pas
se tromper là, surtout; il ne faut compromettre personne qui soit
innocent.
D. Est-ce que vous n avez pas été le voir quelquefois chez lui , à
La Chapelle?
R. Nous nous sommes quelquefois trouvés ensemble par-ci par-là,
au hasard; je Tai rencontré quelquefois en allant dîner, sur le bou-
levard, d'un côté et d autre, mais je nai jamais été chez lui; et puis,
quand même, je ne lui aurais pas communiqué mon projet. Dans le
siècle où nous vivons, il y en a beaucoup qui en auraient tiré parti...
Siècle d'égoïsme !
D. Est-ce que vous ne Pavez pas vu au banquet des communistes
à Belleville?
R, J'y ai vu beaucoup de monde.
D. Mais lui, en particulier, vous l'y avez vu?
R. II m'a semblé le voir.
D. N'étes-vous pas i^venu de Belleville avec lui?
R, J'en suis revenu seul.
D. Valentin Duclos a déclaré lui-même qu'il était revenu avec
vous.
4
R, Il a eu tort de déclarer cela ; je suis revenu seul.
D. Ne saviez-vous pas que Valentin Duclos avait chez lui un dé-
pôt considérable de cartouches ?
R. Je ne m'occupais pas des autres, je ne m'occupais que de moi;
c|ue chacun agisse à sa manière.
D. Vous connaissiez Pillât, qui présidait ce banquet?
R. Je ne le connaissais pas, je ne te connaissais que pour Pavoir
iw, pour ainsi dire.
14 INTERROGATOIRES
/>. Est-ce ^ne ce u est «pas lui qui vous a donné ceux de ses* ou-
vrages qu'on a trouvés chez vous?
R. Non, Monsieur t ce 42eat pas lui; je ne l'ai même jamais vu.
D. Vous venez de dire tout à l'heure que vous le connaissiez pour
l'avoir vu?
R. Au milieu/ d'une assemblée de 1,200 personnes, je n'étais pas
posté pour le voir: tout le monde dans une réunion aussi nombreuse
ne peut pas voir ie président; je l'ai seulement entendu parier^' du
moiiii6 on^A^it qiie c-'était luioQuant àsiea.ouvn^f6 qui ont été trouvés
chez. moi, je les ai achetés.;
D. On était divisé en sections, au banquet de Belleville; de quelle
section étiez-vous?
R. Je ne saurais vous le dire.
>/). Quel ^tait le dm( de cette section?
R. Je ne le connais pas : il y avait eu un commissaire nommé ,
mais je ne le connais pas.
D. Qui est-ce qui nommait ces commissaires? ^
R. Je ne sais pas ; ils étaient nommés d'avancer
D. Vous étiez un des plus zélés communistes, à en juger par vos
conversations et par vos propres écrits saisis chez vous?
R. Sans doute.
D. Comment vous étiez-vous introduit dans cette société-là?
R. Je ne fais partie d'aucune société ; je suis allé au banquet de
Belleville* par curiosités en vamateur : tous ceux qui sont allés au Jban-
quet de Châtillon ne sont sans doute pas des comniun^stes. Je ne
suis pas un fanatique exploité ; j'ai agi d'après mes convictions et
seul.
D. Vous étiez aussi au banquet de Châtillon?
R. Oui, Monsieur, en amareur.
D. Qui est-ce qui vous y .•> fait aller?
DE tyARMèS! 15
R. Une lettte qui w'^6* arrivée. On m'a demandé si je voûtais y aller,
j'ai dit oui; j'étais assez amateur podr«f»tetidre lë^ toasts.
D. Eteswous resté jusqu'à k fin dii banquet?*
R. Oui, Monsieur, jusqu'à 9 heures et demie, 10 heures du soir.
D. Ne faisiez-vous pas partie de la bandequi , au retour, a blessé
un agent de la force publique?
R. J'étais déjà rentré dans Paris lorsqu'on nous a dit qu'on avait
arrêté des gardes nationaux; nous avon» rétrogradé vers la barrière
pour les faire rendre, mais l'afiaire était déjàiiaîte.
D. Qu'est-ce que vous avez été faire , vous qui n'étiez pas ouvrier ,
dans une réunion d'ouvriers qui a eu lieu dans la plaine de Pantin?
R. Je suis allé là en amateur, |>our voir \eti gens, de quelle opi-
nion , ce qu'ils faisaient là.
D. N'aviez-vous pas préparé un discours qui devait être lu dam
cette réunion?
R. Je ne l'ai pas préparé , cela m'est venu à l'instant même : je l'ai
écrit au crayon, au soleil. On a dû en trouver une copie dans les^ pa-
piers saisis chez moi.
D. D'où provenait ia poudre avec laquelle vous avez chargé votre
carabine?
R. C'était de la poudre que j'avais achetée depuis longtemps.*
/X. Depuis combien de temps?
R. Depuis deux ans.
D. N'alliez-vous pas très4iabituellement chez un marchand devin
nommé Lesfiinasse?
R. Rarement H y a deux ans que je n'y suis allé. Quel-
quefois j'enti'ais pour boire un petit verre.
D. Est-ce que vous n'entriez pas quelquefois dans une pièce qui
était derrière la boutique, et où vous causiez avec quelques personnes?
R. Non, Monsieur, jamais. Il y a un mois, je suis entré chez lui
deux fois, pour boire un verre d'eau-de^vie, mais je n'ai pas causé;
ces gens-là ne sont pas de ma catégorie.
16 INTERROGATOIRES
D. Comment ! ils ne sont pas de votre catégorie ! Mais vous saveau
bien que l'un des fils Lespinasse était Tami SAlibaud.
R. Je n'ai pas su ce qui s est passé dans le temps; d'ailleurs, cela
n'avait rien de commun avec le père et avec l'autre. Ces gens-ià sont
innocents de ce que j'ai fait , ils n^en ont rien su.
D. Ne connaissez-vous pas un nommé Halot?
/?. Non, Monsieur; qu'est-ce que c'est que Halot?
D. C'est un homme dont le nom se trouve sur un papier saisi sur
vous , et qui a été compromis dans l'affaire d'AUbaud.
R, Je ne le connais pas.
Z). Vous ne connaissez pas non plus Dutertre, dont ie nom se
trouve aussi sur le papier dont je viens de vous parler?
/?. Je ne connais pas ces personnes-là; je ne sais pas comment
leurs noms se sont trouvés dans ma poche.
D. De qui teniez-vous l'exemplaire de la conspiration de Mallet
qui a été saisi sur vous ?
R. Ce sont des hommes que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam, et
qui m'ont vendu cela incognito, le soir.
£). N'avez-vous pas été frotteur chez Louis Bastide, auteur de
poésies politiques?
/?. Non, Monsieur.
D. Mais vous le connaissez au moins, car vous avez bu plusieurs
fois avec lui chez des marchands de vin ?
R, Je ne connais personne et personne ne me connaît ; ces Messieurs
ne savent pas d'où le coup est parti. Ils ont dû être étonnés en rappre-
nant. J'ai agi seul.
D. Quel mpport aviez-vous avec un nommé Pastel, frotteur?
R. Je n'avais de rapport avec aucun frotteur.
D, Ce Postel, la veille de l'attentat, a dit que , le lendemain , il se
passerait un grand événement dans Paris.
R. Il peut avoir dit tout ce qu'il a voulu , je ne le connais pas.
Après lecture, etc.
DE n ARMES. . 17
/>. tTai oublié de vous demander de qui vous tenfez une médaille
à^ Armand Carrel qui a été saisie sur vous?
iR. Je 1 ai achetée il y a longtemps dans un café où on la faisait
voir. Cest moi qui l'ai eue; elfe ma coûté trois francs.
Z). N'avez - vous pas été , ia veille de i attentat ou quelques jours
auparavant, reconnaître la place où vous deviez le commettre?
R. Sans doute; il a fallu que j aille reconnaître mon poste et mon
point de mire. Je savais bien qu'il passait par là; jy suis allé cinq ou
six jours auparavant.
D, Vous n'étiez pas seul en ce momcnt-Ià?
R. Si, Monsieur, toujours seul.
D. Le jour où vous avez fait cette reconnaissance , une voiture
de la cour n'est-elle pas passée ?
R. Je n'ai rien vu.
7* interrogatoire snbi par Dormes, le 39 octobre 1840, devant M. Zangiacomi,
Juge d'instruction dele'gue'.
Nous nous sommes transporté à la Conciergerie, où étant , nous
nous sommes fait conduire auprès du nommé Dmtnès {Ennemond-
Marias)^ à qui nous avons représenté un paquet annoncé contenir
de la poudre et des balles, et lui avons demandé s'il reconnaissait
rîntégrité des scellés apposés sur ledit paquet ; il a répondu aflirma-
tivement.
Et aussitôt nous avons rompu lesdits scellés, et avons reconnu
qu'en eflfet le paquet, qui est enveloppé dans un numéro du journal
le Siècle, contient des balles, ainsi que du plomb roulé en forme de
balles; mais il ne s'y trouve qu'une seule cartouche et de la poudre
fine, plus trois pierres à fusil et une petite boîte de capsules.
Interpellé sur l'origine de ces objets, Darmès dit: «Les balles, au
nombre de neuf, proviennent de 18 30. Quant k la poudre, je l'ai
achetée; je ne me rappelle ni où ni quand j'en ai fait l'acquisition.
Interrogatoires. 3
ÎS INTEBBOGATOIRES
ttuant auxt morceatiac de plomb, c'est. moi qui les ai roules: à coups
de marteau.
ctEnfîn^Ies p^res à fusil, au nombre de ^t/a/r^^ ont été achetées
par moi. Je ne me. rappelle également pas à quelle époque ni dans
quelle boutique. »
Nous avons représenté à l'inculpé que les balles ne nous paraissaient
pas être de calibre, et que par conséquent elles ne pouvaient pas
provenir, comme il l'avait dit dans son interrogatoire d'hier, de car-
touches prises à h caserne de la Pépinière en 1830.
Darmès a répondu qu'il ne les avait pas eues autrement, et que
les balles se trouvaient, comme il vient de le dire, dans des cartouches
provenant du pillage de la caserne de la Pépinière en 1830.
D. Qu'avez-vous fait de la poudre de ces cartouches ?
R. EUe s'est trouvée dissipée depuis longtemps; mais je ne m'en
suis servi dans aucune émeute, parce que ce n'était pas là mon but.
D. D'où provient la cartouche contenant deux balles que je trouve
dans ce paquet?
R. C'est moi qui l'ai faite, mais je ne sais pas dans quelle occasion.
Cet interrogatoire terminé, nous avons fait placer, en présence de
rinculpé, sous des scellés séparés, les poudres, balles, pierres à feu
et papiers servant d'enveloppe auxdits objets. Nous constatons toute-
fois que les papiers ont été mis sous un scellé découvert, afin d'en
fiure ultérieurement l'examen et la comparaison avec diautres papiers
saisis chez d'autres inculpés.
s* interrogatoire subi par Darmès, le 39 octobre 1840, devant M. Zangiacomi,
Juge d'instruction délègue.
Nous nous sommes transporté à la Conciergerie, où étant, nous
nous sommes fait conduire dans la chambre du nommé Dmmès , et
là, en la présence de MM. Gazan et Chevallier, experts, nous avons
levé les scellés apposés par nous sur un paquet contenant les balles et
la poudre saisies chez l'inculpé; puis nous avons remis la poudre,
Iqs balles,. les pievres à fusil, une boite de capsules, uit^ sac paraissant
9^ojr contenu de la poudre et. la. charge des pistolets v^ à.. MM. Gakan
et Chevallier, pour procéder laux^^vérificmtioiispi^cédetnraentoition-,
nées par nous.
L'inculpé a déclaré qu'il n'avait pas d'obsei*vations à faire à la re-
mise de ces objets à MM. les experts, et qu il reconnaissait l'intégrité
des scellés qui les renfermaienft.
a*' interrogatoire subi par Darmiê,.\e 4 novembre! 84 ftf 4eiraiil) M. le Chauociier
de France, Président de la Cour des Pairs.
Z). Je vous ai déjà dit combien il vous importait de dire la vérité;
je vous le répète, pour que vous n'ignoriez pas que c'est de vouSi de
votre sincérité, que dépend en déGnitive votre dernière destinée. Le
compte que vous avez rendu de Temploi de votre journée du 1 5 n^est
pas exact.
R. Je persiste dans les déclarations que j'ai faites. Des geiis de la
maison ne peuvent pas savoir comme moi ce que j'ai tait; ils ne m'ob-
servaient pas.
D. Je vais reprendre en détad votre mtcrrogatoire sur un certain
nombre de points . A quelle heure étes-vous allé à votre ouvrage
le 14?'
R. A six heures et demie.
D. A quelle heure en êtes- vous sorti?
R. J'en suis sorti à neuf heures et demie; je suis rentré dans ma
chambre, et sans doute après je suis sorti comme je faisais toujours.
D. N'avez-vous pas été ce jour-là chez le savetier où vous travailliez
quelquefois?
R. Non , Monsieur; il ne m'a pas vu ce jour-ià.
D. Ce jour-là, voua avez été veis midi place Louis XV?
R. Je le crois.
D. Qu'est-ce que vous y avez fait?
R. J'ai observé l'emplacement et ie point de mire où je devais agir»
3.
M INTERROGATOIRES
D. Vous n'étiez pas seul a ce monient4i ?
R. Seul, toujours seul.
/). Vous avez été ru arec un autre individu.
R. Cest faux , absolument faux , parce que pour faction fai agi
seul. D'abord, je n'aurais jamais voulu m'ouvrir à personne, parce que
les hommes en auraient tiré un bon parti.
D. Ce jour-b , vous aviez déjà votre arme avec vous?
A. Je vous demande pardon.
D. Vous avez vu passer ce jour-là une voiture de ia maison du
Roi?
R. Je ne me rappelle pas ce fait. Je savais bien que c^était là où il
passait.
D. Dans la journée du 1 5 , à quelle heure êtes- vous sorti de la com-
pagnie d'assurances?
R. J'en suis sorti à neuf heures , comme d'habitude ; f ai (hfjenné ;
je suis rentré chez moi où j'ai pris quelques papiers que je voulais
copier à la compagnie d'assurances; mais je n'ai pas pu finir cette copie.
Je suis rentré chez moi à onze heures.
D. Quelle était la pièce que vous vouliez copier?
R. C'était, je crois, un règlement de la société des ouvriers égali-
taires.
D. N'était-ce pas le règlement de la société des travailleurs?
R. Oui, Monsieur.
D. Où avez-vous déjeuné ce jour-là?
R. Je vous Fai déjà dit : chez mon gargotier, rue de Provence.
D. Le gargotier de la rue de Provence et ses garçons , qui vous
connaissent bien , déclarent ne pas vous avoir vu ce jour-là.
R. C'est qu'ils n'ont pas voulu me voir. J'ai mangé une soupe,
comme d'habitude, et deux sous de pommes de terre. Us doivent bien
savoir que c'était li ce que je prenais d'ordinaire.
DE DARMÈS. 21
s
D. C'est prëcisement parce qu'ils vous connaissent et qu'ils savent
vos habiludes qu'ils sont très-croyables quand ils disent qu'ils ne vous
ont pas vu le i Ô« Par conséquent vous avez été ailleurs.
R. S'ils ont dit cela , ce sont des menteurs.
D. Au lieu de déjeuner chez ce gargotier, ne seriez-vous pas allé
sur la route de Pantin?
R. Non, Monsieur; plus tard, j'ai remangé dans ma chambre.
D. Qu'est-ce que vous avez mangé dans votre chambre?
R. Deux harengs qtie j'avais achetés à une femme qui passait dans
la rue.
D. Je vous ai déjà dit que tous les témoins habitant votre maison
disent que vous êtes rentré le 15 vers midi et demi, que vous êtes
ressorti à une heure, et que vous n'êtes pas rentré.
R. Ce sont des menteurs. Ce jour-là même, vers les midi ou une
heure, j'ai bu un demi-setier avec le poitier de la maison. Lie sellier
a dû me voir sortir sur les cinq heures moins un quart : je suis
passé à côté de lui.
D. Où aviez-vous déposé votre arme, avant de vous en servir?
R, Dans ma malle.
D. Hors de votre maison?
jR. J'ai toujours eu mes armes chez moi. Il n'y avait que moi qui
le savais.
D. A quelle heure ètes-vous arrivé , le 16, sur la place Louis XV?
R. Sur les cinq heures.
D. Vous n'êtes pas sans doute resté toujours à la même place ?
R. Je n'y suis seulement pas resté une minute.
D. De quel côté êtes-vous allé ?
R. Du côté de l'obélisque et des fontaines.
D. Avez-vous été du côté des Champs-Elysées ?
R. Non, Monsieur.
SS INTERfiOGATOIRES
D. Avez-vous été do cété des chevaux de Mariy ?
A. Non , Monsieur. Je revenais toujours du côté de fa statne At la
ville de Marseille , qui est derrière le corps de garde.
D. Comment portiez-vous votre arme?
R. Sous le bras tout à fait; |e la soutenais par la iiatterie, en^ pas-
sant la main par la poche de ma redingote; elle me venait) ^ysqô'mu
genou: ma redingote était plus longue. J^avais choisi le corps de
garde , pour ne pas donner de soupçon aux agents qui étaient placés
auprès. J'étais décidé à me constituer prisonnier, pomr ne ^as être
maibtùté par les hommes avides de récompense.
D. N^avez-vous pas été accosté sur la place par un homme en veste?
fi. Je n'ai été accosté par personne. Seulement , à un certain mo-
ment, quand j'allais du côté de la fontaine, un individu s'appiiocha
très-près de moi ; il avdit l'air d'un agent de police. Je tournai à droite
pour l'éviter, et fis semblant d'entrer dans les Tuileries.
D. N'avez-voos pas bu .sur la place Louis XV un verre d'ea»<ie«
vie?
fi. Non, Monsieur.
D. Cherchez bien.
R. Je ne pense pas.... Je n'ai pas bu d'eau-de-vîe ; je n'aurais pas
été me montrer en public , armé comme je l'étais.
D. Vous n'avez pas dit la vérité sur votre arme , sur celle qui vous
a sei-vi à commettre le crime. Vous avez pu acheter une arme chez
le marchand que vous avez indiqué , mais cette arme n'est pas celle
avec laquelle vous avez tiré sur le Roi.
R. Si le marchand a dit cela, c'est un menteur. Oa dit lui-même
le contraire fautre jour.
D. Ce marchand n'avait que deux armes, qui étaient deux espingoles
apportées d'Afrique, et la personne qui les a £ut venii* déclare ne pas
reconnaître votre arme.
R. Je me rappelle en eflet qu'il avait un tromblon, mais il avait
aussi cette arme U doit cependant bien la reconnaître, ou bien
c'est l'homme le plus faux de la terre.
DB DARMB6* U
Eh Apvès avoir aeheté UDe<«riue à c6tiMMaDie-Ià,jae- ia lui avez-
vous pas rapportée?
R. NoDv Monsieur. Après y être aile une. ou» deux fois, j'y suis allé
un^soirc je lui ai remis huit francs, prix eonveni||} il m'en avait d'abord
demandé dix. J'ai emporté l'arme, après m'être assuré qu'il ny avait
personne dans la boutique. Je suis rentré chez moi , je l'ai mise dans
ma maile, et depuis ce temps-là elle n'est pas sortie de chez moi.
D. N'aviez-vous pas dès lors {'intention de faire un mauvais usage
de cette arme?
R. Non, Monsieur; ce senties cim^onstfinces'qui m'y ont poussée Je
ne l'aurais pas fait à une époque plus reculée, ii y a un an, il y a
deux ans , il y a trois ans.
D. Je vous représente un écrit saisi sur vous et intitulé : Qualités
de t homme moral. Reconnaissez-vous cet écrit ?
R. Oui, Monsieur.
Z). D'où le tenez-vous?.
R. Je f ai trouvé dans la rue avec d'autres papiers, dans une liasse.
D. Sur le verso de cette pièce on lit : Halot, peintre en porce-
laine , rue (fAngoulême, rC 14. — Dutertre. — Que signifient ces
noms?
R. Je ne connais pas ces noms-là.
D. Connaissez-vous un nommé Dutertre?
R. Non , Monsieur ; je ne peux pas dire des choses- que je ne sais
pas, pour entraîner des gens dans le malheur: il y a bien assez d'une
victime.
10* interrogatoire, subi par Darmès , ietl novembre tS40) derant Mé le Chancelier
de France, Président de la Cour des Pairs.
D. Pei'sistez-vous à soutenir que, le 15 octobre, vous êtes rentré
dans la maison où vous demeuriez , un peu après une heure, et que
vous n'en êtes ressorti qu'à quatre heures?
R. Oui y Monsieur.
V
M INTERROGATOIRES
D. Cependairt les portiers, et même le seiiier dont vous avier in-
voqué le témoignage, affirment le contraire.
R. C'est qu'ils se trompent. Le portier n'a pas pu me voir; la femme
n'y était pas , je ne sais où elle était : quant au sellier , il est pos«bIe
qu'il ne m'ait pas vu.
D, II est certain que, le 1 5 , vous n'avez pas déjeuné chez le gar-
gotier de ia rue de Provence. Vous avez ce jour-là déjeuné avec
Valentin Duclos, qui a dit qu'il payait ce jour-là parce que vous étiez
un brave.
R. C'est une abominable invention. Qui est-ce qui a donc pu dire
une chose comme celle-là?
D, Votre intimité avec Duclos ne peut pas être révoquée en doiite;
car on en a des preuves matérielles.
R, Je n'avais pas plus d'intimité avec Valentin qu'avec les autres;
je lui parlais quelquefois, en allant à mon ouvrage, mais pas plus à
lui qu'aux autres cochers.
D. On a cependant trouvé chez Valentin un livre que vous lui
avez donné et sur lequel on lit : tt Donné à son ami par Marius. ^
R, Je ne me rappelle pas cela.
D. Comment ! vous ne vous rappelez pas lui avoir donné ce livre?
Mais Valentin lui-même en convient!
R. Cest un livre pour les chevaux que je lui ai prêté; mais, cela
ne prouve pas qu il soit mon ami.
D. Vous saviez très-bien que Valentin faisait des cartouches et
qu'il les distribuait dans Paris.
R. Je ne savais pas cela du tout. Valentin n était pas assez lié
avec moi pour me confier ses affaires.
D. Vous avez dit que vous ne faisiez partie d aucune société , et
cependant vous êtes chef d'atelier dans la société des Communistes,
et le chef au-dessus de vous est un nommé Borel? •
R, Je n'ai jamais fait partie d'aucune ^^ociéte ; j ai toujours refijsé
d'en faire pai^tie.
DE DARMÈS. . S6
D. Larme avec laquelle vous avez commis votre , attentat n'est
pas celle que vous avez achetée cliez le marchand de bric-à-brac de
la place de la Bourse; car l'arme qu'il vous a vendue est un tromblon
à gueule évasée, tandis que l'arme avec laquelle vous avez tiré est
une carab^e rayée à bouche égale.
R. Mais le marchand lui-même l'a reconnue.
/X -H a crU'ia reconnaître^ mais- il se trompait et le reconnaît main-
R. Alor$ ce sont des gens à double face. Je laî achetée, cette ca-
rabine, le jour oiî on a demandé l'abolition de la peine de mort pour
Barbes; il peut bien s'en souvenir.
Di On ne prétend pas que vous ne lui avez pas acheté une arme ,
maïs vous la lui avez rendue ou vous l'avez changée.
R. Cela est de toute fausseté.
Z). D'où provenait Fouvrage ayant pour titre : Siècle de Louis XI V,
qu'on a trouvé chez vous?
R. H provient d'un échange de ferraille, de mauvaises cochonneries,
que j'ai fait avec un marchand de bric-à-brac du faubourg Poissonnière,
à côté delà rue de BufTaut. Je crois que j'i^i donne douze sous de retour.
Je n'avais pas remarqué qu'il y eût sur ce livre le nom de Chatry-
Lafosse, comme on me l'a dît ici. '
D. N'allîez-vous pas chez M. Chair tj -Lafosse?
R. Oui, Monsieur.
D. Cet ouvrage n'aurait-il pas été volé par vous?
R. Faites venir le marchand de bric-à-brac,, il vous dira la vérité.
/>. Et les cent écus qui ont été volés chez M. Chairy'Lafosse?
R. Je n'y allais pas dans ce temps-là. . . N allez-vous pas maintenant
attaquer ma réputation?
D. Ne parlez donc pas de voire réputation ; est-ce qu'il vous est
permis de parler de votre réputation , après le crime abominable que
TOUS avez commis?
A. Ceci est autre chose ; mais je n'ai jamais rien volé à personne.
Interrogatoibes. 4
M INTERaOGArrOIRES.
!£>.- PâB'tnénè'à votrs mère? v
R. Cela est diftenènt ; je Favôiie cela?
/X Et votre femoie, vous ne l'avez pas volée non plu»? :
R. Ma femme Nous étions en comUiunautéf si faVâfis'gttgnéde
l'argent, elle n'aurait rien perdu; mais jeia'al'pastnéussîi ^i ,-i'
D. Je vous représente un certain nombve de piècet^mftoiisdfttes
qui ont été saisies chez vous; je vous fais remarquer que le sceBë
apposé sur ces papiers est intact. Reconnaissez-vous ces pièces comme
ayant été écrites par vous?
R. Oui, Monsieur.
£). Vous prétendez n'avoir fait partie d'aucune société socfèt^i et
cependant on a trouvé chez vous ie règlement. constitutif de Tassociih
tion des travailleurs égalitaires.
R. J'ai copié cette pièce, que j'avais trouvée dans la rue.
D, L'état de cette pièce prouve qu'elle a été portée.
R. Je iîai portée sur moi après l'avoir copiée.
/). Cela pfouvë le prix que vous attachfett â cette pîèCe.
R. Je trouvais que c'était bien fait.
D. Il y a dans ces pièces une autre copie du 'rè^f^tûisût dés^-tirlH
vailieurs, en quarante et un articles, précédé d'un écrit commençAnt
ainsi : «t Citoyens, la règle de nos devoirs » Comment vous étiez-
vous procuré cette pièce?
R. J'ai trouvé tout cela lié' enisemble dans un rouleau de ^papier.
Z). II y a une autre pièce commençant par ces mots : tt Prières et
camaradesw.r, » €t<}ui contient de très-abominables* choses; > Gomment
vous étes-vous procuré cette pièce?
Rr C'est moi qui ai composé cela.
D. Il est évident que cette pièce est un ordre du jour iTuné so-
ciété secrète^ et que vous mentez quand vous dites que» vous
composé cela.
Ai . Cela n'est pas.. .
i.Dè Jl y m wi# ftUtfTe pièce iqj^i porte «n tet^ ces^ iqots -^^J^lf^m i^
Pantin Discours par un homme du peuple Soldats..., ^M>i^< la
date du l*' septembre 1 84o?
R. Çest moi qui «i jécrit etfCOiinposéjcela,
V. ZXi Qù.avez^vous compose cela?
Al'Danfsial^Iaine de Pantin.
D. Qui est-ce qui vous avait conduit là?
R. La curiosité.
'iX(âii'est-<^(que..voiis avez fait de <eet te .pièce? |L/aves&-vous com-
muniquée à quelqu'un?
R. Non, Monsieur. /
D. Est-ce vous qui av€i6& composé une pièce daxis Igjqu.ellef on (^t :
<(II y a aussi une espèce d'homn^s, avide de bénéfices, et d'un égoïsm^e
«à toute outrance; nous ne craignons pas de vous dire où ils sont :
non les trouve parmi les subalternes des diverses administrations,
«les contre-maîtres des fabriques et des diver^atcUers^, les petits fa-
it bricants, les domestiques des maisons bourgeoises et les commis-
se sionnaires des coins des rues ; la plilpart d^enti^ eux sont assimilés et
namis du commissaire de police de leur quartier?»
/î. Oui, Monsieur.
jD. Il y a une pièce intitulée : Qualités de thomme vraimeni
moral.... Une autre pièce porte en tête : Au travailleur ëgalitaire...
Profession de foi de la nouvelle direction.... On lit dans cette pièce :
L'égalité réalisée au moyen de la commutiauté des biens;... on y parle
iiUMÈe dictature papidaire.... Une autre jpièce coimnance ainsi .: d-
tayens , jusqu'ici la règle de nos dwûirs^mmfoit pM,éti'ë€riie...^lûi\Q\k
proviennent toutes ces pièces?
R. «Tai trouvé tout cela ensemble, et je Tai copié.
D. Comment osez-vous dire que vous n'avez fait partie' d'aucune
société , quand on trouve toutes ces ^iècës-fà chez vous , et quand
tous les témoins déclarent que vous leur avfeEidiltque^itpus étiez
4.
28 INTÊRROGATOffiES.
communiste et noleme que vous faisiez partie de la société deb C^m
mufnistes?*
t T, 4
R. Je puis être communiste , je puis avoir les convictions com-
munistes sans faire pour cela partie de la société.
D. Vous portiez donc un grand intérêt au prince Louis Banor
parte, car on a trouvé chez vous une copie de ses proclamations?
R. Je ne lui portais pas d'intérêt; if me semble que la réponse i
ses proclamations le prouve de reste.
D. Vous lui pointiez intérêt à certaines conditions, si, par exem*
pie, il voulait se faire élire pour cinq ans par un congrès nationaf?
R, A cette époque j'avais écrit cela, parce que je croyais que, s'il
arrivait, un congrès aurait lieu. . .
D. Qucst-cé qu'une pièce intitulée : Discours d'un hùmine du
peuple, et portant la date d'août 1839?
R. C'est moi qui ai écrit cela.
D. A quelle occasion?
R. C'est un discours que j'avais préparé eu m'amusant, sans au-
cune occasion.
D. N'est-ce pas un projet de discours à la Chambre des Pairs?
R. C'est possible.
D. Vous faisiez aussi des vers?
R. Oui, Monsieur, quelquefois.
D. Je vous représente une pièce de vers, cotée n"* se. Ces vers ne
sont<Jls pas adressés à mademoiselle Grouvelle ?
R. Oui, Monsieur: c'est moi qui les ai ecri^ et composés; par*
sonne ne les a vus.
D. Sur cette pièce on trouve , avec cette annotation : Mort dun
brave! une date qui parait être celle de la mort SAlibaud?
R. Apparemment oui.
DE DARMÈS. 29
D. Dans une autre pièce on Ht : La race (TAlibaud nest pas
^teinta..... et une copie du discours de la citoyenne Laure Grouvelle.
Ces pièces sônt-elfes de votre écriture?
R. Oui , Monsieur.
D. Et une copie de paroles attribuées au citoyen Carrel?
R. Oui, Monsieur. ,
D. On a trouvé chez vous Técrit intitulé : Ni châteaux, ni chau-
mières. Qui est-ce qui vous avait procuré cet écrit ?
R. Je Tai acheté.
D. On a trouvé aussi chez vous le récit du premier banquet com-
muniste?
R, J'ai acheté cela.
D. On a trouvé aussi un ouvrage de ^. de Cormenin^ ayant pour
titre : Questions scandaleuses d'un Jacobin?
R. J'ai acheté aussi cet ouvrage.
D. Je vous ai déjà dit que vous approchiez du moment où vous
auriez à rendre compte à la justice du crime épouvantable que vous
avez commis. Tâchez, d'ici là, de rentrer en vous-même et de mériter
un peu de pitié , s'il est possible qu'on en accorde jamais i un cri*
minel comme vous!
R. Je ne pourrai répondre qu'aux questions qui me seront faites.
Quant à l'affaire de M. Chatry-Lafosse , je demanderai qu'elle soit
^claircie. Je n'ai pas envie de passer pour un voleur.
D. D'après votre propre aveu, vous auriez au moins volé voire
mère? On serait donc en droit de vous traiter de voleur, et de plus
vous êtes un assassin !
<A. Je puis être un assassin , mais je ne suis pas un voleur.
30 INmiMGMtNRES.
* \
tV ïnterrogÊiom auhi ptr Dormes, le 14 dtceadxrt iMO» <{UfSMit,||> JmgiiPQiiiîy
Juge dlnstraction délègue.
D. Avezrvous, depuis votre retour à la santé, interrogé plus fidè-
lement vos souvenirs que vous ne Tàviez fait , sur f emploi de votre
journée du 15 octobre?
R. Tout cexjue |ai dit est positif . . . «Tai trayaiflé cooime.de cou-
tume , le 1 5 octobre , à TAssurance parisienne; j'en sjuis sorti vf;i;s ài^
heures pour aller déjeuner rue de Provence, n** i o , au Cadran bleu.
Je suis retourné aux Assurances vers les onze heures, parce* que j'ttvais
une copie à y faire; j*ai quitté l'administration entre onze heures et
îBméii et je suis rentré chez moi vers une heure; je suis sorti pour une
demi-heure, et rentré vers une heure et demie; je ne suis ressorti qu'à
quatre heures et demie.
D. Déjà on vous a fait remarquer que le contrôle auquel on a
soumis cet emploi que vous donnez de votre journée en avait dé-
montré l'inexactitude, et c'est pour vous inviter à mieux consulter
vos souvenirs que je vous demandaîssi voit» persistiez dansivos pré-
cédentes déclarations sur ce point?
R. C'est exact, c'est tel que je l'ai dit.
. D. Neies-vous pas, ce jour-là ,' monté à Montmartre pour y
pi^eodre votie rq>as? -
R. Non, Monsieur.
" 'jD. Pourtant, vous y connaissiez une marchande de vin chez hr
quelle vbus alliez quelquefois?
R. Non , Monsieur.
'O. Vous y fréquentiez l'établissement de la femme Considère?
R. Je ne connais Considère que pour Favoir vu -figurer dans les
procès politiques.
D. Dans quel procès principalement?
R. Je ne me rappelle pas.
DE OARNÉS. ' M
D: De^ renseignements font oonnsitre on donneraient à^ penser
qtlê'irotisfii^qiientiezàMontniartre un^étabiissementMde matrchmd de
vrd où se rëtinisâaiettt dlantres communistes on ' travailleurs comm^
vous.
R. Je aétaispas^avec ces Messieurs ^ je ne sais pas s'ils se réunis-
aaient àiMonUiiai^Ére , puisque je n'appartiens à aucune-société secDèteî
et que* je ne suis pas un fanati<pie exploité. Je n'ai' agi que diaprés
mes convictions naturelles et la force des événements^
D. L'instruction a- fourni tant d'éléments de conviction sur votre
affiliation aux sociétés secrètes, vous avez tellement dit et si souvent
annoncé que vous faisiez partie des sociétés communistes, on a trouvé
chez vous de telles pièces venant à l'appui de cet aveu, que vous pouvez
désormais faire difficilement ajouter foi à la négation d en faire partie.
R. J'iii dit que l'étais communiste, et je faisais de la. propagande
pour la communauté.
D. Vous étiez même lié avec les chefs des communistes, et on a
trouvé chez vous de leurs écrits , tels que : Ni châteaux, ni chau-
mières, dePillot, au banquet duquel vous êtes ailé à* Belleville, et
la Conspiration de Mollet, par Dourille, poursuivi dès avant Tattentat
du 1 5 octobre comme l'un des meneurs de cette association.
R. Javais acheté ces livres-là par conviction, et parce qu'ils me
convenaient.
D. Ces •livres^'là vous ont été évidemment donnés,
R. Je les ai achetés ; à la vérité , je ne sais paâ les noms de ceux
qui me les ont vendus. Ce sont deux inconnus qui m'ont accosté un
soir dans la rue, en me demandant si je voulais acheter une brochure :
j'ai demandé ce que c'était; on me répondit que c'était la Conspiration
de Atallei, .et jei'ai.aclietée tout de suite« v
D. Cette explication sera aussi difficilement admise que celle que
vous avez donnée sur la présence chez vous des règlements de la
société des travailleurs égaiitaires ou communistes.
R. Je persiste à dire que j'ai trouvé ces papiers *4ftns k rue.
D. Avez-vous parlé à quelqu'4Mi de cette trottvaîUet^.
R. Non , Monsieur.
M INTERROGATOIRES
D. Et vous n'avez pas même été curieux de vous enquérir de ce
qu'était cette société dont vous découvriez ainsi, par un sî grand
hasard, les règlements, et dont les doctrines politiques, ou .plutôt
antisociales, étaient sî conformes aux vôtres?
R. Je n'en ai pas parlé à d'autres; je les ai conservés parce que
c'était d'accord avec mes doctrines, et j'aurais pu , plus tard , organiser
une division , deux divisions ; des ateliers d'abord, comme cela est dit,
et ensuite des divisions.
D. N'avez-vous pas donné un commencement d'exécution à cette
idée d'organisation?
R, J'avais déjà commencé à en parler à quelques personnes.
D. C'est-à-dire que vous aviez formé des ateliers ?
R. J'avais déjà donné des idées à quelques personnes pour Tor*
ganisation.
D. Quelles sont ces personnes?
R. II est inutile de les nommer.
D. A combien d^individus en avez-vous parié?
R. Je ne sais pas, parce que je courais à droite et à gauche, et
que je voyais beaucoup de monde.
D. II a été question, entre vous et le nommé Duclos, de cette asso-
ciation ?
R. Non , Monsieur.
D. Vous aviez des rapports politiques avec lui ?
R. Non, Monsieur. Duclos parlait politique comme tout le monde,
mais uniquement d'après les journaux. Duclos me paraissait un
homme qui raisonnait mieux que les autres cochers , mais je ne le
voyais pas plus que les autres.
D. Vous connaissez un nommé Racarie ?
R. Non, Monsieur; c'est un nom que je n'ai jamais entendu
y
rononcer.
DE DARMÈS. 33
D. Est-ce un nommé Borel, ouvrier mécanicien?
R. Je ne le connais pas du tout non plus.
D. Ne fréquentiez-vous pas plus particulièrement quelques mar-
chands de vins de la Chapelle ?
R. Jamais je n'allais chez les marchands de vins de ia Chapelle.
Je ne suis aifé de ce côté-là que le jour du banquet de Belleviile.
C'est un banquet comme on en a donné dans tous les départe-
tements; seulement j'ai trouvé qu'il y avait de Tordre et de l'orga-
nisation.
D. Qui vous avait donné un billet ?
R. Ce sont des gens que je ne connais pas qui me Font donné
dans la rue, la veilfe. Comme je suis observateur, j'ai remarqué des
hommes dans la rue qui parlaient de ce banquet; j'ai alors de-
mandé un billet , on me l'a offert et j'ai donné quarante sous de suite.
D. Je vous fais de nouveau remarquer combien vous ferez diffici-
lement croire que vous tenez ainsi d'inconnus tout ce qu'on trouve
chez vous en pièces manuscrites, en f ivres, et jusqu'au billet pour
aller à des banquets.
R, Il n'y a rien d'extraordinaire à trouver dans la rue des papiers;
quant aux livres et au billet, on me (es a vendus.
*
D. Evidemment vous connaissez les personnes qui vous les ont
procurés?
R, Je ne veux pas les nommer, et c'est parce qye je ne veux pas
les nommer que je préfère dire que je les tiens d'inconnus.
Lecture faite, l'inculpé a persisté et a dit :
Je désire que l'on ajoute dans le récit que j'ai fait des faits de ma
journée du 15 que, quand je suis sorti de une heure à une heure et
demie, j'ai acheté deux harengs à une femme qui passait dans la rue .
j'avais du pain dans ma chambre.
D. Voulez-vous indiquer le chemin que vous avez suivi le 1 6 oc-
tobre, de la rue de Paradis à la place de la Concorde?
R. J'ai pris les rues Bleue, Cadet, de Provence, Chaucbat, Pinon,
Pelletier, les boulevarts , sur le milieu de la chaussée, la rue Louis-le*
1NTERR0GAT01RB8. * &
84 INTERROGATOIRES
Grand, Neuve Skint- Augustin , de ia Paix, la place Vendâine,
la rue Castiglione, sous les arcades à droite; la rue de Rivoli,
sur le ti'ottoir à gauche , et la place de la Concorde. Arrivé à cinq
heures?, je stris resté là jusqu'à six heures. Je portais -mes armes iwec
moi; je ne restais pas une seconde en place de peur des agents ^ <|ae
j'observais moi-même.
D. Quelle était la couleur de votre gilet?
R. II était vert. . . . vert-noir; c'est celui que je porte. .
Nous constatons qu'effectivement l'inculpé est porteur d'un giiet
vert foncé.
D. D'après vous, vous n'auriez fait que traverser la rue du Fau-
bourg-Montmartre; ne lavez-vous pas remontée cette rue, comme
pour vous diriger du côté de la barrière ?
R. Non, Monsieur; mais je me rappelle que, passant rue Bleue,
j'ai vu un gros cocher qu'on appelle Boulot, locataire d'une station
de.Duclos, qui m'a aperçu et m'a salué.
D. Tout à rheure vous disiez que vous étiez revenu le 1 5 à onze
heures aux Assurances parisiennes parce que vous aviez une copie
à faire; pour qui vouliez-vous faire cette copie?
R. C'était pour moi.
D. N'était-ce pas plutôt dans le but d'organisation de cette société
dont vous avez parlé, que vous copiiez ce règlement?
R. H est possible que plus tard j'en eusse fait usage; mais pour le
moment, il n'était pas question de cela.
19* interrogatoire subi par Donnés., le 16 décembre 1840, devant'M. Zangîao^mi ,
juge d'instruction délégué.
£). Je reviens encore sur le détail que vous avez donné de votre
journée du 1 5 octobre dernier, et je vous fais remarquer de nou-
veau qu'il s'y trouve certainement des inexactitudes , car, dans f itiné-
raire que vous avez tracé de votre chemin de la rue de Paradis à
ia place de k Concorde^ ne se trouve pas la rue du.Fau^iirg-
Montmartre que vous -avez été vu remonter ; évidemment vMtt^élM
DE» DERMES. 35
aitécefouivià à Mootmartre ou dans le haut du faubourg de ce nom,
à une heure rapprochée de Tatteutat. N'étaitxie pas pour y prendre
vos armes ?
R. If est vrai que je suis sorti un peu avant deux heures avec
rintention de dîner. J ai fait quelques tours dans le quartier, puis je
me suis rappelé que je devais 26 sous, à Montmartre, chez un trai-
teur; alors jy suis allé, et en même temps j'y ai dîné, et j'ai payé.
J'ai mangé deux harengs qu'on a fait ciiire pour moi. J'y bus une
chopine de vin, et j'ai mangé du pain à discrétion, ce qui m'a
coûté 1 5 à 2 sous.
D. Quel ^st le nom de ce traiteur?
R. C'est le nommé Considère , qui demeure à Montmartre ; pbce
de la Fontaine , en face la maison des fous.
D. L'avez-vous vu ce jour-là ?
R. Non , Monsieur, parce qu'il était à son bureau , chez M. Jac-
ques Lafiùe, où if est garçon de caisse. C'est sa femme qui tient la
maison en son absence.
D. Qui avez-vous vu diez lui ce jour^là, et avec qui avez-vous
parlé ?
R, Il n'y avait chez lui que sa femme , sa vieille mère , l'enfant et
le chien. «Ty ai dîné bieii vite , et à trois heures un quart j'ai quitté
Montmartre pour revenir chez moi.
D. Comment connaissiez-vous Considère?
R. Je le connaissais comme traiteur depuis trois mois.
D. Sous quel nom Considère et sa femme vous connaissaient-ils ?
R. Personne ne me connaissait sous mon nom ; on ne m'appelait
que l^frottëur.
Z). Vous le voyiez quelquefois ?
/2. Si J3 l'ai vu, c'est quelquefois le dimanche; mais je ne cai^ais
de rien avec lui r parce "qu'il était occupé à servir. Je n'allais pas le
voir chez M. Lafitte, et, si l'on m'a vu dans la rue Lafitte, c'est que
\y causais avec on cocher qui staliomie en fetee l'hôtel Lafitte, et que
36 INTERROGATOIRES
j'ai connu autiefois. Je fais observer de plus qu'en sortant de& Asêu-
rances paiHsiennes le samedi , je passais toujours par cette me. Je
ne sais plus le nom du cocher dont je parle.
D. La maison de Considère est signalée par l'autorité comme un
lieu de rendez-vous des sociétés communistes; n'était-ce pas à raison
de cette circonstance que vous connaissiez Considère et que vous
fî'équentiez son établissement?
R. Je n'y allais que par hasard , et quand Fidée m'en prenait , au
heu d'aller ailleurs.
D. N'y avez-vous pas dîné avec d'autres personnes de votre con-
naissance ?
R. Jamais.
D. Aviez-vous parlé de votre projet à Considère ?
R. Jamais. Jamais je n'en ai parlé à pci^sonne, et H y avait deux
jours, le 1 6 octobre, que Je n'avais vu qui que ce fut.
D. Et avant ces deux derniers jours, et avant de cesser de voir
qui que cejût ?
R. Je n'en avais parlé à personne.
\
D. Je ne puis que vous répéter ce que l'on vous a déjà dit que ,
le 15, vous avez été vu sur la place de la Concorde avec un second
individu, et que fon vous a vu sortir sans vos armes, circonstances .
qui ne permettent guère de croire que vous ayez seul conçu et exé-
cuté votre projet.
R. Je répète que je suis seul.
D. Enfin, vous avez été vu avec un autre individu par une mar-
chande d'eau-de-vie sur la place de la Concorde.
R. Elle se trompe; j'ai pris un petit verre et ['étais seul. J'ai bu
cette eau-de-vie auprès d'une marchande ambulante qui stationne à
l'entrée du trottoir du pont de la Concorde , et je lui ai demandé si
le Roi était passé. Je ne dis pas le Roi , mais bien Philippe.
DE DARMÈS. 37
2). C^.ménie jour, et à peu près à la même heure, vous avez de-
mandé à une autre marchÀnde d eau-de-vie, un peu plus près des
Cfaamps-ÉIysées , quelle heure il était ?
R. Cela est vrai. J'avais pourtant mes armes sur moi , et elles ne
les ont pas vues. *
D. Dains ce moment, vons étiez avec un «utive individu.
R. C'est faux ; j'étais seul.
D. Quelle heure était-il en ce moment?
R. II pouvait être cinq heures passées.
D. Pourquoi n'êtes-vous pas' convenu plus t<^t de ces circonstances ?
Évidemment, c'est par un motif quelconque que vous les avez dissi-
mulées, et cette dissimulation ne peut avoir d'autre intérêt que de
soustraire à la justice les noms de vos complices.
R. Ces détails me paraissaient inutiles et insignifiants.
D. Tout a de l'importance dans une inculpation d'une nature aussi
grave que celle qui vous est faite; car, affilié aux sociétés secrètes ,
comme le prouvent tant de données de la procédure , c'est un devoir
pour la justice de vous demander compte de tous vos actes, pour re-
chercher les tiens qui vous unissent à ces sociétés.
R. L'affaire du 1 5 octobre est indépendante des sociétés; d'ailleui*s,
je ne suis point membre des sociétés communistes; je suis communiste
par position et pas autrement. Je n'ai jamais parlé à personne de l'oc-
tion du 1 5 octobre.
D. Pourtant, vous êtes convenu que vous aviez au moins cherché
à organiser des sections ; ce qui annonce que vous connaissez certains
hommes capables de comprendre vos doctrines , de s'entendre avec
vous, et de les mettre à exécution.
R. Ces personnes sont , au contraire , étrangères à ces doctrines.
J'essayais de faire des prosélytes; j'étais un apôtre qui tâchait
de moraliser les hommes qui se soûlent , jouent aux cartes ; je ne
fitusais pas d'autre propagande que celle-là pour la communauté.
D. Alors vous ne devez pas avoir de scrupule pour nommer les
personnes avec qui vous en avez causé?
R Je ne yeux compromettre personne.
/
38 ' INTERROGATOIRES
D. II est à citrindre que^voas ne cachiez encore à la jiistice beau*
coup de circonstances reiatîves à votre crime. Je vous engage àenteer
enfin dans la voie de la vérité, et à faire preuve de sincérité «tideise*
pentir.
A. Je iai fait; cest fini. Je ne peux pas dire auti*e chMe/et j'ai
agi avec beaucoup da prévoyance^ de sang-froid, comno^. on a dû
le voir dès mes premiers interrogatoires.
Lecture faite, a persisté et sigrré; ajoutant : t? Ce n'est pas imie mar-
chande ambulante d eau-de-vie qui m-a servi la "secoiide ibis; j'ai bu
dans un petit cabaret qui est auprès des coucous; je ny ai pris quun
ç^non de vin ^ et j y ai allumé ma pipe. »
13^ interrogaloirc subi par Darmcs, le 34 décembre 1840, devant M. Zangîacomi,
'^ Ju^e d'instruction délègue.
D. Il est un point sur lequel il reste beaucoup à désirer, c'est Fac-
quisition. que vous dites avoir faite de la carabine chez le brocanteur
Capet. Vous savez que tes souvenirs de ce dernier ne. sont pas dac-
cord avec les vôtres^ Je vous invite, â mieux préciser les faits à cet
égard.
' R. C'est dans ia première quinzaine de juillet 1 839 que j'ai acheté
cette arme ; jcîme rappelle cette circonstance , iparce que c'était Tépoque
où une députation se transporta à la Chambre des Députés pour de^
mander l'abolition de la peine de mort, à l'occasion de la condamnation
de. Barbes.
D. Etait-ce à raison de cette manifestation que vous achetiez «cette
arme?
R. C'était uniquement pour me nrmnir dune arme.
D. Capet dit que vous ne vous êtes présenté chez lui pour y
acheter une arme à feu que vers le mois d'octobre, et, en effet, il ne
s'est procuré qu'en octobre les armes provenant du sieur Tourasse,
dont on dit que proviendrait votre carabine.
R, Capet se trompe, et Jors de l'affaire de Barbes ii avait déjà
cette carabine, un tromblon et d'autres armes. Je n'ai pas pris le tronn
DE DARMëS. 39
blon parce que je ne.fftî pas trouvé assez solide. Je me rappelle que
ce trombion est entouré, à lextréinité, d'un morceau de fer-blanc, et
\e le fecoiinaîtraîs s*il m'était représenté.
D. II résulterait pourtant de divers éléments de la procédure, que
la oambine dont vous vous êtes servi ne provient pas de çhen£/apet;
car, d'une^part^ Capei aurait acheté deux trombloos, et .non un lirom*
bien et une carabine, et, de lautre, on a vu en votre possession , dans
rotre malle )^ dans une positioa qu'eile^neMuraît occuper dans cette
roaiie, Ja carabine saisie^
[t. Ma carabine a toujours été dans ma malle, dès que je Tai
achetée; elle y est restée en biais.
D. C'est parce qu'un témoin affirme qu'elle n'était point en biais et
qu'elle était appliquée contre la paroi antérieure de la malle , que je
vous fais cette observation ?
R. Ce témoin se trompe.
D. Remarquez que la même incertitude existe encore sur Forigine
des pistolets et du poignard.
R. Ma femme, à laquelle on croira sans doute, m'a vu donner ce
poignard rue du Faubourg-Poissonnière, n*" 33, quand j'y étais por-
tier. Quant aux pistolets, je les ai achetés cinq francs d'un inconnu.
D. Vous m'avez dit, il y a quelques jours, que quand vous disiez
tenir quelque chose d'un inconnu, c*est que vous ne vouliez pas
nommer la personne ; n'est-ce pas ainsi qu'il faut entendre ce que vous
dites sur forigine de ces pistolets?
*
R. Il y a. très-longtemps que je les ai, et cette personne est tout à
fait étrangère à mon affaire ; on ne la trouverait même pas à Paris.
D. Alors TOUS ne devez pas avoir d'inquiétude à son sujet, et vous
comprenez que ces réticences de votre part peuvent compromettre
vos coinculpés.
Rs Je les ai achetés, et je les ai payés; et tous les jours on fait des
marchés pareils.
D. Quel était cet individu ?
R. Je né le connais pas.
40 INTERROGATOIRES
D. Ccst-à-dfre vous ne voulez pas le nommer.
R. Je vous assure que je ne vous trompe pas, et ma femme a dû
me voir ces pistolets ; ils étaient dans ma table , et elle a dû les voir.
•
D. Je reviens aussi sur un autre point au sujet duquel vous avez
donné quelques explications qu'il importe de vouloir compléter. Vous
avez dit que vous aviez commence à mettre à exécution le règlemeot
de la Société des travailleurs; que vous aviez donné là-dessus des
idées à quelques personnes. Vous avez dû faire plus, et même fait plus;
car des i^nseignements vous signalent comme métier, c'est-à-dire
comme chef d une section d'uii groupe.
jR. Je sais bien ce que c était qu'un métier y puisque je lisais ie rè-
glement tous ies jours; mais je ne faisais partie d'aucune société.
£). D'où connaissez-vous un nomme Robert, dégraisseur?
R. Je ne le connais pas.
D. Et le nommé Simard?
R, Je ne le connais pas non plus.
D. Et Borel?
R. Non plus.
D. Et Chevauché?
R. Non plus.
Lecture fpite , a persisté et a signé , disant : « L'autre jour, j'ai expli-
qué ce que j'avais fait sur la place de la Concorde ; dans la crainte
qu'on ne Fait point écrit, je répète que jetais à cinq heures sur la
place, auprès de la statue de Marseille; après y être resté un instant»
je fus boire un verre d'eau-de-vie à la marchande qui stationne près
du pont; de là, je revins sur la place, et fus au petit cabaret qui est
auprès des coucous, et puis j'ai été au poste : ià, je vis un sergent de
ville qui parlait à la marchande d'eau-de-vie, et qui se dirigea sur moi
de l'autre côté du fossé. Je crus que j étais vendu , et allai du côté des
Tuileries. Je suis retenu tout de suite après à mon poste >».
DE DARMÈS. 41
14* ioterrogfttonre subi par Darmhs, le 97 janvier 1841 , devant M. le Chancelier de
France y Président de la Cour des Pairs, accompagné de M. le. baron Girod (de
PAin ) j Pair de France.
D. Les déclarations que vous avez faites sur les circonstances qui
ont accompagné votre attentat, ont tontes été reconnues fausses,
et je vais vous le démontrer. Larme dont vous vous êtes servi ne
vient pas de chez Capet; celle qu'il vous avait vendue était une espin-
gole et non une carabine : les souvenirs de Capet sont parfaitement
dTaccord avec la déclaration du propriétaire des armes vendues par
lui, et ce propriétaire ne reconnaît pas, comme lui ayant appartenu,
Tarme dont vous vous rtes servi. C^^^^ d'ailleurs avait deux espingoles
à vendre, et non pas une espingole et une carabine. Ce n'est donc
pas chez lui que vous vous êtes procuré votre arme.
R, Je vous demande pardon; c'est à lui que je l'ai achetée, dans le
mois de juillet 1839: il avait une espingole et une cai^bine.
D. Je vais encore mieux vous prouver que vous ne dites pas la vé-
rité. Vous prétendez avoir acheté votre carabine à Capet, au mois de
juillet 1 839 , et ce n'est qu'au mois d'octobre suivant qu'il a eu en sa
possession les deux espingoles dont vous auriez pu acheter l'une.
R. Je dis cependant ce qui est : c'est dans la première quinzaine de
j; illet que j'ai acheté ma carabine; les livres devraient en fournir ia
preuve, autrement, je ne sais pas comment on arrange cela.
D. Quant à votre poignard , on ne retrouve pas la domestique dont
vous dites l'avoir reçu ; quant à vos pistolets, aucun marchand de Paris
ne reconnaît les avoir vendus.
R. On devrait cependant pouvoir retrouver la demoiselle qui m'a
donné ce poignard , ou plutôt elle l'a remis à ma femme , et je m'en
suis emparé. Quant aux pistolets, ce n'est pas un marchand qui me
les a vendus.
D. Vous avez d'abord nié être allé prendre un repas chez Consi-
dère, le 15 octobre; vous avez fini par en convenir. Vous avez dit
qu'après avoir pris votre repas chez Considère vous étiez rentré chez
Interrogatoires. o
.» « . - •>•
42 INTERROGATOIRES
vous, d'où vous n'étiez sorti qu'à quatre heures; tous les témoins
que vous avez indiqués comme ayant pu vous voir déclarent qu'ils
ne vous ont pas vu; par conséquent vous n'êtes pas rentré chez vous
de la journée et vous êtes allé chercher vos armes ailleurs que chez
vous. • ^
R. J avais mes armes chez moi ; Vils ne m'ont pas vu aller et venir,
je n'y peux rien. Ce qu'il y a de certain , c'est que je suis sorti pour
la dernière fois de cliez moi à quatre heures et demie.
D. Vous avez indiqué, comme vous ayant vu rue de Montholon,
vers quatre heures, un cocher de cabriolet qui déclare formellement
ne pas vous avoir vu.
R. H m'a si bien vu qu'il iti'a salué; au reste je n'ai pas pu dire
qu'il m'avait vu à quatre heures, car je ne suis sorti de la maison qu'à
quatre heures et demie.
D. Le soin que' vous avez mis à cacher le repas que vous avez
fait chez Considère, le 1 5 octobre, et l'heure à laquelle vous en êtes
sorti, fait présumer que vous aviez des motifs graves pour dissimuler
ce fait.
R. Je ne suis monté chez Considère que pour prendre l'air, et pour
lui payer vingt-cinq sous que je lui devais, et que je ne voulais pas
qu'il perdit. Si je n'ai pas dit cela d'abord , c'est que je craignais de
compromettre inutilement cet homme.
Z). Quoi que vous puissiez dire, votre dissimulation avait un objet
plus sérieux que celui que vous lui assignez. Ne seriez-vous pas allé
chez Considère, ou de ce côté-là, chercher votre" arme, qui n'était sû-
rement pas chez vous?
»
R. Mon arme n'est jamais sortie de chez moi; elfe était dans ma
malle; il y a un témoin qui l'a vue dans ma malle : il faut bien espé-
rer qu'il se retrouvera.
D. Votre carabine ne peut tenir dans votre malle; on en a fait
l'essai.
En partant de chez Considère pour aller sur la place de la Con-
■i^^^
m: d armes. ( 43
corde I ne vousr êtes- vous pas réuni avec quatre autres personnes qui
ont ëCë vues avec vous sur le lieu même du ciîme?
iR. Non , Monsieur. Je me suis rendu seul sur la place Louis XV,
vers cinq heures , car fai toujours été seul jusqu'au moment de Fac-
tion. A cinq heures un quart, j'ai acheté un petit verre d'eau-de-vie
à cette femme qui est à la tête du pont.
D. N'étes-vous ])as allé plusieurs fois chez Considère^ à des réu-
nions de communistes dont vous faites partie?
R. Je n'ai jamais assisté à des réunions de communistes chez
Considère j je n'y ai jamais vu que des individus de guinguette, des
hommes et des femmes que ^je ne connais pas. Je n'ai connu la mai-
son de Considère que trois mois avant l'action du 1 5 octobre; j'y allais
quelquefois prendre mes repas, comme chez tout autre restaurateur,
et fy suis toujours allé seul.
D. £st-ce que vous ne vous êtes pas trouvé chez Considère avec
DucàM?
R. Non, Monsieur.
D. Duclos cependant en convient?
R. Il s'y est peut-être trouvé en même temps que moi, mais je ne
Fai pas vu.
D. Est-ce que vous ne vous y êtes pas trouvé avec Borel?
R. Jamais.
D. Ni avec Simard?
R. Je ne connais pas ces individus-là.
D. Ni avec Chevauché?
R. Je ne connais pas.
D. Ni avec Robert , ni avec Dutilloy?
R. Je ne connais aucune de ces personnes-là.
D Ce que vous venez de dire là prouve à quel point vous inen
tez, car vous connaissez tous ou presque tous les individus que je
..: "J*^
44 INTERRO G ATOÏRES
viens de vous nommer; mais vous avez une telle habitude de mentir
que rien ne vous coûte à cet ëgard. Vous connaissez si bien Sùnard
que c'est de kii que vous tenez l'écrit intitulé : Ni châteaux ni chau-
mières; que vous êtes allé avec lui au banquet de Châtillon et à celui
de Belleville, et que vous êtes revenu avec lui de l'un de ces ban-
quets.
R. Tout cela est faux.
D. Je vous fais observer que c'est Simard lui-mcme qui le
déclare.
R. C'est possible; mais cela n'est pas.
D. Vous prétendez aussi ne pas connaître Borel?
R. Oui, Monsieur.
D. Vous connaissez si bien Borel, que vous êtes allé avec Duclos
le voir chez son frère, Charles Borel, marchand de vin , qui demeure
en face de Duclos , la veille du jour où Borel a quitté Paris par suite
des coalitions d'ouvriers. Ce fait est reconnu par les gens de la maison,
par Borel et par Duclos.
R. Ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent^ mais cela n'est pas.
D. Persistez-vous, malgré ce que je viens de vous dire , à nier que
vous connaissiez Borel?
R. Je persiste.
D. Vous êtes cependant allé plusieurs fois avec Duclos chez le
frère de Borel, pour savoir des nouvelles de ce dernier, depuis son
départ pour Ham. . ^
R. Je ne connais pas cela.
D. Persistez-vous à dire que vous avez trouvé sur la voie publique
le règlement de la société qui a été trouvé chez vous ?
R. Oui, Monsieur; je l'ai trouvé effectivement.
£). Il est maintenant établi et reconnu par Borel lui-même, qui
était votre chef dans la société, que c'est lui qui vous a remis ce
règlement.
R. Borel n'était pas mon chef; et je nie que ce soit lui qui m'ait
remis ce règlement.
DE DARMÈS. 45
D. Ce règlement est écrit de la main de Racarie, communiste
comme vous, et que vous connaissez fort bien.
R. Je ne connais pas Racarie.
D. L'ëcrit intitulé : Qualités de f homme vraiment moral, a été
tracé par la main de Borel; qui vous Fa remis?
R. J'ai trouvé le tout ensemble; je ne sais pas si c^est Borel qui
fa écrit.
D. Vous avez insisté pour qu'on recherchât un iparchand de vieux
meubfes qui vous aurait vendu quatre volumes intitulés : Histoire du
siècle de Louis XIV,
Tous les marchands du quartier que vous avez indiquée ont été
recherchés, aucun na reconnu vous avoir vendu ces livres; ce qui
donne toute créance aux soupçons que vous les avez volés dans la
bibliothèque de M. Chatry-Lafosse , où vous aviez accès.
j?. Je n'ai pas voie ces livres; je les ai achetés.
IS* interrogatoire subi par Darmèsj le l**" février 1841 , devant M. Zangiacomi,
Juge d'instruction délègue'.
D. Je vais vous interroger sur divers objets qui ont été trouvés
à votre domicile, et de l'origine desquels la justice doit vous deman-
der compte. D'où provient ie tableau représentant Lycurgue dans
une sédition, que je mets sous vos yeux?
R. Je l'ai acheté en (ace de l'hôtel Bouillon , il y a à peu près un
an ; la date doit se trouver deiTière.
D. Je vois, en effet, au revers de ce tableau, ces mots : iO juin
1840, anniversaire de la mort dun brave. Cette date est-elfe celle de
Facquisition du tableau ?
R. Je ne me le rappelle pas précisément.
46 INTERROGATOIRES
D. Qu avez^vous entendu par ces mots : 40 juin 4840, anniver-
saire de la mort d'un brave ?
R. Je ne me le rappelle pas.
D. N etait-ee pas à la mort SAlibaud que vous vouliez faire Allusion ,
ainsi que cela se retrouve fréquemment dans vos papiers ?
R. Je ne parle pas S Alibaud A^us cette occasion.
D. D'où provient la tête de Judith que je vous représente ?
R. Elle ma été donnée par le sieur Joly père , pendant sa aaifidie,
et c'est moi qui l'ai fait encadrer.
D. Et cette lithographie d'après Jouffroy ?
R. Elle m'a été donnée par le sieur Benoit, lithographe, c'est moi
qui l'ai fait encadrer.
D. Et la statuette de /.-/. Rousseau ?
R. Je l'ai achetée d'un marchand ambulant.
D. Comment, dans l'état de détresse ou vous vous trouvîezi^^ faisîez-
vous encadrer avec tant de soin ces gravures?
R. Je n'ai pas toujours été dans la misère; j'ai acheté les cadres
parce que cela m'a convenu, et je les conservais.
D, D'où provient le voile qui a été saisi chez vous ?
R. Je l'ai trouvé un soir sur les boulevards extérieurs. J*étaîsavec
un autre individu.
D. Avec qui étiez-vous dans ce moment-là?
R. Avec un patriote dont je ne me rappelle plus le nom. '
D. Et les aiguilles à tricotter renfermées dans un étui d*acajou^
que je vous représente ?
R. Elles proviennent de ma femme.
D. Tout a l'heuie vous venez d'être mis en présence d'un individu
que vous avez reconnu pour être un nrarchand de bric-à-brac, qui
demeure rue du Faubourg-Poissonnière i en face la ^*ue LaftiyetCe.
DE DAHMÈS. 47
Vou^avet di# qiie c'était • de ce marchaDd que vous teniez Touvitige
intitulé : Lesiède de Louis XIV, en cinq volumes brochés, qui a été
saisi chez vous. Pourtant ce marchand déclare ne reconnaître ni
vous ni Touvrage.
IL C'est étonnant, car cet homme a reçu de moi en échange
divers outifs, tels que un marteau, des tenailles, un ciseau, un
coin, et je lui ai redonné encore douze sous pour avoir les hvres.
/). A quelle époque auriez vous acheté cet ouvrage?
R. H y a sixfou sept mois, ce sont les derniers h'vres que j'aie
achetés. Quant aux autres livres qui ont été trouvés chez moi, ils
ont été achetés par moi chez différents marchands de bric-à-brac , à
droite et à gauche.
16' interrogatoire subi par Dannès, le 96 fe'vrier 1841 , devant M. ie Chancelier
de France, Président de la Cour des Pairs, accompagne' de M. le baron Girod (de
FAin), Pair de France; et confrontation de cet inculpe' avec les te'moins Cazan,
Sauge et Jollois,
L'an 1841 , etc....
Est comparu ie témoin ci-après nommé, lequel, etc...., a déposé
ainsi qu'il suit, en présence de l'inculpé Davmès, que nous avons
fait extraire à cet effet de la maison d'aiTét.
Je m'appelle Cazan (IsaaoSimon)^ déjà entendu.
D. Vous avez gardé Darmès dans sa prison?
R. Oui Monsieur, depuis le 15 octobre.
D. Vous rappelez-vous de lui avoir entendu dire, dans sa prison ,
quelque chose qui ait trait aux complices de l'attentat du 15 octobre?
R. Oui, Monsieur; il me dit un jour ,1e 2 7 janvier, en remontant
d'ici ; « Je vois bien où ils veulent en venir; ils prétendent que je me
suis trouvé avec quatre individus, le 15 octobre, sur la place de la
Concorde. Eh bien, oui, |e n'étais pas seul; mais s'ils veulent savoir
48 INTERROGATOIRES
tes noms de mes complices, qu'ils les cherchent. » II ajouta même r
(t Je ne les leur ai pas encore dit, mais je les leur dirai. i^
D. Ne sest-il pas expliqué plus particulièrement sur quetques-uns
de ces individus?
R. Un soir, vers onze heures, le 3 février, s'étant mis à ia fe-
nêtre, il dit : fnW fait bien froid, ceux qui sont compromis dans mon
afiaire ne doivent pas avoir chaud. » Je lui répondis : Si vous vouliez
dire la vérité, vous leur éviteriez bien du mal; car probablement leur
secret serait levé , et ils jouiraient de la liberté accordée à tous les
autres prisonniers, et ceux qui sont innocents seraient mis en liberté.
Puis, ayant fermé la fenêtre, après s être promené quelques instants
dans sa chambre, il dit :« L'affaire de ce pauvre Dueios est bien
embrouillée; il sera sans doute condamné à vie. Si je voulais, je
n'aurais qu'un mot à dire pour faire tomber sa tête cQmme la mienne ;
mais c'est un père de famille; il aune femme, une maison; je ne
dirai rien. II n'a qu'un témoignage contre lui, c'est celui du can-
tonnier des Champs-Elysées; celui-là est mauvais, mais il est tout
seul ; et puis ces messieurs verront que c'est un mouchard.»
D. Avez-vous quelque chose à ajouter?
R. Un jour, il me dit que, pour parler, il fallait qu'if attendit ses
pièces , et que , si ses coaccusés le chargeaient ou se chargeaient entre
eux, il verrait ce qu'il aurait à faire.
Et de suite nous avons adressé à l'inculpé les interpeHations
suivantes :
D, Darmès, vous avez entendu ce qui vient d'être dit; quavez-
vous à répondre?
R. D'après ce que je vois, je crains bien que la justice ne fiisse un
faux jugement. Effectivement, le 27, en rentrant de rinterrogatoire,
j'ai dit au gardien : et Eh bien oui , je n'étais pas seul ; je le dirai plus
tard. » Je voulais dire par ià que, dans la France, il y en avait un
grand nombre qui étaient comme moi ; mais je ne voulais désigner
personne. Le 3 février, en ouvrant la fenêtre et voyant qu'il faisait
froid, ']e dis que les personnes inculpées dans mou affitire devaient
DE DARMÊS. 49
avoir froid dans leurs cabanons. Quant à Duchs, son affaire est
bien embrouillée ; si j'étais un scélérat , comme on veut bien le dire ,
il ne tiendrait qu à moi de lentraîncr dans mon affaire pour chercher
à me sauver.
D. N avez-vous rien autre chose à répondre à ce que vous venez
cTentendre ?
/?. Non , Monsieur.
D. A qui espérez-vous faire croire , quand vous avez dit : <« je n'é-
tais pas seul sur la place de la Concorde», que vous entendiez parler
de toutes les personnes qui , en France , peuvent partager vos opi-
nions?
if. Je persiste dans ma réponse.
D. Quant à Duclos, il est bien évident que vous savez qu'il a été
reconnu avec vous par le cantonnier des Champs-Elysées; vous ne
pouvez pas le ïiier.
R. Je ne le reconnais pas, parce qu'il n'y était pas. J'étais seul
sur ia place ; seul j'ai conçu le projet , et je l'ai exécuté.
An témoin :
D. Persistez-vous dans tout ce que vous avez avancé ?
R. Oui, Monsieur, je persiste.
Le témoin retiré, nous avons fait comparaître devant nous le
si^ur Sauge, iequel, après avoir prêté entre nos mains le serment
voulu par ia loi , nous a déclaré ce qui suit , toujours en présence de
finculpé Darmès :
Je m appelle Sauge ( Etienne ) déjà entendu.
D. N'étes-vous point l'un des gardiens de Darmès, dans sa
prison ?
jR. Oui, Monsieur.
IlTTERROGATOUISS. 7
«9 INTERROGATOIRES
D. O^uîs conbko de tempft?
ff . Pepuis le 2 3 janvier.
D. Lui avez-vous entendu dire quelque chose relativement aux
complices de son attentat ?
•
/?. Le 2 7 [anvier, en revenant de Tînterrogatoire , i( a dit : «Je
vois bien où ils veulent en venir; ils disent que nous étions quatre
sur la place de fa Concorde. Je n'étais pas seul, inais qi^iis cherchent
les noms de ceux avec qui j étais ; je ne les leur dirai pas. Ils veulent
des iqs^yi^ , j^ ne veux pi^ Içur en fournir. )i . i
' D. A-t-iï dit encore autre chose?
/?. li a dit encore : «lis veulent me faire croire qu'ils savent beau-
coup de choses; quand j'aurai vu ces choses imprimées^ \^ verrai
alors ce que j'aurai à faire. »
D. Lui avez-vous entendu dire quelque chose de plus, relatif à
quelques-uns de ceux inculpés d'être ses complices ?
R. Le 31 février, Darrnès ayant ouvert sa fenêtre , il faisait très-
froid ce jour-là, dit, en revenant s'asseoir auprès du poêle.: tijd.oi,
au moins, j'ai du feu et je puis me chauffer; mais je plains bien tes
pauvres diables qui sont arrêtés à cause de moi, qui sont au
secret et qui n'ont pas de feu. » Mon camarade lui dit : et Si vous étiez
raisonnable et si vous vouliez dire la vérité , vous les soulageriez, ils
ne seraient plus au secret et ils pourraieqt venir aq chauQoir comme
les autres. » Daittiès alors reprit : «H y a ce pauvre diable de Duclos,
dont i'f^ffaire ç^t hieq. embrouillée; il ^m% condamné à vî^, et je
n'aurais qu'un niot à dire popr iiwre tomber 3^ tête nvec {a mîenqa, ^
D. Est-ce là tout ce que vous savez ?
R. Mon camarade lui ayant dit qu'il serait possible que son affaire
fut finie pour le 1 5, Dormes dit ? «Il serait curîetix que moitaffhire
fût .terminée pour le 16, étant né le 17.» Nous lui dîmes: Il serait
bien heureux pour votre mère que vous ne fussiez pas né^, et pour
vousaussi.il i^épondit: et Pourquoi donc? Je suis fort aise d^éWehtf
pour avoir fait ce que j'ai fait , pour avoir essayé de délivrer ni^n lyiys
HÈ DAtUMËB. SI
d'un tywtti , d'un Gmnd*Môgof, qtii a fatissé toW MS iérIÉtH» en vio-
lant les lois de la Charte ; je n w qu'un regret , c'est de tt'ttvoif
pas réussi. »
A Darmèê:
D. Vous venez d'entendre ce qui a été dit. Qu avez-vous à ré-
pondre ? *
R. Le témoin dit vrai ; sauf que je n'ai pas dit les lois de la Charte,
mtîs le programme de f hôtel de i/ille. Qmnt à ïa place Lotris XV,
fai bien dit que fé n'étais pas setil, mais que ce n'étaietit pas tes per-
sonnes qui étaient avec moi que Ton inculpait.
D. Vous n'avei pas autre chose à dire?
R. Non, Monsieur.
D. Vous voyez f)ien que ce que dit ce témoin est la même chose
que ce qui a été déjà dit sur Duclos.
R. C'est ^n peu plu» conforme, sauf que je n'aî pas dh mes ùwn-
pUceSf ïXMAûeux qui étaietU impliqué» avec moi dans manajffhire.
Quant à Duclos^ je voulais dire que, si j'étais un scélérat, je n'aurais
qu'un mot à dnre pour l'entraîner avec moi.
Au témoin :
D. Vous persistez dans tout et q«e vôtis aVM dit?
R, Oui, Monsieur, je persiste.
Le témoin retiré, par continuattoft, ûMf âVôtls fait CMifpâilàtt^
devant nous le sieur Jollois, lequel , après avoir prêté entre nos mains
ie serment vouio p«r la lot i a déeiafé ee tpA suit, tottjMifS ett pré-
sence de f inculpé Darmès:
Je m'appelle Jollois {Jean-Eloi)^ déjà entendu.
7.
53 INTERROGATOIRES
D. Depuis combien de temps êtes-vous préposé à ia garde de
Darmès?
R. Depuis le 29 octobre.
D. Lui avez-vous quelquefois entendu dire quelque diose de
relatif aux complices de son attentat?
R. Je lui ai entendit dire qu'il n'avait encore déclaré personne;
mais que plus tard il verrait ce qu'il aurait à faire.
D. Ne lui avez-vous rien entendu dire, notamment le 27 janvier?
N'a-t-il rien dit sur les personnes qui pouvaient être avec lui sur la
place de la Concorde?
R. Je me souviens, en effet, qu'il a dit : tt Ces messieurs veulent
que je n'aie pas été seul sui; la place de la Concorde ; en effet ,
je n'étais pas seul, mais je ne leur dirai pas avec qui je me
trouvais. »
D. Est-ce ià tout ce dont vous vous souvenez?
R. Oui, Monsieur.
D. Vous souvenez-vous qu'il ait parlé plus particalièremeot de
quelques-uns de ceux qui étaient inculpés d'être ses complices?
R. II nous a souvent parlé de Borel et de Duchs.
D, Qu'est-ce qu'il vous a dit?
»
R. Il a dit de Borel qu'il le plaignait beaucoup , parce que c'était
un père de famille qui n'était pas heureux.
D. Et de Duclos?
R. Qu'il n'aurait que peu de chose à dire contre lui pour le
faire cpmpreo^dre dans son affaire. . .
... Et aussitôt nous avQxis adressé à l'inculpé les interpellations sui-
vantes :
D. Vous voyez que ce témoin a dit la même chose que les
deux autres.
^M'iM- i
DE DARMÈS. 53
R.^ Le témoin ne peut dire que ce que lui ont répété les autres,
car iin était pas là quand j'ai parié«
Le témoin répond :
«Tétais^ là, occupé 4 défaire les nœuds de votre manche.
. 1*
A Darmès :
D. Est-ce tout ce que vous avez à dire?
R. Oui, Monsieur.
Au témolii :
^ ■ . '.
D. Per«stez-vous dans vos déclarations?
R. Oui , Monsieur, je persiste.
* Sf
Le témoin retiré , nous avons procédé ainsi qu'il suit à l'interro-
gatoire de Darmèfi.
D. Les aveux que vous avez faits à vos gardiens ne nous appren-
nent rien ; ils nous confirment seulement que vous n étiez pas seul sur
ia place Louis XV , que vous y étiez avec Valentin Duclos et deux
ou trois aiitres personnes au moins, qui nous sont également bien
connues ; vous feriez donc beaucoup mieux de vous donner au moins
le mérite de ia franchise et de déclarer la vérité. Qu'avez-vous à dire?
R. J'ai dit la vérité jusqu'ici. J'étais seul sur la place Louis XV.
Quand je serai à la barre je m'expliquerai.
D. II y a encore un point sur lequel vous n'avez encore jamais dit
ia vérité, c'est sur l'emploi de votre matinée du 1 5 ; et, si je suis bien
informé, vous auriez également dit, en présence de vos gardiens, que
vous n'aviez pas dit toute la vérité sur Femploi de cette matinée et
que vous la feriez connaître à votre avocat?
R. J'ai dit toute la vérité, et si, dans le premier moment, je n'ai pas
dit les choses dont je suis convenu depuis, c'était dans la crainte de
compromettre les personnes.
M INTERROGATOIRES
D. Cherchez bien dans votre tnëmôhre ! est-ce qu'H n'y a pas
quelques-unes des visites que votis avez faites danà ia matmécr d& 1 5
dont vous pourriez parler sans compromettre personne?
R, J'ai dit tout ce que j'avais fait dans la matinée dn 1 5; seulement,
ce que je comptais dire à mon avocat y c'est que j'û été à miciî sur la
place du Carrousel pour voir arriver le Roi, que j'ai vu, en effet, arriver
à cette heure-là.
D. N'est-ce pas, en effet, après avoir vu arriver le Roi que vous avez
été vous concerter avec les personnes qui sont allées avec vous sur ia
place de la Concorde?
R. A midi et demi, je suis retourné chez moi, où j'ai même payé
un verre de vin au portier, qui doit s'en souvenir; puis faî été payer
25 sous que je devais à Considère. Ne f ayant pas trouvé me d'Artois,
je suis allé à Montmartre, chez sa femme, où j'ai dîné.
D. Dai^mès, vous approchez du redoutable moment pour vous, où
justice vous sera faite ; vous n'avez plus que quelques jour^ détint tous,
employez-les à rentrer en vous-même , à vous repentir comme vous
devez le faire, et à tâcher de mériter peut-être , par votre sincérité,
un peu moins de sévérité dans le jugement qui doit vous atteindre.
Gu'avez-vous à dire?
R. A partir du premiei? interrogatoire que vous m'aves-laît subir » j'ai
pris une résolution fixe et positive sur ma position ; il m'est impossible
de la changer.
DB DUCLOS. M
il il •
INTERROGATOIRES DE DUCLOS.
I •
DuCLOS (Vaîentîn)^ i^gé de 44 ans, né à Paris , 'propriétaire de cabriolets
de remise t detif^urant à La ChapeUe-Saint-Denis, passagf^ de la
Goutte-d^Or, n"" 4.
1*' interrogatoire subi, L^ 90 octobre 1840, devant M. Zangiacomî, Juge d^structioD
dele'gue'.
D. Vous connaissez un sieur Lespinasse?
R. Oui; c'est un marchand de vin du faubourg Poissonnière.
D. Comment le connaissez-vous?
R. Je le connais parce qu'il est du quartier.'
D. Vous allez quelquefois chez lui 7
Rr Oui, Monsieur, pour j prendre un verre dé Wn.
D Vous y alliez pour d'autres motifs.
R. Non, Monsieur.
D. Vous y êtes pourtant allé quelquefois le son*, et vous vous y
êtes trouvé avec certain$*individu8.
m
R. Non , Monsieur.
D. Vous vous y êtes trouvé notamment avec Darmès.
/t Non , Monsieur ; ce a'e$t paa I& que je voyais cet individu : il
était du quartier, il passait et repassait dans la rue, où chacun pouvait
le voir comme moi; quand il pe m'empoignait pa$ pour bavarder, il
jasait avec un autre ; pas plus avec moi qu'avec d'autres.
D. Aismi parfois if causait avec vous?
R. Oui, quand cela se troaiwt
\
M INTERROGATOIRES
D. Quel était le sujet de ces conversations ?
A. C'étaient des choses vagues ; on pariait de choses et d'autres.
D. Parmi ces choses vagues , la politique n entrait-elle pas pour
beaucoup ?
R. Parfois, oui , Monsieur; il s étalait sur f histoire ancienne. .
' D. Mais le plus souvent ne parlait-il pas de la poKtique actuelle?
R. Quelquefois il disait qu il venait de lire le journal , et il racon-
tait les nouvelles.
D. Vous devez alors connaître ses sentiments politiques?
R. II était un peu exaspéré.
D, du entendez-vous par là ?
B. Je pense qu'il était républicain.
D. Il résulte de renseignements que vous l'entreteniez dans ces
idées, et que, dans des conciliabules que vous avez eus avec lui et
quelques autres individus, vous f auriez poussé à commettre le crime
dont il s'est rendu coupable?
R. Je ne lui ai rien dit.
D. II est impossible que, lié avec lui comme vous l'étiez, partageant
comme vous le faites ses idées politiques, le voyant habituellement,
vous n'ayez pas eu avec lui, dans ces derniers temps, quelques conver-
sations sur l'attentat dont il s est rendu coupable?
•
R. Je ne sais rien de tout cela; je vois que fon veut me perdre.
D. N avez-vous pas été avec cet individu au banquet de Belle-
viile?
R. Je ne dirai plus rien à présent; je n'ai plus rien à dire.
D. Pourquoi ne voulez-vous pas répondre à cette question?
/L Je vois que fon est indisposé contre moi.
Communûtles : c'est» à ce titre que yous ûutiei^ été mh bfuiqueti de;
Belleville, et que vous vous trouvez dans une si grande uitfiiiètd
avec Darmès.
1 1> ««
R. Maintenant je ne répondrai plus.
• •
D. On ne coibprend pas, si vous^etç^ ipQOcçnt et étrflPgf r toqt à
fait au crime de Darmès, que vous adoptiez un pareil système.
. . . r '
R. Je ne vois pas ' pourquoi on m accuse , ma politique est d être
un homme moral, et je n'ai rien à nm reprçic^r. .
£). Qu entendez-vous par être moral?
R. D avoir de fa probité, de savoir se conduire, de ne faire de
mai i personne , ce sont les qualités que j'ai. Je pui^ avoir à^ idées ,
mais jamais je ne me mêlerai d'un assassinat, parce que ce n'est pas
là de la politique.
/). Vous savez quç Darmès a pris 4 la préfecture de police des
médailles de cocher de cabriolet ?
jR. Ôdî , Monsieur ; il me Ta dît, maïs [è ne ine rappelle pas Tavoir
jamais va mener de cabriolet.
D. N'était-ce pas pour vous qu'il devait conduire ?
/?. Non , Monsieur.
D. N'avez-vous pas eu entre les mains divers ouvrages tefs que
f Histoire des égcusx , Jacques Bonhomme f etc. et que sont -ifs
devenus?
R. Je ne connais pas cela : j'ai eu des livres , je les ai mis de côté,
je ne sais ce que cela est devenu.
D. Depuis quand les avcz-vous mis de côté ?
R. Je ne me rappelle phis.
A Vos réponses ne afmt pas franchea , iMtee ccfidnite n'est nul-
lement justifiée par vos réponses* Vos rapports avec Darmès ne sont
IntbrrogatoibbSv 8
58 INTEliROGATOIRES
pas siiffisaininent expliqués par vous et on recherchera votre partici-
pation dans ses actes et le fait de votre affiliation à la Société des
Communistes.
R. tTai répondu franchement?
D. Vous n'avez pas répondu franchement à la question du ban-
quet de BelIevîHe. Y étes-vous allé, oui ou non? -^^
R. Je ne sais pas pourquoi on me demande cela.
D. Voulez-vous répondre , oui ou non?
R. Je n'ai plus rien à dire.
D. Ainsi vous ne voulez pas vous expliquer sur ce fait?
R, Non, Monsieur.
S^ interrogatoire subi par Duclos, le S2 octobre 1840, devant M le ChaDcelier
de France , Président de la Cour des Pairs.
D. Vous avez déjà été interrogé, et, bien décidément, vous
n'avez pas dit la vérité. D après les découvertes qui ont été faites
chez vous , votre position devient infiniment grave. Vous connaissez
Darmès: vous étiez avec lui dans des rapports intimes, et, quand
on rapproche ces circonstances du résultat de la perquisition qui a
été faite à votre domicile, il est bien difficile de ne pas croire que
vous n ayiez pas eu connaissance de ses projets. Je vous engage à faire
des aveux, des aveux très-sincères; vous n'avez pas d'autre moyen
de détourner les soupçons qui s'attachent naturellement à votre con-
duite. Depuis combien de temps connaissez-vous Z)ii;77iè^ ?
R. Depuis une douzaine d'années; je Tai toujours vu dans le
quartier , qui allait à droite et à gauche.
D, Vous aviez des occasions assez fréquentes de vous rencontrer
avec lui chez le marchand de vin Lespinasse?
R. Je Xy ai vu peut-être une fois ou deux , encore je n'en suis pas
sûr.
DE DUCLOS. 59
D. Qu'elles sont les personnes avec lesquelles vooà vous êtes
trouvé en même temps qu'avec Darmès ?
R. Je ne pourrais vous le dire; il connaissait tout le monde.
D. Etes-voûs entré quelquefois dans la chambre de Datâmes ?
R. Jamais; je ne savais seulement pas oii il demeure : je ne iai
su que par le. journal, quand on Ta arrêté.
D. Comment et en quel lieu avez-vous été informé de fattentat
de Darmès?
R. Le lendemain , quand on a crié le journal , je l'ai acheté. Je ne
connaissais seulement pas Darmès sous son véritable nom; nous ne
f appelfions que le petit /routeur.
D. Ne vous étes-vous pas promené avec lui , dans la journée du 1 4
et dans celle du 15? .
R. Non j Monsieur. Je n'ai pas quitté mon cabriolet pendant ces^
jours-Ià.
D. Votre cabriolet n'a-t-il pas stationné dans les environs de la
place Louis XV, le jour de l'attentat?
Rs Non, Monsieur.
D. N avez-vous pas conduit quelqu'un de ce côté-là, ce jour-là?
R. Non, Monsieur; je n'ai conduit personne de ce côté-là.
Ds Vous connaissiez parfaitement les opinions politiques de
Darmès ?
R^ Je savais quil était exalté.
D. Depuis combien de temps étes-vous dépositaire des cartouches
qui ont été trouvées hier chez vous ?
R. n y a bien longtemps.
D. Combien y a-t-il de temps?
R. Quatre ou cinq ans.
D. Qui est-ce qui vous les a confiées ?
R. Cest un monsieur qui fait la commission. Je Tai conduit rue
8.
eo INTERROGATÔmES
Stmt-«Magkitre au ooia de la rue Samt^Denis. Un jeune hodiine
est venu m apporter ce paquet; il y avait un pot de grès dans le ne.
D. duelle est Cette personne ?
R, Je ne la connais pas.
D. Comment! une personne que vous ne connaissez pas vous
aurait confié un dépôt de cette impoitance?
R. Je l'avais menée déjà cinq ou six fois; je Fai reiqenée ensuite
d autres fois. Journellement on nous laisse des paquets daus nos voi-
tures^.
D, Pourquoi n avez- vous pas déclaré ce fait au cooimi^saire de
police ?
R, C'est le tort que j'ai eu; mais d'abord je ne savais pu que c'é-
taient des cartouches : la caisse est restée trois mois sous la remise.
* • •
D. Si vous avez. conduit plusieurs fois la personne dont îi s'agit^
\(oiis devez savoir son nom et son adresse?
R. Ce monsieur demeurait rue Rocbechouart, je ne sais pas le
numéro ; ii s'appelait quelque chose comme Bidault, un nem assez
(lifiicile a retenir. Je devais le conduire avec cette caisse à cinq lieues
et demie de Paris ; puis il se ravisa, et me dit de la garder chez moi et
d'en avoir bien soin ; qu'il me dirait plus tai*d ce qu'il fisiUait en Etire.
Z). Vous avez été compromis dans les affaires des 5 et 6 juin ?
R. Oui, Monsieur, par suite d'une dénonciation.
D. Vous avez été compromis à ce point que, vous étant présenté
le 7 , le commandant de la garde nationale tous a chassé.
R. Oui , cela est vrai ; on m'avait dénoncé.
/). Vos sentiments, au reste, sont assez dénotés par les écrits qui
ont été trouvés chez vous, et qui sont de la nature la pins snbversi^?
/?. CVst précisément cette dénonciation-fà qui a fait wlotï malheur;
sans cela j'aurais déclaré ce que j'avais chez moi.
/). On sait que vous appartenez à la société dea Communistea, et
Dfi DUGliOS. ^1
cesit^mme tel i)«e vottsaYez élé;au.{)anquet deBdlevîHeet itue irous
avez connu Darmès.
M. Je aappartiens à aucune société.
D. A ijuéîle heure êtes-vous arrivé au banquet de Beflevflle ?
R. fl;était.déjà Que heure avancée , quand j'y ^uis allé. J'ai mon
cabriolet à mener.
D. Qui est-ce qui vous y a conduit?
R. J'y suis ailé seul.
D. Mais tout le monde n'allait pas à' ce banquet."
R. Je ne saurais vôiis rien dire là-dessus;
D. Vous avez vu Daîtnès à ce banquet?
R. Oui, Monsieur, jy ai vu Darmès.
/). N'est-ce pfts avec lui que vous y avez été?
R. Non, Monsieur, j'y suis allé tout seul.
JD^ Au diner de Bdievillef n'y avait-il pas, outre Darmès, d'autres
personnes de votre connaissance?
R. Non, Monsieur.
D. Galand n'y était-il pas?
R. Je ne connais pas Gaiand.
t
• •■';■••• '
D. âu'a-t-on fait à ce dîner?
R. On a lu des discours; je ne les ai pas beaucoup entendus,
j'étais Fun des derniers.
D. Qui est-ce qui y portait la parole?
R. Je n'y connaissais aucun de ceux qui portaient la parole.
£>. Cherchez à vous mieux rappeler le nom de l'individu qui vous
avait confié des cartouches?
R. Ma foi , je ne sais pas. ' ^
62 INTERROGATOIRES
D. N'avie&vous pas fait connaissance de cette personne-à Toccasion
des affaires des 5 et 6 juin?
R. Je ne connaissais pas cette personne, et j'ai été plus de trois
mois sans savoir ce qu elle m avait donné. Je ne 1 ai su que lorsque
j ai voulu ranger tout cela. En montant fescalier , j'ai fait un faux pas,
le pot de grès s'est cassé ; ce n'est qu'alors que j'ai su que c'étaient des
cartouches.
D. N'avez-vous pas déjà été compromis dans une affaire de fabri-
cation de poudre?
/?. Non, Monsieur, jamais.
D. D'après la vérification qui a été faite t. ia poudre trouvée chez
vous proviendrait d'une fabrication clandestine?
R. Je n'en sais rien.
D. Depuis combien de temps connaissez-vous Laponneraye?
R. Je l'ai connu dans le temps, aux cours d'adultes; s'il n'y avait
pas eu d'école, je ne l'aurais pas connu.
D. On a trouvé chez vous une pétition à la Chambre des Députés,
autographiée et signée de plusieurs noms parmi lesquels figuit^nt le
vôtre et celui de Boudin?
R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire.
D. Comment! vous ne savez pas ce que je veux vous dire?
R. Une pétition à la Chambre des Députés? Ah ! oui , j'en ai signé
une ; mais je ne savais pas qu'elle fût à la maison.
D. Qui est-ce qui vous a proposé de la signer?
R. Je ne sais pas.
D. Connaissez-vous Gallois?
R. Non , Mons»ieur.
D. ¥a Boudin?
R. Oui, Monsieur, je le connais.
DE DUCL.OS. 63
I
JD. ,Ky ^Uil:^9A deux Baudm? .
R. Ouï , Monsieur; ils ont travaille tous les deux pour moi.
D. Boudin na-t-il pas été compromis dans TaSaire du Moniteur
républicain ?
R. Je ne crois pas , je ne sais pas.
D. duel était lob jet de cette pétition?
R. Sans doute la réforme électorale.
D. Outre les 500 paquets de cartouches trouvés chez vous, on y
a saisi d'autres munitions en plus petite quantité, qui évidemment
provenaient de vous?
R. Cela était avec le reste; jamais je nai acheté pour un centime
de poudre.
D. Vous ne lavez peu^etre pas achetée , on vqus Fa donnée.
R. Personne ne m*a donné de poudre, je ne connais personne qui
en fabrique.
D. Qu'est-ce que c'est que ce bonnet qu'on a trouvé chez vous?
c'est ce qu'on appelle un bonnet phrygien , un bonnet rouge.
R. If y a longtemps que j'ai cela; on peut en faire ce qu'on veut.
D. Je vous représente une lettre datée du 30 novembre 183 7, et
signée Laponneraye. La reconnaissez-vous ?
R. Oui, Monsieur.
D. II était donc lié avec vous, puisqu'il vous proposait de prendre
de actions dans son journal ?
R. Je n'étais pas lié avec lui pour cela. J'étais abonné à son journal
parce qu'il coûtait bon marché.
Z>. Quelles étaient vos relations avec la femine Leduc, fabricanie
de paillassons , dont on a trouvé l'adresse chez vous ?
R. Je ne la connais pas.
D. Connaissez-vous le sieur Desmarets, corroyeur?
R. J'ai eu des relations d'affaires de commerce avec lui ; je ne f ai
64 INTEFIHOGATOIRES
pas vu depuis plus de dix ans. Cest on homme qui. m a fiait du .tort,
et beaucoup de tort. i\ na su que dire du mai de moi, qui lui avais
toujours fait du bien,
D. duel mal a-t-ii dit de vous?
/?. Cent horreurs, parce que je voulais' me faine payer dé lui"
, I
D. Persistez-vous à dire que voiis n'avez pas été avec Darmès au
banquet de Belleviile?
- » ■ . i
* * • ' . ■ . • • :
/?. Je n'y suis pas allé avec lui.
D. N'en êtes-vous pas au ntoins revenu avec lui ?
/?. Oui, Monsieur; je suis revenu avec lui jusque chez lifi»
D. duels étaient avec vous les amis les pius ititittiM de Darmès?
R. Je ne me le rappelle plus; je n'étais pas, moi, intime avec fui. II
passait et repassait, et m'avertissait par obligeance quand il ny avait
pas de^€ahriolets à l'une de mes stations : ce n'est pas là de f inti-
mité, h'
D. Vous avez connu plusieurs des accusés d'avrif ?
R. II y a si longtemps de cela que je l'ai, oublié.
D. Je vous représente la pétition autographiëe dont je vous ai
parlé tout à l'heure; la reconnaissez-vous?
R. II y a si longtemps de cela que je ne m'en souviens pfus.
D. Je trouve dans vos papiei^s un reçu ainsi conçu : ((Reçu 4u
citoyen Président de la Section la somme de quatre francs. Ce 1 3 dé-
cadbre i &3â. Signé Delente. ^ Chi'est*ce que ce reçu ?
R. Je ne sais pas comment ce papier s'est trouvé chez moi, mes
moyens ne me permettent pas d'être chef de section. Cela a pu se
trouver dans qinefqite brochure ou dans quelque chose qu'on m'a
donné à Ih*e,
DE DUCLOS. 65
3* interrogatoire sabi par Duclop , le 99 octobre 1640, devant M. Zangiacoini , Juge
d'instruction délègue'.
Et aussitôt nous lui avons représente deux paquets annoncés con-
tenir, lun de la poudre, lautre des cartouches, et avons demandé
à rinculpé s'il les reconnaissait pour ceux'^saisis chez lui, ainsi que
l'intégrité des scellés y apposés. II a répondu affirmativement à ces
deux questions.
Nous avons aloi^ rompu lesdits scellés en présence dudit Duclos
et de MM. Chevallier et Gazan, experts commis par nous à leflfet
d'examiner le contenu desdits paquets et de nous donner leur avis! Eu
conséquence, MM. ies experts ont prêté entre nos mains serment
de remplir l'objet de leur mission en leur honneur et conscience,
et ils se sont livrés à cet examen, dont ils nous ont dit qu'ils feraient
un rapport spécial. Nous mentionnons ici que M,. Lenoir, commissaire
de police, a assisté aussi, en qualité d'expert, à ces opérations, et
qu'il a prêté le serment prescrit par la loi.
Lecture faite, le présent procès-verbal a été signé par les experts,
le nommé Duclos, qui depuis dix heures jusqu'à cinq heures a assisté
à leurs expériences, nous juge délégué et le greffier, ainsi que par
M. Lenoir, commissaire de police.
4* interrogatoire subi par Duclos, le 4 Doverobre 1840, devant M. le Chancelier de
France, Président de b Coar des Pairs.
D. Dites remploi de votre temps dans la journée du 1 5 ?
A. J'ai mené mon cabriolet toute la journée.
D. L'on vous a peu vu à votre station ce jour-là?
R. J'ai quitté ma station pour aller en course; mais tout le reste
du temps, je l'ai passé à ma station.
p. Dans la journée du 15, vous avez été au moins une fois du
côté de la place Louis XV ?
R. Non, Monsieur; mes occupations n'ont pas du tout été par-là.
Intbrrogatoibbs. 9
\
66 INTERROGATOIRES
D. duel jour et à quelle heure avez-vous vu Daimès pour ia der-
nière fois?
/?. Je ne saui*ais vous le dire. Depuis quelque temps on ne ie
voyait plus passer aussi souvent, parce qu'il apprenait à raccommoder
des souliers.
D. Y a-t-il longtemps-que Darmès a été chez vous à la Chapelle?
R. Ma foi , je ne vous le dirais pas ; je ne pourrais me le remémorer.
D. N avez-vous pas été avec Darmès à la place Louis XV avant
le jour de l'attentat?
R. Non, Monsieur, je vous le jure; j'ai toujours travaillé et je n ai
pas quitté mon cabriolet.
D. duel jour avez-vous bu à ia place Louis XV un verre d'eau-
de-vie ?
/?. Jamais je n'ai bu d'eau-de-vie à ia place Louis XV.
D. Vous avez en connaissance d'un comité où se méditaient de
mauvaises actions contre ie Gouvernement?
R. Non , Monsieut.
D. Par. qui aviez-vous été invité au banquet de BelieviHe?
R, Je ne vous dirai pas; je l'ai su par les journaux.
D. Mais ion ne va pas à ces sortes de banquets sans y être invité
et sans faire partie des sociétés qui s'y réunissent?
R, Je n'ai jamais fait partie d aucune société.
D. Depuis combien de temps connaisses^-vous le naminé Pillot,
chef de la société qui s'est réunie au banquet de Belleviiie?
R. Je ne le connais pas du tout
D. C'est cependant lui qui présidait le banquet et (pii y a fait un
discours ?
R. J'étais très-éloigné ; j'étais du côté de la porte et je n'enten-
dais rien. . • . ,
ff
•
DE DUCLos. er
D, Vous faisiez cependant partie d une des sections dont se com-
posait la société. A quelle section apparteniez-vous?
R. Je n'appartenais à aucune section.
D. Mais tous les convives de ce banquet étaient divisés en
sections?
R, Je ne sais pas ce que cela signifie.
D. A quelle heure et à quel endroit avez-vous rencontré Darmès
ce jour-là?
R, En sortant du banquet.
D. N*étiez-vous pas à la même table que lui?
R. Non, Monsieur.
D. Mais vous avez diné à ce banquet ?
R. Oui, Monsieur.
D. A quel endroit avez-vous quitté Darmès?
R. Nous sommes revenus par les boulevarts extérieurs; je l'ai quitté
sur le boulevart même.
D. En refusant, comme vous le faites, de répondre d'une manière
satisfaisante aux questions (|ui vous sont adressées, vous ne pouvez
qu aggraver votre position déjà fort mauvaise.
R. Je ne peux pas Bire ce qui nest pas.
6* iflterrogatoire subi par Duclos , le 91 novembre 1S40, devant M. ie Chancelier
dé France, Prffstdent de la Cour dea Pairs.
D. Vous avez menti quand vous avez dit que les cartouches sai-
sies efaez vous étaient fort anciennes. C'est vous qui avez fiut ces car-
touches ; vous y travailliez encore au mois de juin dernier. Quavez-
vous à dire?
L'inculpé répond après avoir liésité longtemps :
R. Je ne sais pas ce qu'on veut me dire.
68 INTERROGATOIRES.
D. On vous a vu y ti*avaiiler?
R. C est une fausseté.
D. Vous avez fait plus que de fabriquer des cartouches, vous les
apportiez à Paris dans votre cabriolet ; vous les mettiez dans une mu-
sette , et vous alliez les distribuer dans divers endroits. Qu avez-vous
à dire ?
R. Je m'expliquerai là-dessus.
D. Où portiez-vous ces cartouches ?
R. Puisque vous le savez , je n ai pas besoin de vous le dire.
D. Je sais que vous les portiez du côté du faubourg Montmartre ;
où les portiez-vous?
R. Je m'expliquerai sur tout cela, lors du jugement.
D. Vous avez été vous promener hdrs Paris avec Darmès, deux ou
trois jours avant l'attentat?
R. Il y avait longtemps que je ne l'avais vu.
Z). Le même jour, vous avez bu avec lui un verre d'eau-de-vie
chez la femme Bourson , sur le boulevard Poissonnière ?
R. Je n'ai pas été du tout avec lui ce jour-Ia.
D. Vous avez dit devant un témoin , qui en a déposé, en parlant
du Roi : «On ne le descendra donc pas ! Si je tenais son cœur là,
ttje mordrais dedans » ?
R. C'est une pure invention ; je n'ai jamais dit que je mangerais
le cœur de personne,
D. Vous trouvant un jour chez la femme Humbert avec d'autres
individus , vous avez cassé un buste du Roi ; le lendemain cette so-
ciété en a renvoyé un autre qui avait une corde au cou.
R. Je me rappelle bien qu'en je ne sais quelle année le buste a
été cassé ; j'ai été très- mécontent de cette chose-là , mais je ne pourrais
pas dire qui est-ce qui l'a faite.
D. Il est impossible que vous niiez votre grande intimité avec
Darmès ?
DE DUCLOS. 69
R. Je nai pas d'intimité avec lui : il allait et venait; je ne le connais
pas autrement; je ne savais même pas son nom , je ne I ai appris que
par les journaux.
D. On a cependant trouvé chez vous un livre sur lequel il y a
cette inscription de la main de Darmès : Donné à son ami par
Mariusl
R. Je ne sais pas ce que c est que ce livre. .. .
D. Je vous rappelle qu il y a sur ce livre l'inscription dont je viens
de vous parler.
R. Il m'a dit une fois, en me donnant un petit livre pour les che-
vaux : tt Tenez, voilà qui pourra vous être utile. » Mais je n'ai pas vu
l'inscription dont vous me parlez.
D. Depuis combien de temps aviez-vous une carabine à vous?
R, Je n'ai jamais eu de carabine.
Z). Quel est celui de vos amis qui demeurait passage du Saumon,
et qui a été tué dans une émeute?
R. Je n'ai pas mémoire de cela.'
Z). Vous avez eu pour locataire , pendant quelque temps , un in-
dividu du nom de Joly?
R. Je ne le connais pas sous ce nom-là. II est possible que ia
personne dont vous me parlez ait un autre nom.
D, Comment vous étiez-vous procuré la poudre qui était dans
une boîte posée sur votre table, et qui vous a servi à confectionner
des cartouches?
■*
R. Je vous ai déjà déclaré comment j'avais eu ces cartouches.
D. Depuis combien de temps connaissiez-vous un portier qui venait
vous voir souvent à votre station ?
R. Je ne sais pas de qui Ton veut me parler.
D. Je vous parle d'un portier qui avait habitueOement une
calotte rouge, une redingote à la propriétaire et un chapeau assez
saie.
yo INTERROGATOIRES
R. Je ne le connais pas.
D. Votre teinme a deux fils, quel est leur état?
R. li y en a un qui est cloutier, et l'autre . . . ? j^ "^ vous le dirai
pas , je ne le sais pas; je ne les vois pas. Je croîs qu'il esf em-
ployé à la Halle.
D. Vous les voyez, puisque le jour de votre fête ils viennent dans
votre cour tirer des coups de fusil.
R. Des coups de fusils .... ou des pétards. Ils sont venus me
souhaiter ma fcte, cest vrai; mais je les vois très-rarement.
D. Je vous rappelle Tinscription textuelle dont je vous parlais
tout à l'heure : Donné à son ami, par Marius.
R. Je n'ai pas vu cette inscription-là; il m'a donné ce livre,
comme je vous l'ai dit , pensant que cela pouvait me servir. C'est
un mauvais bouquin, auquel je n'ai fait aucune attention.
D. Le jour de l'attentat, vous avez déjeuné avec Darmès , et
vous avez dit en sortant: et Aujourd'hui, c'est moi qui paie; tues
un brave?»
R. C'est faux, entièrement faux.
Lecture faite, l'inculpé a déclaré qu'il se refusait à signer cet
interrogatoire.
6* Interrogatoire subi par Duclos^ ie S5 novembre 1840, devant M. Zangiacomi,
Juge d'instractiou , delegae'.
•
D. Par qui avez-vous fait restaurer et badigeonner, en dernier
lieu, la station h"* 53, de la rue des Petites-Ecuries?
R. Cest par un peintre; mais je ne sais ni son nom ni sa
demeure. Cest un homme que j'avais vu dans le quartier et que
j'avais employé.
D, Ne connaissez- vous pas un individu attaché à un théâtre,
notemment au Vaudeville ?
A. NoHf Monsieur, fe n'en connais pas et ne sais pas de qui vous
voulez parler.
DE DUCLOS. 7]
7* inCerrogntoin* subi parDuclos, le 91 décembre 1840, devant M. le baron Girod
(de l'Ain), (wir de France, l'nn des commissaires délégua; et confrontations de
cet inculpe avec les témoins Hénot, Fagard, femme Féltsa, femme Saint-Gau-
dimu, et avec les inculpes Considère et Dartnès.
•
L'an 1840, le 21 décembre , une heure de relevée , devant nous,
Louis-Gaspard'Amédée baron Girod (de FAin), Pair de France,
commis par M, le Chancelier pour Fassister dans Tinstruction , étant
en notre cabinet, à la maison de justice de la Conciergerie, assisté
de Léon de la Chauvinière, greffier en chef adjoint de la Cour,
Nous avons fait introduire le sieur Hénoi {^ Jean" Jules), déjà en-
tendu; nous lui avons fait donner lecture de la déclaration par lui
faite le 2 novembre 1840, devant M. Z^ngiacomi, juge d'instruction
déygiié, et noua iuî avons demandé sï\ y persistait «
Lé témoin a répondu : Oui, Monsieur. Nous lui avons ensuite
adressé cette question.
D. Avez-votts quelque chose à ajouter à cette déclaration?
Le témoin a répondu : Non , Monsieur.
Et de suite nous avons fait amener devant nous le nommé Valen-
tin Duclos.
Nous avons adressé au témoin lat[uesti(>n suivante, en lui représen-
tant Valentîn Duclos : Reconnaissez-vous la personne que je vous
représente?
Le témoin a répondu : L^ni des hommes que j'ai vus était de cette
taille-Ià; sa figure n'était pas garnie de favoris aussi ép^is, il avait Tair
plus jeune, mais c'était bien là même taille.
D. Quelle heure était-il ?
R. U âait onze heures et demie, midi.
Nous avons fait retirer le nommé ralentin Duclos, et de suite noiis
avons fait aihener devant nous le nommé Considère, '
Nou^' avons demandé au témoin, en lui représentiuit Considère, s'il
ie reconBaûftak pour f un des deux indi vîd|us dont il a.f)arié.
7i INTERROGATOIRES.
Le témoin a répondu : Je ne reconnais pas cet individu pour Tun
de ceux que j'ai vus. Je reconnaîtrais plutôt pour la taille le premier
et surtout pour le profil , lorsque vous Pavez fait retourner.
Nous avons fait retirer le nommé Considère^ et de suite nous avons
fait amener devant nous le nommé Darmès.
Nous avons demandé au témoin s'il le reconnaissait.
Le témoin a répondu : Aucunement. Cet individu est plus petit
de taille que celui que j ai vu. Même, le plus petit de ceux que jai
vus , était plus grand que ceiui-Ià.
Après lecture , le témoin a déclaré persister dans ses réponses et a
signé avec nous et le greffier en chef adjoint de la Cour.
Par continuation , nous avons fait introduire dans notre cabinet le
nommé Fagard, déjà entendu . auquel nous avons adressé la question
suivante :
D. Je vous fais donner lecture de ia déclaration que vous avez
faite, le 2 novembre l84o, devant M. Zangiacomi, juge d'instruc-
tion délégué. Persistez-vous dans cette déclaration ?
R. Oui, Monsieur.
D. Avcz-vous quelque chose à y ajouter?
R. Non, Monsieur.
Et de* suite nous avons fait amener devant nous ie' nommé Duclos,
et nous avons demandé au témoin s'il le reconnaissait.
Le témoin a répondu : Non, Monsieur. L'individu dont |e veux
parler, avait une figure beaucoup plus rouge et beaucoup plus pfeine ;
il n'avait pas de collier de barbe,. il n'avait que des favoris; c'était
du reste à peu près ia même taille. Je veux parler de celui qui est
venu me demander l'heure.
Nous avons fait retirer ie iiommé Duclos, et nous avons fiiit
amener devant nous le nommé Darmès.
* Nous avons dit au témoin : Reconnaissez-vous cet individu ?
Le témoin a répondu : Oui , Monsieur, c'est bien lui que |'ai vu.
Nous avons &it donner par- le greffier, en présence de Darmès,
DE DÛCLOS. 73
une noQyelIe lecture de la dëdaration faite par le témoin devant
M. Zangiacomi, le 2 novembre, et nous lui avons adresse la ques-
tion suivante :
D. Vous voyez qu'il résulte de cette déclaration , que le témoin
vous aurait vu , le 1 5 octobre, vers cinq heures, sur le lieu de lattentat,
en compagnie d'un autre individu ?
R. Le témoin se trompe. li dit qu'il ma vu avec une autre per-
sonne, cela n'est pas; je suis resté là près d'une heure, mais j'ai tou-
jours été seul. Quant au verre d'eau-de-vie , ii est vrai que j'en ai bu
un ; mais la marchande qui me l'a vendu et qui m'a signalé au sergent
de ville , a bien vu que j'étais seul.
D. Vous avez avoué dans vos interrogatoires que, peu d'instants
avant de commettre l'attentat, vous teniez votre arme exactement
comme le témoin l'a dit; vous avez avoué que vous aviez bu un verre
d'eau-de-vie presqu'au même instant: vous voyez que ces aveux de
votre part s'accordent parfaitement avec la déclaration du témoin,
qui d'ailleurs vous reconnaît très-bien, et qui explique que la personne
qui était avec vous gesticulait et parlait avec vous. II est bien difficile
d'admettre que ce témoin, qui, de votre propre aveu, a dit la vérité
sur deux faits qu'il n'a pu inventer, n'ait pas également dit la vérité ,
lorsqu'il a affirmé, sous la foi du serment, quil vous avait vu, sur |e
lieu même du crime, en compagnie d'une autre personne, peu d'ins-
tants avant celui où vous avez tiré sur le Roi.
R. Je persiste à dire que monsieur se trompe.
D. Je vous répète que la déclaration du témoin vous constitue en
état de mensonge, relativement à ce fait si grave, que vous étiez en
compagnie d'un autre individu au moment de commettre le crime.
R. Tout cela est une pure invention.
D. Vous réfléchirez sur ce que je vous dis, et vous veri-ez s'il ne
serait pas enfin temps d'entrer dans la voie de la véritiî?
«
R. Je persiste à dire que j'étais seul, absolument seul.
Intbrrogatoirbs. ^0
74 INTERROGATOIRES.
Le prévenu et le témoin ont $îgiié en cette partie, après lecture,
ainsi que nous et le greffier en chef adjoint de ia Cour.
Et, de suite, nous avons fait amener devant nous le nommé Consi-
dère , et nous avons demandé au témoin s'il le reconnaissait pOur être
Tun des deux individus dont il a parlé dans sa déclaration.
Le témoin a répondu : Non, Monsieur, l'individu qui était avec
celui que vous venez de me représenter tout à Theure, et que j'ai
parfaitement reconnu, était beaucoup plus rouge, il avait la figure
beaucoup plus pleine.
Nous avons adressé au témoin la question suivante :
D. Reconnaîtriez- vous la marchande d eau-de-vie dont vous avez
parlé dans votre déclaration ?
R. Je ne pourrais vous le dire :je nai pas fait grande attention
à cette femme; jai seulement remarqué quelle remettait son panier
sur sa tète, et qu'elle s'en allait du côté des Champs-Elysées.
Nous avons fait introduire devant nous ia femme FéUsa,, déjà en-
tendue, et nous avons demandé au témoin Pagard s'il la connaissait.
Le témoin a répondu : Je reconnais cette femme pour f avoir vue
sur le pont, mais elle me parait plus 'grande que celle dont fai parlé
dans ma déposition.
Nous avons fait donner lecture à ta femme Félisa de sa déposition,
reçue le 7 novembre 1840, par M. Zangiacomi , et nous lui avons
demandé si elle j persistait.
Le témoin a répondu : Oui, Monsieur.
D. Avez-vous quelque chose à y ajouter?
R. Non, Monsieur.
Au témoin Fagard:
D. Est-ce bien dans les circonstances mentionnées par cette femme
t)E DUGLOS. 75
que vous auriez vu ies deux individus doM vous avez parlé, s'arrêter
près d'une marcliande d'eau-de-yie ?
R. Oui, Monsieur; cest à peu près dans cet endroit.
D. Mais vous ne croyez pas que ce soit cette femme ici présente
qui ait vendu de Teau-de-vie à ces hommes?
R Non, Monsieur ; celie-ci me paraît plus grande.
Après lectui*e < la femme FéUsa^ interpellée de signer» a déclaré ne
le savoir. I^ous avons signé, en cette partie, avec le témoin Fagard et
le greffier en chef adjoint.
Et, par continuation , nous avons fait introduire dans notre cabinet
le témoin Saint-Gaudiêtts , que nous avons interpellé ainsi qu'il suit :
D. Oh va vous donner lecture de la déclaration que vous avez faite ,
le 2 1 octobre dernier, devant M. le .juge d'instruction. Quand vous
aurez entendu cette lecture, vous direz si vous persistez dans cette
décteration, ou si vous avez quelque chose à y changer ou à y
ajouter.
Lecture faite, par le gi*effier en chef adjoint de la Cour, de la dé-
position de la femme Saint-Gaudiens, le témoin a répondu :
R. C'est bien cela que fai dit; je persiste, et n'ai rien à ajouter.
Et de suite nous avons fait amener devant nous* le nommé Duclos,
et nous avons demandé au témoin, en lui représentant le prévenu, si
elle le reconnaissait pour fun des deux individus dont elle a parlé
dans sa déposition.
Le témoin a répondu : Non , Monsieur.
Nous avons fait retirer le nommé Duclos, et nous avons fait ame-
ner devant nous le nommé Considère;
10.
76 INTERROGATOIRES
Nous avons demandé au témoin si elle le reconnaissait.
Le témoin a répondu : Non Monsieur.
Nous avons fait retirer le nommé Considère , et nous avons &ît
amener devant nous ie nommé Darmès.
Interpellé par nous si elle (e reconnaissait ; le témoin a répondu :
Cest bien la taille de i un des deux individus que [ai vu, mais il me
semble que celui dont je veux parler avait la figure plus animée et le
chapeau plus enfoncé sur les yeux ; je suis dans l'incertitude si c'est
Monsieur que j'ai vu. Cet individu, autant que je m en souviens,
avait la redingote boutonnée.
Nous avons fait boutonner ia redingote du prévenu; nous lui avons
fait faire quelques pas dans notre cabinet ; nous l'avons invité à pro-
noncer à plusieurs reprises le mot capa ou capou, et nous avons
demandé de nouveau au témoin s'il reconnaissait le son de la voix ,
la taille, la démarche du prévenu.
Le témoin a répondu :
Je suis dans l'incertitude; c'est bien la même forme; mais la figure
était plus remplie ; il a dû beaucoup changer.
^ _ _
Après lecture , le témoin a signé avec nous et le greffier en chef,
adjoint de la Cour.
8' Interrogatoire subi par Duclos, le 97 janvier 1841, devant M. le Chancelier de
France, Président de la Cour des Pairs, accompagne de M le baron Girod
( de PAin ) , Pair de France.
D. Vous avez eu le temps de faire des réflexions , j'espère qu'eOes
vous auront amené à comprendre qu'il serait dans votre intérêt de
parler plus sincèrement que vous ne Pavez fait jusqu'ici. Votre inti-
mité avec Darmès était beaucoup plus grande que vous n'avez voulu
le faire croire, vous le voyiez souvent?
R. Je ne le voyais pas souvent.
DE DUCLOS. 77
Ù. On vous a vus très-souvent ensemble dans les mêmes cabarets?
R. Cétaient des endroits publics.
D. On vous a même vu avec lui I avant-veille de Tattentat, dans
un cabaret de la commune de Montmartre?
R. Cest &UX.
D. Vous alliez souvent avec lui chez Considère ?
R. Sy allais quelquefois, mais pas souvent.
D. Vous y avez été vu avec Daignés par plusieurs personnes, et
entre autres par Sùnard, que vous connaissez bien ?
A. Je ne le connais pas.
D. Vous n'alliez si souvent chez Considère que parce que c'était
l'un des lieux de réunion des communistes, et Ton vous y a entendu
plusieurs fois parler de la communauté?
R. J'allais quelquefois chez Considère , soit quand on tirait un feu
d'artifice ou autrement, mais je n'y allais pas souvent. J'ignore si des
communistes se réunissaient chez lui.
/). Vous vous êtes trouvé chez Considère avec un nommé Borel,
ouvrier mécanicien ?
R. Je ne connais pas Borel.
D. Vous êtes allé voir ce Borel chez Charles Borel son frère,
marchand de vins à la Chapelle, qui demeure en face de chez vous?
R. Je connais Borel le marchand de vins, mais je ne connais pas
l'autre.
D. Vous étiez avec Darmès quand vous avez fait cette visite ?
R. Je ne peux pas vous dire cela; je ne me rappelle pas cela.
Quand j'entre chez un marchand de vins, c'est pour boire un coup en
me promenant.
D. Est-ce que , ce jour-là , vous n'avez pas demandé Borel le méca-
nicien chez son frère? est-ce que vous n'êtes pas monté dans une
chambre, et est-ce que vous n'avez pas eu une conférepce avec ce
Borel et Darmès en tiers ?
78 _ INTERROGATOIRES.
R. Je ne me reniéaiore pas cela du tout.
D. Je vous répète ma question. N*êtes-vous pas, ce jour-là, monté
avec Darmès dans la chambre où était Borel ïe mécanicien ?
R, Si j'y ai monté , c'est par circonstance. Je ne sais pas qui est-ce
qui y était; d'ailleurs, c'est une chambre où l'on donne à boire.
D. Vous êtes donc monté dans cette chambre, pour savoir qu'on
y donne à boire ?
R Si je suis monté, c'est avec des personnes du quartier .Je ne sais
pas si Borel y était.
D. Est-ce qu'il n'y a pas eu, ce jour-là, un entretien particulier
entre vous, Borel et Darmès?
R, Jo n'ai pas eu d'entretien particulier avec eux ; je ne sais pas
ce que vous voulez me dire.
D. Vous faites semblant de ne pas connaître Borel, et cependant
vous ie connaissez très-bien, car il était de b société communiste
comme vous, et il était comme vous l'un des chefs de la société.
R, Je n'ai jamais fait partie de la société communiste.
D. Vous savez très-bien que Darmès était communiste aussi, et
c'est cette circonstance qui a contribué à rendre votre liaison plus
intime.
R. Je ne sais seulement pas ce que c'est que la communauté.
Z). Malgré l'intimité de vos liaisons avec Darmès, vous preniez
un peu plus de précautions pour cacher ces liaisons aux approches
de l'attentat dont il s'est rendu coupable ; vous mettiez une sorte de
mystère dans vos relations avec lui?
R. Je prouverai que je n'ai jamais été Hé avec Darmès, comme
on la dit.
D. Le dépôt de cartouches qui a été trouvé chez vous était ëvi-
demment préparé pour les événements que vous supposiez devoir être
la suite de l'attentat , s'il avait réussi. Persistez-vous dan»^ les eq>Ii-
cations tout à fait inadmissibles que vous avez données sur l'existence
de ce dépôt ?
R. Oui, Monsieur.
DE DUCL09. 79
D. Le 15 octobre, jour de Fattentat, navez-vous pas payé à dé-
feuner à Darmès, en disant : « Aujourd'hui c'est moi qui paie , parce
« que tu es un brave?»
R. Je récidive la même réponse que j'ai déjà faite a cette question.
D. Vous niez; cependant un témoin a déposé de ce fait.
R. Cest un fiimeux mensonge.
D. Vous n'avez jamais pu donner une explication satisfaisante de
remploi de votre temps le jour de l'attentat. On peut en conclure que
vous étiez avec Darmès sur le lieu même du crime.
R. J'ai travaillé toute la journée ce jour-là comme toujours. Je ne
crains rien sur ce chapitre-là : on ne pourra pas me prouver que je
n'ai pas travaillé toute la journée.
D. Votre signalement répond cependant parfaitement à celui d'un
homme que plusieurs témoins affirment avoir vu avec Darmès, sur la
place de la Concorde, peu d'instants avant Fattentat?
R, Jai la conscience nette sous ce rapport-là , et je ne crains rien.
•
D. La sécurité que vous affectez est bien mal fondée ; car, quand
on rapproche vos antécédents de 1 83 2, du dépôt de cartouches qui a
été saisi chez vous, de vos liaisons avec Darmès, de votre affiliation
à la société des communistes, de l'obstination avec laquelle vous niez
des faits parfaitement établis par l'instruction , l'ensemble de ces cir-
constances constitue des charges ttès «graves de coiti^ictté avec
Darmès.
R. Tout cela s'éclaircira sans doute plus tard.
D. Depuis combien de temps connaissez-vous un nommé jftartin
dit Albert, communiste comme vous?
R. Je ne le connais pas et je ne suis pas communiste.
80 INTERROGATOIRES
9* interrogatoire subi par Duclos, le t8 février 1841, devant M. le Chancelier de
France, Président de la Cour des Pairs, et confrontations de cet incalpé et de Pin-
culpe Darmès avec les témoins Morand et femme Borel.
D. Vous avez écnt à M. le juge d'instruction que vous étiez
étonné de n'avoir pas été interrogé sur l'heure à laquelle vous étiez
rentré chez vous avec votre cabriolet, le 1 5 octobre; mais vous ayez
été interrogé plusieurs fois sur I emploi de votre temps ce jour^-'là;
vous pouviez bien vous expliquer sur ce point comme sur tous les
autres. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez dit à
ce sujet; avez-vous quelque témoignage à invoquer?
R. Je ne m'attendais pas à être attaqué sur une affaire comme
celle-là.... J'ai cru que peut-être ce que j'avais dit laissait une lacune,
cest pour cela que j'ai écrit à M. le juge d'instruction. Je rentrais
tous les jours à cinq heures, à moins que je ne fusse gardé par
quelqu'un ; par conséquent j'ai dû rentrer le 1 5 octobre , comme les
autres jours, vers cinq heures. Je crois que la dernière personne
que j'ai conduite ce jour-là est M. Paul Trutin^ marchand de vins,
qui demeure dans le faubourg du Temple , près de la caserne.
D. Quels moyens aviez-vous pour vous procurer de Targent avant
votre arrestation ; car il résulte de l'examen de vos registres de dé-
pense que, depuis le mois d'octobre 1838 au mois d'octobre l84o,
vous avez dépensé 7,050 francs de plus que vous n'avez reçu?
R. Mon registre ne contient pas mes recettes ; il ne contient que
celles du cocher.
D. Mais votre cabriolet ne vous rapporte pas 7,0 00 francs?
R. Indépendamment de cela , j'ai mes stations.
Z). Combien en avez-vous?
R. J'en ai trois.
D. Mais vous louez ces emplacements , et cela doit vous coûter
assez cher?
R. Je loue cela 2,200 francs. Chaque stationnaire me rapporte
30 francs par mois.
DE DUCLOS. 81
D. Combien avez* vous reçu d aident pour les cartouches que vous
avez confectionnées chez vous ?
/?. Je n ai pas confectionné de cartouches.
D. Vous savez bien qu'il y a sur ce point un témoignage formel
qui vous accuse?
R. Nous verrons celui qui a dit cela; il s'expliquera sans doute
li-dessus.
D. Vous ne paraissez*pas vous souvenir bien exactement de rem-
ploi de votre temps dans la journée du 1 5 ?
R. C'est vrai, Monsieur.
D. Je vais vous aider. Vous avez été vu le 15 octobre , vers cinq
lieores, avec Darmès, sur la place de la Concorde, et vous étiez avec
lui lorsqull a bu un verre d'eau-de-vie près du pont?
R. Je vous jure que je n'ai pas trempé dans une chose pareille ;
je suis bien innocent de cela.
D. Vous connaissez un nommé Morand , commissionnaire au coin
de la rue des Petites-Ecuries ?
R. Oui, Monsieur.
D. n connaissait aussi Darmès ?
R. Je crois bien qu'il fa vu comme moi.
D. Est-ce que vous ne vous êtes pas rencontrés tous les trois
ensemble ?
R. Je ne sais pas trop; c'est ma remise là, au coin de la rue des
Petites-Ecuries.
Et, par continuation, nous avons fait amener devant nous le
nommé Morand, que nous avons interrogé ainsi qu'il suit :
Interrogatoires. 1 1
83 INTERROGATOIRES
/). âueis «ont vos nom, {irénoms, Age, 'profession et demeure?
R. Jean-Pierre Morand, âgé de 56 ans, commissionnaire, rue des
Petites-Écuries, n° 38.
D. Depuis combien de temps connaissez-vous le nommé Duclos?
R. Depuis qu'il a ouvert ia station du n"* 53, rue des Petites-
Ecuries.
D. N'avez-vous pas été plusieurs fois chez lui ?
R. Jamais, je ne sais même pas son domicile.
/). II ne vous aurait pas employé à porter des cartouches qu'il
apportait quelquefois dans son cabriolet, de son domicile à sa station?
R. Je n'ai jamais fait aucune commission pour lui depuis que je
le «connais.
D. 'Est-ce que vous ri^ivez pas été dans une certaine intimité avec
lui?
R. Non , Monsieur : c*est un homme qiii est peu communicatif; nous
avons même eu quelques contrariétés ensemble pour des choses qui
ne me convenaient pas, et plusieurs fois je lui ai tourné le doa. Je
n'ai jamais eu de liaison avec lui.
D. Vous l'avez donc quelqucfofs entendu exprimer ses opinions
politiques?
R. Voilà ia chose. II voulait que tout ie monde ^fïlit égal; moi, je
disais que c'était absurde; que.je gagnerais six francs enctmvaiilmt,
qu'un autre gagnerait plus ou moins; que l'un habitait au premier,
l'autre au cinquième; que sa. prétendue égdité était in^>ossibie : c'est
là- dessus que nous nous sommes disputés; une fois même noua^vons
manqué de nous battre.
D. N'avez-vous pas aussi connu Z)armé^.^
/?. II y a très-longtemps que je connais un individu qu'on m'a dit
avoir tiré sur le Roi, mais je n'ai su son nom que depuis l'attentat. Je
l'ai connu avant la révolution de juillet. II était, avec sa femme, dans la
maison d'une dame qui depuis est venue demétiMr au numéro 38 de
ia rue du^Faiibourg-Poissittihiéfe, iet pour k^uelle je travàHIais.
DE DUGLOS. S3
D. Est-ce que vous n avez pas vu souvent Darmès avec Valentin
Dticlos?
R. Oui, Monsieur; je les ai vus ensemble, mais jamais je ne me suis
mêlé à fèuTS copversations.
D. Les avez- vous vus souvent cau^r ensemble?
R. Oui, Monsieur; je peux dire que je les ai vus bien de3 fois
ensemble.
Et par continuation, nous avons fait introduire devant nous, la
nommée femme Borel, que nous avons interpellée ainsi qu'il suit, sur
la foi du serment quelle a prêté entre nos mains, de dire la vérité,
toule la vérité , riéD que k vérité :
D. Vous avez déjà été entendue sur le &it de savoir si Darmès
ne serait pas venu dans votre maison, pour voir votre beau-frère,
pendant qu'il demeurait chez vous, avant son départ pour Ham ,
et 8*jl n'y serait pas venu en compagnie de Valentin Duclos; vous
avez déclaré aussi que , depuis le dépiu^t de vot-re frère pour Ham , Dar-
mes était venu plusieurs fois demander de ses nouvelles?
R. Oui, Monsieur, cela est vrai; il est venu voir mon beau-frère
wwûj^ son départ^ avec M. Duclos , et , depuis , il est venu savoir de ses
nouvelles.
Et, de suite, nous> avons fait amener devant nous Darmès; et nous
«fODs demandé au' ténK>in kmmeJSorei si elle le reconnaissait.
Le témoin répond : Oui, Monsieur.
Au témoin :
D. Comment s*appelle-t-il ?
R. Il s'appelle Darmès; tous les journaux ont donné son nom,
autKment je ne le connaissais pas.
A Knculpé :
D. Et vous, Darmès, reconnaissez-vous le témoin ?
R. Je crois que madame tient OM auberge à La Chapette.
11.
84 INTERROGATOIRES
D. Savez-vous son nom ?
R. Non, Monsieur.
Nous avons fait donner lecture à Darmès, de ia déclaration que
nous venions de recevoir de la femme Borel , et nous lui avons en-
suite adressé la question suivante :
D, Vous voyez, Darmès , à quel point vous avez cherché à im-
poser à ia justice, en disant que vous ne connaissiez pas Borel. Voici
sa belle-SŒur qui déclare que vous ctes venu plusieurs fois chez eiie»
soit pour ie voir, soit pour demander de ses nouvelles ?
Daimès répond : M. le Président , si j ai gai'dé ie silence sur les
personnes qui étaient inculpées avec moi de laction du 15 octobre,
c'était pour éviter de les compromettre; mais maintenant si vous
avez la bonté de m'entendre, je vous dirai ce qui s est passé entre eux
et moi , pour accélérer la marche du procès.
Nous avons fait retirer le témoin , après qu elle a signé sa décla-
ration avec nous et le greffier , après lecture.
Le témoin retiré, Datmès dit :
J'ai déjà eu Thonneur de vous parler de M. Valentin DucloS'; \t
no le connaissais qu'indirectement. Je lai vu différentes fois , soit à sa
station , soit ailleurs, mais tou joins dans des endroits publics, et nous
avons causé ensemble de la politique des différents journaux. Il est
vrai aussi que je connaissais Borel, que je l'ai vu diverses fois et que
je savais qu'il partait pour Ham. Nous avons causé différentes fois
ensemble de l'organisation des travailleurs égalitaires. Quant à M. «St-
mavd, je l'ai vu plusieurs fois à Montmartre, chez M. Considère,
mais toujours publiquement. Nous avons causé plusieurs fois poli-
tique et organisation. M. Simard était au banquet de Châtillon ; nous
sommes i*evenus ensemble ; je Fai quitté près de la porte Saint-MartÎD**
Je crois aussi me rappeler Robert; mais , comme il portait habituelle-
mont une blouse, je ne l'ai pas reconnu l'autre jour. Il est malheureux
pour ces mcssieui^ que je me sois introduit parmi eux ; ils sont tout
à fait étrangei^ à l'action du 1 5 octobre. L'action du 1 5 octobre iiest
DE DUCLOS. 85
pas «otre chose que le sublime travail de ia nature, auquel aucune
force humaine ne peut résister.
D. Où voyiez-vous Considère, dont vous avez parlé tout à l'heure?
R. Je l'ai vu publiquement , comme les autres*
D. Vous êtes allé quelquefois chez lui, rue Laffitte?
R. J y suis allé le jour de V action, c^est vrai, pour lui rendre vingt-
cinq sous que je. lui devais. Si je l'avais trouvé» je ne serais pas
monté à Montmartre. Cest après cela que je suis: rentré chez moi
pour m'armer.
D. Est-ce tout ce que vous avez à dire?
R. J'ai déjà eu l'honneur de vous dire que je ne suis pas un fana-
tique exploité. La nature m'a fait tel que je suis. En venant au monde,
fêtais f ennemi juré des ennemis de la France.
D. Quand vous avez été le 1 5 octobre rue Laffitte y pour voir
Considère, à qui vous étes-vous adressé?
R. Au concierge.
D. Vous devez bien voir que l'instruction sait beaucoup plus de
choses que vous ne le supposiez: ainsi, vous avez été obligé de con-
venir que vous connaissiez beaucoup de personnes que vous aviez
d'abord prétendu ne pas connaître; mais l'instruction a encore amené
d'autres découvertes. Ainsi vous n'étiez pas seul le 1 5 octobre sur la
place de la Concorde; vous y étiez en compagnie de quatre autres
personnes, et vous avez été vu avec l'une de ces personnes spéciale-
ment au moment où vous buviez un verre d'eau-de-vie?
R. Je persiste à dire que j'étais absolument seul , et que je n'avais
personne avec moi.
D. Avant qu'il soit peu de jours , je vous ferai voir à quel point
vous dites peu la vérité sur ce qui s'est passé à la place de la Concorde,
et sur ce point vous serez obligé de dire la vérité , comme vous avez
été obfigé de reconnaître que vous connaissiez diverses personnes que
vous prétendiez d'abord ne pas connaître?
/?. Je ne puis rien dire de semblable; ce serait une double scélératesse»
puisque c'est moi qui ai conçu seul le projet et qui l'ai exécuté seul.
86 INTERaOGATOIRES.
•
D. Je vous dirai aussi où vous avez encore été dans la matiuée
du 15. Je vous palperai des démarches que vous avez &ites, et que
vous croyiez ctre inconnues. Vous apprendrez alors à quel point
votre conduite de cette journée est connue dans les pfus petits détails:
vous feriez bien mieux den convenir tout de suite?
R. Je ne puis €^t vous répéter, sur iemploi de mon temps dans
cette journée , ce que je vous ai déjà dit dix fois.
D^ Mais vous avez prétendu dix fois ne pas connaître Barel m les
autres , et aujourd'hui vous êtes obligé de convenir que vous les con-
naissez ?
R. Je n'ai rien à vous dire de plus là-dessus, que ce que je vous ai
déjà dit.
DE COî^IDÊRE. 87
INTERROGATOIRES DE CONSIDÈRE.
Considère (Cfaude-François-Xavier), âgé de 33 ans, né à Mont-
bazon, (Haute-Saône), ^<eirf on de caisse chez MM. Laffiite et compa-
gnie, demeurant à Montmartre , nie du Vieux-Chemin, w* 8,
i^^ interrogatoire subi, le 96 novembre 1840| devant M. Z^giacomî,
Joge cPinstraction, delegae^
D. Votre femine ny tient-elle pas un cabaret?
R. Oui, Monsieur.
D. Vous restez avec elle le dimanche?
R. Quand je ne suis pas de garde à la caisse de M. Laffitte,
D. Votre cabaret paraît fréquenté par des personnes que vous
connaissez?
R. Je n'ai pas d amis , et ne reçois que quelques camarades de la
maison. II y a même longtemps qu'il n'en est venu.
Z). Le 6 septembre dernier, vous avez eu chez vous une réunion
assez nombreuse ?
R. Je ne me souviens pas du tout de cela.
D. II résulte de l'instruction suivie contre le nommé Darmès, qu'il
faisait partie ûe cette reunion?
R. Je'ne connais pas cet individu.
D. Cependant vous êtes signalé comme connaissant cet individu?
R. Cela se peut bien que je le coiinaisse , mais il faudrait que je le
visse pour vous le dire. II y a à Paris beaucoup de personnes qui me
connaissent et avec lesqueRes je ne suis nullement lié. J'ai été cinq ans
8â INTERROGATOIRES.
vu prison , et j en ai vu de toutes façons. S'il fidiait que je connusse
ou que je me rappelasse toutes les personnes, f aurais fort à faire.
D. D'où connaissez-vous un individu dit le gi-and Louis, et dont
le vrai nom est Guérei ?
R, Je ne connais personne de ce nom.
Z). Et le nommé Simard?
R. Je fai vu une fois , mais il y a très-longtemps.
D. A quelle occasion?
R, Je ne le connais pas, mais je fai entendu appeler à la maison
]>ar son nom « il y a de cela cinq ou six mois.
Z>. Tous ces individus sont signales comme appartenant à la société
des Communistes , et se réunissant i ce titre chez toos.
R. Je ne suis pas communiste . et je ne Tai jamais été.
D. Ainsi vous affirmez ne point connaître le nonmé Darmis et
avoir été étranger i ses projets ?
V i9trfTt>f:mtmjrr sak par C^«Ri£rr. le tS Anocadhce ii4tf«
/). Vous n avea piMot été snc«elo«sqwvoas avcx été iatei^^
26 noveoKn^ dernier* Je voos eK:a|is^. éuas I» réponses q«e toui
aBez nous &inf« à rtfâêckir Javaniav et i nien roasnlinr ▼<» son-
/{. Je c ai ries à dire de pius^
D. Pourtant il esc cntun que vcus cc^
R. Je vous ai déjà dit que je ose fai jamaèi <cq— a a— a le mnwm de
rhtmii
.vimfidas0.
yiiMTfiniiai^
DE CONSroERE. 80
D. Evidemment vous saviez aussi son vrai nom ?
R. Jamais je n avais su son nom.
D. Par qui Favez-vous entendu nommer Marseillais?
R. Je lui ai entendu dire un jour à ma femme qu'if s'appelait ainsi.
D. Ne l'avez-vous pas aussi entendu nommer Marseillais par
d'autres personnes ?
R. Non, Monsieur.
D. Depuis quand connaissez- vous cet individu?
R. Je ne puis vous dire; c'était tout fe bout du monde si! y avait
trois mois qu'il venait à la maison.
D. Avec qui venait-il?
Rs Je ne Tai remarqué qu'une seule fois; il était seul : c'était du
temps des coalitions d'ouvriers. Il me demanda si quelqu'un était venu
pour lui. N'ayant vu personne , je lui répondis négativement, et il s'en
fut après avoir bu un verre d'absinthe.
D. Vous avez dû le revoir d'autres fois?
R. Je ne l'ai pas remarqué dans d^autres circonstances.
D. Cependant, pour le connaître par son nom de Marseillais et
savoir aussi bien de qui je veux vous parler, if faut que vous Fayez vu
plusieurs fois?
R. Si je Fai vu deux fois, c'est tout le bout du monde. Je Fai vu
une fois le jour où il dit à ma femme qu'il s'appelait Marseillais, et
celui où il vint me demander si quelqu'un était venu pour lui.
Z>. Et vous n'avez pas causé avec lui ?
R. Non , Monsieur.
D. Depuis le 1 5 octobre vous avez dû parfaitement savoir que
Fhomme que vous désignez sous le nom de Marseillais était Fauteur
de Fattentat commis sur la personne du Roi ?
R. Je ne Fai su que quand on m'a fait arrêter à son occasion.
Interrogatoires. i >
Dormis
i
r-f^m.-
YOlis ne le
êttbfîssement,
p« trouver
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nc^ IL irsur TEsdc a ■>«■ ■«■& point bit
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7 ••■ "il - >-■ * •'^^
I :- - :^ T- " .»^njcof. muâ-f
T r ' \<- : ft si^u Jon^ia obi^ 'jl musua LflAlBf, Jr sais même que
\t -^-i ^ i tir-ii 7*1—* mH 5e :> est nn four où Ton reçoit
•' *r>'.. :,i .^ -:i.i.:Tïe -«■ pik h ^^ane^î *esx pins forte poor les paye-
/• ï>ri '---.ç.:: #e* -iei' .r&iaâe ie* pàvemeols. M. Panier, employé
/>, A 'j'jHI': h^'jfr: sonez-vousde voue bureau/
// l',fiJr#- /fij^j ^,-1 six lurures du soir
/^ N'y (I f il pu«i /fariM lu semaine des jours où vous n'allez pas à
// .II' miii ili< f/iii i|(. Il, „„it, tous les cinq jours; mais je n en reste
IHiq ihiUiKi iMi Imiumiii UmUv Iii joiiriice.
DE CONSIDERE. 91
D. Pouvez-vous dire quand vous avez quitté votre bureau fe
1 5 octobre?
A. Eqtre cînq et six, comme de coutume.
D. Gombieu de temps mettiez-vous pour retourner à Montmartre?
R. Vingt minutes environ. Jetais toujours rendu entre six et
sept heures.
D. duand avez-vous vu Darmès pour la dernière fois?
R. Je 06 d'en souviens pas; mais je crois que je ne l'ai pas vu
depuis la'Cdaiition des ouvriers^
D. Darmès n a-t-ii pas apporté et déposé un paquet chez vous?
R. Je n'en sais rien.
D. N aurait-il pas été tirer à la cible à Montmartre?
R. Je n'en sais rien.
D. Vous ne lui avez pas vu d'arme?
R. Non , Monsieur.
D. duels rapports avez-vous avec un cocher de remise -qui sta-
tionne en face Thôtel Laffittc?
R. Je n'en connais pas en face f hôtel Laffitte.
D. Vous en connaissez d'autres ?
R. li en vient à la maison Un grand nombre , mais je ne cause
guère avec eux. En génâraf, ik ne connaissent pas mon nom, et ne
me coQnaissent que sous celui de Laffitte.
D. Vous connaissez un nommé Duclos, conducteur de cabriolet?
/î. Non, Monsieur, personne de ce. nom!
D. Et Valentin?
R. Celiii-ià, je Ta! vu plusieurs fois; c'est un homme brun.
D. Sa station n était-elle pas rue Richer?
R. Oui, Monsieur.
92 INTERROGATOIRES.
D. D'où le connaissez-vous?
A. Lorsque je suis sorti de prison , on m'a adresse à MUon, co-
cher de cabriolet, qui ma recommandé à Valeniin pour tâcher de
me procurer de l'ouvrage ; mais M. Laffitte m'en ayant procuré dans
tes plâtrières de la butte Saint-Chaumont, avant de me recevoir
comme garçon de recettes, je ne pus profiter des bonnes dispositions
de Valentin ni de celles de MUon.
D. Depuis cette époque, vous avez revu Valentin plusieurs fois?
R. Oui, Monsieur, parce qu'il était du quartier. Il ny avait pas
de jour qu'il ne vînt rue Lafiitte , chez M. de Rotschild ou chez les
^ frères Périer, ce qui explique comment je le voyais.
D. Vous avez dû voir Darmès avec lui?
R. Je ne m'en souviens pas.
D. Je vous invite à réfléchir à cette réponse. Vous avez dû les
voir- ensemble et vous trouver avec eux?
R. Je ne me suis jamais trouvé avec eux.
D. Valentin n'a-t-il pas été quelquefois le dimanche chez vous?
«
R. Je me souviens de l'y avoir vu , mais il y a longtemps ; il était
avec sa femme.
D. N'est-ce pas cet été ?
R. Ça ne peut être que cet été. Je ne sais pas s'ils sont entrés
dans la sdie ou dans le jardin , ni avec qui ils étaient.
D. N'étaient-ils pas avec Darmès ?
R. Cela se peut bien; mais je ne m'en souviens pas, parce que
je n'y ai pas fait attention : j'aurai cru que c'était un des cochers
de Valentin.
* '■,'»■
D. Etes-vous bien sûr que Valentin ne soit venu qu'une fois?
■
R. Je n'en sais rien; mais il a pu venir dix fois comme une fois, re
ne le sais pas. Souvent il vient du monde que je connais sans que ma
femme me le ^' ~
DE CONSIDÈRE. 93
D. Votre femme le connaissait-eiie par son nom?
R. Je ne le sais pas.
D. Quand avez-vous vu Valentin pour la dernière fois?
R. Je ne m^en souviens pas ; mais je crois Fa voir vu deux ou trois
jours avant son arrestation.
D. De quoi a-t-il été question entre vous?
A. De rien du tout. Je crois cependant qu'il a été question d'un
chevd qu'il avait mis au vert , et je lui ai dit : Voilà le froid qui
arrive, tu feras bien d'aller rechercher ton cheval; Je dis : Vous ferez
bien, parce que je n'étais pas assez lié avec lui pour le tutoyer.
D. N'a-t-il pas été question , entre vous et lui , de Darmès ?
R. Non, Monsieur; je crois que Da fines est un homme tout à
fait isolé. C'est un homme qui a fait un coup de tête, et je crois que
ce sera l'opinion de tout le monde quand on aura tout vu.
D. Quelle certitude avez-vous à cet égard?
R. Je le voyais toujours seul; s'if avait eu de grandes connais-
sances, il n'aurait pas été ainsi toujours tout seul.
D. Vous l'avez donc remarqué plusieurs fois?
R. Seulement deux. fois.
D. Et ces deux fois vous ont suffi pour le fuger?
jR. Je Fai observé et j'ai vu chez lui beaucoup de misère.
D. Cet homme parlait beaucoup politique et surtout des prin-
cipes de la communauté ?
R. Il m'a fait l'effet d'être plutôt hébété qu'autrement. Je ne lui
ai pas entendu tenir de propos politiques.
D. Vous ne l'avez pas entendu parler de la communauté?
R. Non, Monsieur.
D. Je vous invite encore une fois à mieux consulter vos souve-
nirs. Vous avez été cette fois plus sincère dans vos déclarations que
la première. Vous aurez à répondre à d'autres questions sur les
94
INTERROGATOIRES
faits qui viennent de vous être présentés « sur des circonstances que
vous connaissez, et la vérité seule doit être votre safut?
R. Je ne suis pour rien dans tout ceci , pas plus ma femme que
moi ; un marchand de vin ne peut pas être responsable de ce qu on
dit chez lui, ni de ce que Ton peut faire en en sortant. Je vous
répète que cet homme doit être tout à fait isolé, car personne ne
le connaît.
D. Quappeiez-vous personne?
IL Ce sont les individus qjie j'ai connus dans les prisons ou ceux
que je connais d'ailleurs.
DE BORBL 9^
■ ' • T • fc .
I ••
INTERROGATOIRES DE BOREL.
BOREL (Charles- Aimé), dffé de 27 ans , mécanicien, né dans le
' canton de Neufchâte! (Suisse), demeurant à Paris , rue Neuve-
Coquenard, impasse^ de F École,
1'*' interrogatoire subi, le S 6 décembre 1840, devant M. le Chancelier de France,
Président de la Gourdes Pairs, accompagne' de M. le baron Girod {dé V Ain) ^
Pair de France.
i>. Est-ce c{ue voi^s n'avez pas eu auparavant un autre do*
micîie?
R. JTaî demeuré rué Rochechouatt, n" 47,
*
D. N avezrvôus pas aussi demeuré rue de ia GrOutte-d'Or, à la
Cîiapelfe?
«
R. Oui, Monsieur; j'ai demeuré là du temps que jetais garçon.
D. A quelle époque étes-vous venu en France?
R. En 1833.
D. Quel motif tous a amené en France?
R, C'est ia révolution qui a eu lieu chez uous, dans le canton
de Neufchàtel; j'avais 16 ans à cette époque -là.
D. Vôiis êtes donc sorti de Suisse par la crainte de quelques
poursuites ?
R. Oui, Monsieur; quoique je n'eusse rien fait. C'était à la'suite
de ia révolution de juillet, un nommé Aimand, qui était venu de
Paris, et qui avait fait cette émeute dans le pays.
D. En arrivant eu France, vous n'êtes pas. venu. directement à
Paris?
96 INTERROGATOIRES
R. Non, Monsieur ; \e suis allé d'abord à Besançon , n'y ayant
pas trouvé d'ouvrage, je suis allé dans le canton de Vaud, où fai
travaillé; ce nest quen 1834 que je suis venu à Paris.
D. En juillet et en août derniers chez qui travailliez- vous?
R. Chez M"** Collier, rue Richer, n" 24. Voiià deux ans que
je suis dans cette maison-ià. «Ty suis entré en sortant de chez
M. Pauwels.
D, N'étes'vous pas ailé en juillet au banquet de Beileviile?
R. Non, Monsieur.
D. Et en août à celui de Châtillon ?
R. Non, Monsieur; vous pouvez vous certifier de ces choses-la
en vérifiant mes journées de travail chez M"** Collier. J'ai même eu
plusieurs fois des raisons avec les ouvriers parce qu'ils ne travail-
laient qu'onze heures , et moi je faisais une heure de plus qui
m'était payée en sus ; je n'étais pas assez riche pour aller jeter de
Fargent aussi inutilement que cela.
D. Pourquoi avez- ous cessé de travailler chez M** Collier au
commencement de septembre?
R, J'ai quitté dans le temps des coalitions, ayant des engagements
que je tenais à remplir, et ayant eu des raisons avec les ouvriers et
principalement avec le contre-maître, parce que je travaillais plus que
les autres. J'ai quitté l'atelier pour ne pas être insufté davantage, et
j'en ai cherché un autre où je pusse travailler avec ma femme.
D, A cette époque , où vous prétendez que vous travailliez plus
que les autres, vous êtes allé à Pantin avec les ouvriers mécaniciens,
pour y concerter avec eux une coalition contre les maîtres; vous
êtes monté sur un tonneau, et vous les avez harangués pour les
engager à persister dans leur détermination de suspendre leurs tra-
vaux?
* R. Il est très-vrai que je suis allé avec les autres à Pftntin et que
je leur ai parlé; mais c'était uniquement pour leur représenter
qu'ayant adressé une pétition à ces messieurs de la Chambbre des
Députés, c'était se mettre en contradiction avec eux-mêmes que de
DE BOREL. 97
vouloir exiger par la force ce qu'ils avaient demandé par une pé-
tition.
D. Tous ies renseignements transmis à l'autorité prouveraient que
vous avez tenu une conduite tout autre- que celle que vous préten-
dez avoir tenue. Non content de ce que vous aviez fait dans la plaine
de Pantin , vous êtes allé avec les ouvriers mécaniciens rue de Popin-
court, pour entraîner les ouvriers du sieur Pihet?
R. J'étais là comme tout le monde, et j'ai fait tous mes efforts
pour emmener les ouvriers. L'officier du poste a été témoin de ma
conduite : ce n'est que sur l'observation qu'il me fit que mes efforts
étaient inutiles, et qu'il m'en arriverait encore de la peine, que je
me suis retiré. •
D. Bien loin de tenir la conduite que vous dites, c'est vous qui
avez conduit les ouvriers vers les ateliers du sieur Pihet; qui les avez
fait ranger en ordre devant l'établissement, avant de l'envahir, et qui
avez frappé ies sergents de ville qui en défendaient l'entrée?
R. Non, Monsieur; si cela était, je vous le dirais.
D. Pourquoi, si vous avez tenu la conduite que vous dites, si vous
n'aviez pas été un artisan de troubles et de crime, au lieu d'avoir voulu
rétablir l'ordre comme vous le dites, vous étes-vous caché le lendemain
de ces événements?
R. Je ne me suis pas caché le lendemain ; j'ai été à la paye.
D. Cela est possible? mais pourquoi n'étes-vous pas resté à l'a-
telier ?
R\ Je n'ai pas voulu y rester.
D. Où vous étes-vous caché à Paris ?
R. Je ne me suis pas caché.
D. Je vous répète ma question: où vous étes-vous caché?
/}. Je suis resté chez moi.
D, Cela n'est pas; vous netes pas resté chez vous?
R. Je suis allé chez mon frère.
Intbbrogatoirbs. 13
98 INTERROGATOIRES
D. Où êtes-vous allé en sortant de Paris?
R. Je suis aiié à Arras.
D. Cela n'est pas; vous ne dites pas !a vérité?
R. Je suis passé à Arras: au surplus, ce que je vous dis est l'exacte
vérité; je ne me suis pas mêlé de ces troubies-Ià. Si j'avais été S3rtidîc
comme les autres, à la bonne heure; mais je n'étais rien. Ceux qui ont
&it ranger les ouvriers devant !a maison de M. Pihet étaient à quatre ;
l'un d'eux a dit qu'il demeurait rue Folie-Méricourt.
D. La procédure a parfaitement établi que vous étiez le seul de
tous les ouvriers de votre atelier qui n'aviez pas osé y retourner; il
nest pas d'indices plus graves de votre participation aux troubles qui
ont eu lieu dans ce moment-là?
R. Je suis retourné à mon atelier, mais je n'ai pas voulu y rester
parce qu'on m'a dit que le commissaire était venu et que si je restais,
il me ferait coffrer. II est certain que si f on n'était pas yenu débau-
cher notre atelier, je n'aurais pas quitté de travailler.
D. Combien de temps êtes-vous resté caché chez votre frère, à la
Chapelle ?
R. Je ne vous dirais pas bien; peut-être huit jours tout au plus.
D. Vous y avez été visité par quelques amis ?
R. Je n'y ai vu que deux personnes.
D. Quelles sont ces personnes?
R M. Valcntin et Darmès.
D. D'où cQnnaissiez-vous ces gens-là?
R. Je les avais connus chez M. Brisedou , marchand de vin au
coin de la rue Richer.
D. n ftdlait que vous les connussiez beaucoup pour qu'ils «oient
venus vous chercher dans un endroit où vous vous cachiez nécessai-
rement avec beaucoup de précaution ?
R. Je ne me cachais pas avec beaucoup de précaution, puisque je
descendais en bas, et .je ne les connaissais pas intimement. Ib aont
DE mtm^ 9» '
T6puft et da ont demandé k mon frère si l'étais là ; mon frère a répondu :
Oui, il est làrhaut.
D. La femme de Valentin Duclos n est-elie pas venue vous pro-
poser de vous cacher chez elle ?
il. Non, Monsieur. Je la connais à peine ; je ne Tai vue que le soir
où ^e est yenue chercher M. Valentin. Elfe ne ma rien dit à moi.
D. Mais elle en a peut-être parlé à votre sœur, et celle-ci vous en
aura parié ?
R. Je ne crois pas que ma sœur m'en ait parlé.
»
/^. est certain qu elle vous a fait ou vous a fait iaire cette pro-
position, ce qui suppose que vous étiez iutimement lié avec Valentin
Duclos ?
R, Je n'étais pas mai avec M. Duchs, mais je n'étais pas lié inti-
mement avec lui ; je le connaissais parce qu^it avait sa station en face
de notre atelier. Je' le voyais en allant déjeuner ou dîner ; voilà tout.
D. Dormes n'avait pas de station devant votre atelier; comment
l'aves-vous connu ?
R. Chez M. Brisedou, et en même temps de ce que je Pai vu
quelquefois avec Valentin : c'est tout.
D Depuis combien de temps le connaissez-vous?
R. Cet homme-fà je l'ai connu quinze jours ou trois semaiqes
auparavant toutes ces affaires-là ; pas phis.
D. Votre intimité avec lui se serait alors établie bien prompte-
aient, car on a trouvé chez lui des papiers venant de vous, écrits de
votre main, et que vous lui aviez évidemment donnés?
R. Je «e sais pas cela du tout.
Nous avons représenté au prévenu un papier intitulé : Qualités de
(honusÊe vmiment moral, et qui a été saisi sur Darmès mn moment
de son arrestation, et nous lui avons demandé si ce u'ett paa lui qui a
écrit ce papier et qui l'a remis à Darmès.
ti% prévenu a répondu :
13.
100 INTERROGATOIRES
R. C'est moi qui ai écrit cela , mais ce n'est pas moi qui i ai remis
à Darmès.
Après quefques instants, le prévenu dit :
Je me rappelle maintenant que j'avais écrit ce papier chez moi;
Darmès y est venu rechercher une brochure de J. J. Pilloi, qu'il
m'avait prêtée; il m'a demandé ce papier, et je le lui ai donné.
D. Ainsi Darmès connaissait votre domicile et il y est aile ?
R. Oui, Monsieur.
Le prévenu ajoute : Ce n'est pas mor qui ai écrit les noms qui sont
sur la seconde feuille du papier que vous venez de me représenter.
Nous avons signé et paraphé le papier dont s'agit, ne varieiur,
avec le prévenu et le greffier en chef adjoint de la Cour.
D. Tous les faits que vous venez d'avouer prouvent votre intimité
avec Valentin et Darmès; ce qui la prouve davantage, c'est que n'é-
tant pas de votre profession , n'ayant avec vous aucuns rapports natu*
y rels, Hs sont les seuls qui soient allés vous voir dans l'endroit où vous
étiez caché?
R. Oui, Monsieur, ils sont venus une fois.
D. Le jour où ils sont venus vous voir, c'était un rendez-vous
tellement donné, qu'ils sont venus l'un après l'autre, et que Darmès^
anîvé le dernier, a demandé si une autre personne était déjà arrivée,
âuand vous avez été réunis tous les trois, vous n'êtes pas restés en
bas; vous êtes montés, et vous êtes restés enfermés longtemps tous
les trois.
/{. Nous n'étions pas enfermés, nous étions dans un endroit pu-
blic.
D. La porte n'était peut-être pas fermée , mais vous étiez seuls dans
votre chambre. Par qui aviez-vous fait avertir Daiynès de venir vous
trouver ?
A. Je ne l'avais pas fait avertir. En sortant de Fatelier, après que
DE BOREL. loi
j'ai su que le commissaire voulait me faire encofirer, j ai rencontré
M. Duclos, nous avons cause de ce qui se passait, et je lui ai dit
que- puisque c'était ainsi , j allais chez mon frère.
D. C'est donc Valentin Duclos qui vous a amené Darmès ?
R. Oui, Monsieur.
D. N'y a*t-il pas eu quelque chose de convenu entre vous et ces
deux individus, dans ia conférence que vous avez eue ensemble chez
votre frère?
A. Non, Monsieur.
D. Est-ce que vous ne leur avez pas dit que vous alliez partir in-
oessament ?
A. Oui, Monsieur.
Z). Ne vous ont-ils pas promis de vous écrire ?
R. Non , Monsieur.
Z). Ne vous ont-ils pas écrit ?
R. Non, Monsieur.
D. Ne vous avaient-ils pas promis de vous prévenir, quand vous
pourriez revenir à Paris sans danger?
'R. Non, Monsieur, il leur aurait été difficile de m'écrire, puis-
qu'ils ne savaient pas où j'étais. ^
D. Darmès n'était-ii pas avec vous dans la plaine de Pantin ?
R. Je l'ai trouvé ià-dedans, mais il n'y est pas venu avec moi.
D. Est-ce que vous n'avez pas eu connaissance du discours qu'il
avait composé pour cette circonstance?
R. Non, Monsieur.
D. En sortant de chez votre frère vous avez été droit à Ham ?
R. Oui, Monsieur.
D. N'y avez-vous pas trouvé un nommé Racarie?
R. Oui, Monsieur.
lot INTERROGATOIRES
/5. N'est-ce pus lui qui vous n fait venir à Hftai?
R, Oui, Monsieur; il m'avait dit qu'il y avait de Fouvrage là.
D. Darmès et Duclos savaient que vous étiez à Ham?
R. Ce nest pas moi qui leur avais dit, s'ils ie savai^tj mais je
crois qu'ils ne le savaient pas.
iP. lU $oot venus plusieurs fai$ chez votre sœur pour savoir de voa
nouvelles ?
R. Oui , Monsieur; ma sœur me Fa dit.
D^ Votre femme vous a écrit à Ham. Ne vous dit^eiie pas no-
tamment d^ns une de ses lettres bien des choses de la part ëet
amis?
R. Je n'ai pas reçu cette letti^e*.. Les amis , c'étaient sans doute mes
beaux' frères; je n'étais plus à Ham quand ma femme m'a écrit» et
moi je ne lui ai pas écrit de Ham.
D. Combien êtes-vous resté de temps à Ham ?
R. Je ne vous dfrais pas; peut-être trois semaines ou un mois.
D. Les dépositions les plus formelles établissent que pendant que
vom éti^ à Ham « voi^ n'avez cessé de proférer des menaces cootre
la vie du Roi, disant notamment qu'il iaJIait do^cendre Louts-Phi-
lippe ?
R. Je n'ai jamais parlé de cela à Ham; je ne fréquentais per-
sonne.
D, Mais si vous aviez tenu ces propos chez votre logeur?
R. Vous êtes mal informé sous ce rapport-là.
D. Au reste, dans les termes où vous étiez avec Darmès j, qui se
préparait à commettre un attentat contre la vie du Roi,^ces propos
s'expliquent naturellement?
R. Jamais. Z)arm66* ne m'a parlé de ce qu'if voulait faire ; s*il m'en
^vait parlé , j'aurais été , je crois , le premier à le déaiMieer.
an
DE BOREL. 103
D. Ces choses4à se disent toujours après coup ?
A. Lui-même^ s'il est un honnête bomme, et Valentin diront s'ils
ont jamais parlé de ces choses-là devant moi.
D. De Ham , n'avez^vous pas été à Boulogne ?
R. Non, Monsieur. Nous sommes allés à Arras, à Bapaume, pour
chercher de l'ouvrage ; à Arras, il y a un contre-maître, nommé Mau-
rice, qui a parlé pour moi ; je l'avais connu quand je travaillais pour
M. le général d'ArlincouH; nous sommes restés à Arras depuis le
samedi jusqu'au lundi; nous n'avons fait que passer à Bapaume et à
Péronne; après cela, je suis allé à l'arsenal de Douai, dans f espoir d'y
trouver de l'ouvrage, mais le directeur ne m'offrait que vingt sols par
jour. De là , je suis allé à Boulogne.
D. Qu'est-ce que vous y avez fait?
R. Nous y avons cherché de l'ouvrage.
D. Combien y êtes-vous resté de temps?
/?. Huit ou dix jours.
D. Est-ce que vous n'aviez pas le projet de passer en Angle-
terre ?
R. Non, Monsieur. J'étais allé de ce côté-là dans l'espoir d'être
employé dans la fabrication des bateaux à vapeur que le Gouverne-
ment fait construire.
D. Qui est-ce qui vous a décidé à revenir à Paris , d'où le même
motif qui vous en avait fait partir aurait dû vous tenir éloigné?
R. Je n'avais plus d'argent et je n'avais trouvé d'ouvrage nulle
part.
D. N'avez-vous pas reçu une lettre à Boulogne?
R. Non, Monsieur; personne ne savait que j'étais à Boulogne;
Racarie, lui , avait écrit à sa sœur de lui envoyer de l'argent.
D. Par conséquent la sœur de Racarie savait que vous étiez à
Boulogne?
R. Non , Monsieur; elle ne savait pas que j'étais avec son frère^
104 INTERROGATOIRES
D. Vous avez quitté Boulogne le 1 3 octobre , à trois heures; vous
êtes arrivé à Beauvais le 1 5 au soir, ayant fait à pied un trajet de
trente-six lieues pour revenir à Paris ; quel motif si impérieux pou-
viez-vous avoir pour faire un tel trajet en si peu de temps , et pour
prendre , le 1 5 , la diligence de Beauvais à Paris , bien que vous
n'eussiez pas d'argent pour la payer?
R. Ce n est absolument que le besoin d'argent qui nous a fait re-
venir à Paris.
D. Vous aviez reçu évidemment quelque avis qui Vous engageait
à vous hâter de revenir à Paris?
R. Non , Monsieur. Depuis mon départ je n'ai reçu aucune lettre ;
j'ai écrit à mon frère , et il m'a répondu : voilà tout ; et la preuve évi-
dente que je dis vrai , c'est que le jour même de mon arrivée à Paris
je suis allé chercher de Pouvrage.
D. Arrivé à Paris , qu'étes-vous allé faire à Belleviiie ?
R. Je n'y suis pas allé.
D. Est-ce que vous n'y avez pas vu le nommé Périer?
R. Non, Monsieur.
D. Réfléchissez à la réponse que vous venez de faire. Est-ce que
vous n'avez pas fait chez la personne dont je vous parle des essais de
poudre fulminante?
R. Ce n'est pas chez Perrier, c'est chez Penès, c'est rue Saint-
Martin et non à Belleville.
D. Peu importe le nom et le lieu; convenez-vous avoir .fait ces
essais?
R, Oui, Monsieur.
D. Pourquoi avez-vous fait ces essais?
R. Pour la chasse aux faisans.
D, Est-ce vous qui étiez Finventeur de cette poudre ?
R. Non , Monsieur; c'est un individu que j'ai connu autrefois au
DE BOREL. 105
Havre. «Tétais chez Pertes, quand une personne à qui Pertes avait
pai^ de cette poudre qui ne faisait pas beaucoup de bruit, voulant
afler à la chasse, me pria de lui montrer à &ire cette poudre : je ie
lui montrai, en lui disant que si elle ne faisait pas beaucoup de bruit,
elle n'avait pas non plus beaucoup de portée.
D. Quelie était la profession de ce Penès ?
R. n était gamisseur-fourreur pour les chapeaux.
D. Travaiilàit-il en boutique ou en chambre ?
R. En chambre.
D. Vous connaissez beaucoup un nommé Charogne ?
R. Champagne ou Pertes, c'est la même personne. Champagne
est le nom dfe pays de Pertes.
D. Vous avez dit chez Pertes que si Darmès vous avait cru, sa
carabine n'aurait pas crevé, parce qu'il ne Faurait pas chargée autant ?
R. Que Darmès dise si je n'ai pas été incognito dans toutes ces
afTaires-ià , et s'il m'en a jamais parlé : car je n'aurais jamais cru cet
homme-là capable de faire une chose pareille.
D. Qui est-ce qui vous a décidé à partir pour la Suisse ?
R, Cest quand j'ai .vu que nulle part je ne pouvais travailler. J'ai
demandé de l'ouvrage dans vingt endroits sans en trouver ; si j'avais
trouve de Fouvrage , je serais resté à Paris.
D. Vous pensiez donc que le crime pour lequel vous vous étiez
caché pouvait demeurer impuni?
R. Je me ^uis caché pour ne pas faire de pirévention ; mais je n'ai
commis aucun crime. Je n'ai jamais eu sur moi aucun instrument qui
pût faire du mal à qui que ce soit.
D. Si vous n'avez pas trouvé d'ouvrage à Paris , c'est qu'apparem-
ment vous ne pouviez retourner dans l'atelier où vous aviez précé-
demment travaillé ?
R. Je n'y suis pas retourné , parce que le contre-maître m'en vou-
lait de ce que je travaillais plus que les autres.
Interrogatoires . i ^
/
106 INTERROGATOIRES
D. Vous prétendez que vous travailliez plus que les autres, et
voilà que vous faites partie des coalitions d ouvriers qui voulaient
l'éduire la durée du travail?
R. Je nai jamais fait partie des coalitions d'ouvriers.
D. Vous étiez de la société des Communistes?
/?. Non, Monsieur; je ne suis même pas allé à leur banquet.
D. Je ne vous parle pas du banquet en ce moment, mais je vous
dis que vous faisiez partie de la société avec Datmès, et que vous y
aviez un grade supérieur au sien?
R, Je n avais aucun grade dans la société, et je ne savais seniement
pas que Dàtmès en eût un.
D. II est certain que vous faisiez partie de la société des Commu-
nistes de Darmès ?
Le prévenu hésite à répondre ;i! dit enfin :
R. Je proteste que je ne fais pas-' partie de cette société.
D. Vous savez bien qu'on a saisi sur vous une lettre de votre frère,
qui vous reproche de causer de la peine à votre famille avec vos
sociétés ?
R. Oui , ^ns doute : il me reproche d'avoir eu des rapports avec
cet individu-là; mais je n'ai jamais fait partie de la société des Com-
munistes , ni d'aucune autre société de ce genre-là.
D. Connaissez-vous un nommé Alot?
R. Non, Monsieur.
D. Et un nommé Dtitertre ?
R. Je ne sais pas si je le connais ; je ne me rappelle pas du tout
ce nom-là.
h.
DE BOREL. 107
f* ioicmigatoire subi par Borel, le 98 décembre 1840, devant M. ie baron Girod
( de TAîn ) , Pair de France , Tun des Commissaires deîegues.
D. Vous n avez pas fait suffisamment connaître , dans Tinterroga-
toire que vous avez subi avant-hier, l'origine de lecrit intitulé: Qualités
de Fhomme vraiment moral, qui a été saisi sur Darmès au moment
de son arrestation, et qui est écrit de votre main. Je vous engage à
vous expliquer avec sincérité sur ce point ?
R. Je vous ai dit déjà ce que c'était que ce papier. On avait été de
la maison chercher du fromage ou autre chose chez I épicier. J'ai !u
ce que contenait ie papier qui renfermait ce fromage, et je Fai copié.
D. On a trouvé chez vous un ouvrage qui a pour titre : De F homme
moral, et dont l'écrit saisi sur Darmès est en quelque sorte le résumé.
Vous convenez vous-même que Darmès vous a prêté i écrit intitulé :
Ni châteaux ni chaumières, qui est une publication communiste. Ces
circonstances, et ce que l'on sait de vos liaisons avec des individus
appartenant à la société des Communistes , donnent à penser que vous
faisiez vous-même partie de cette société. Faisiez-vous en effet partie
de cette société?
R. Non, Monsieur.
D. A quelle époque avez-vous commencé à connaître Racarie?
R.ll y 2l bien longtemps; en 183 7 ou 1 8 38, à ce que je crois.
D. On lit, dans une îettre qui vous est adressée par votre frère,
cette phrase: «Je te demandais des détails sur le prix de ï outil. ^
Quel est l'outil dont il est question dans cette lettre ?
R. C'est un outil pour Fhoriogerie que mon frère me demandait.
D. Connaissez-vous un nommé Considère, dont la femme tient un
cabaret à Montmartre?
R. Non, Monsieur.
D. Vous connaissiez Valentin et Darmès; vou^même en êtes
convenu. Connaissiez- vous quelques-uns des amis de Darmès?
R. Non , Monsieur, aucun ; je le voyais très-peu , peut-être une fois
par semaine.
14.
108 INTERROGATOIRES
D. Est-ce que vous ne voyiez pas plus souvent Valentin Duclos?
R, Je le voyais plus souvent , parce qu'il était toujours à sa station;
mais je ne m'arrêtais pas à causer avec lui , parce que j avaisT très-
peu de temps à moi.
D, Connaissiez-vous quelques-uns de ses amis?
R. Non , Monsieur.
D. Parfiez-vous quelquefois politique avec Valentin?
R, Non, Monsieur.
D. Et avec Darmès?
R. Non plus. La première fois que je lai vu , c'était chez M. Brise-
dàu. Darmès était là et causait avec d autres individus.
D. Et il parlait sans doute de communauté; car c'était le sujet
habituel de ses conversations?
R. Je n'ai rien entendu de ce qu'il disait ce jour-là.
D. Connaissez-vous un nommé Robert, teinturier-dégraîsseur?
R, Non, Monsieur.
D. Un nommé Simard, horloger, ie connaissez-vous?
R. Non, Monsieur.
£). Connaissez-vous Chevauché et Dutilloy?
R. Non, Monsieur.
3® interrogatoire subi par Borel, le 31 décembre 1840, devant M. le Chancelier de
France, Président de la Cour des Pairs.
D. Vous devez connaître et vous connaissez parfiaitement la so-
ciété des Communistes ; vous savez qu'elle est dirigée par un comité
central composé de six membres qui sont en même temps agents ré-
volutionnaires ou chefs de plusieurs quartiers , vous savez que chaque
agent révolutionnaire a, sous sa directiqn, un ou plusieurs commis
ou chefs de quartier?
DE BOREL. 109
R. J'ignore cela; je suis tout à fait étranger à ce qui se passe dans
ia société des Communistes.
D. Vous ignorez si peu ce dont je vous parie que vous étiez vous-
même chef de quartier?
R. Je n'ai jamais été chef de quartier dans cette société.
D. Chaque chef de quartier avait sous sa direction deux ou plu-
sieurs chefs de métiers, et vous, personnellement, vous aviez sous
votre direction Darmès, comme chef de métier?
R. Je n'ai jamais été en participation avec Darmès à cet égard ;
je n'ai jamais eu de fréquentations avec les communistes , et la preuve
en est que je n'ai jamais été à leurs banquets.
D. Vous aviez aussi dans votre section Valentin Duclos ?
R. y alentin Duclos / je ne Fai jamais connu dans les communistes
non plus. Je n'ai jamais eu aucun rapport politique avec iui.
D. Vous étiez si bien chef de quartier que vous vous vantiez d'avoir
dans votre quartier, qui est celui du faubourg Montmartre, cent
hommes sous vos ordres et vous n'en aviez que cinquante?
R. Ceci est une imposture qu'on vous a dite; quand on veut perdre
quelqu'un. . . tiLes Juifs en ont dit assez dans le sénat romain contre
Jésus-Christ. »
D. Est-ce que vous auriez la folie de vous comparer avec Jésus-
Christ. . . . Au reste , le langage que vous tenez en ce moment n a rien
d'étonnant, il est familier à la secte dont vous faites partie, et c'est
là que vous l'avez puisé?
R. Je n'ai pas besoin d'emprunter aux communistes ce que je veux
dire.
D. N'est-ce pas le grand Louis qui vous a fait entrer dans ia so-
ciété des Communistes?
R. Non, Monsieur. Je ne le connais même pas, le grand l^ouis.
D. Bien que le règlement de la société des Communistes qui a été
saisi chez Darmès ne soit pas de votre écriture , c'est vous qui le
lui avez donné?
\
110 INTERROGATOIRES
R. S'il a dit cela, c'est un infâme; peut être aussi aura-t*ii iliifanûe
de dire que c'est moi qui ai chargé son arme.
D. Vous vous trahissez vous-même; c'est votre conscience qui
vous arrache ce que vous venez de dire: vous vous êtes souvctpa des
propos que vous avez tenus précisément sur farme de Darmès et
sur la manière dont elle avait été chargée, en disant que, s'il avait
suivi vos conseils, son arme n'aurait pas éclaté?
R. Comment aurai-je pu charger Tarme de Darmès puisque j'étais
à soixante lieues de Paris , tout cela est arbitraire.
D. Sans avoir chargé vous même l'arme de Darmès /vom avez pu
lui donner, dans cette conférence qui a eu iieu entre vous, Duelas
et lui , des conseils sur la manière de ia charger, et les propos que
vous avez tenus après l'attentat et ce que vous venez de dire vous
même tout à i'Iieure donneraient beaucoup à penser à cet ^ard ?
R. II na pas été question de cela entre nous, je ne suis pas un
assassin , je n'ai jamais trempé mes mains dans le sang de personne.
D. Pas même dans le sang de ce malheureux agent que vous avean
frappé chez M. Piket, rue de Popincourt?
R. Ce n'est pas moi qui Fai frappé.
iende-
mani i
?
R. Je vous l'ai dit déjà, pour ne pas faire de prévention; je ne sois
pas un homme à coups fourrés.
D. Cependant, dès Fàge de seize ans vous étiez déjà mêlé à des
complots dans votre pays , cl expulsé pour ce motif?
R, Je ne savais pas alors ce que je faisais, et j'avais été entraîné
par un agent français.
D. Cet écrit intitulé : Qualités de F homme vraiment moral, n'est
pas aussi indiffèrent que vous le prétendez. Cest vous qui Payez
remis à Darmès, vous en êtes convenu; et vous le lui avez remis
parce que c'était un règlement rédigé à Tusage des sociétaires, par
un nommé Teste?
DE BOREL. 111
R. Je ne sais rien de cela : je vous ai dit que j'avais trouvé ce
ptt|Hier cbei f épicier et que je lavais copié.
D. Dans la réunion qui a eu lieu chez votre frère, avant votre
départ pour Ham, entre vous, Darmès et Valentin Duclos, outre
ce qui a pu y être dit sur les projets ultérieurs de Darmès, ue vous
proposiez-vous pas, vous, tun des chefs de la société des Commu-
nistes, de donner vos instructions aux deux hommes qui étaient
placés immédiatement sous vos ordres , Darmès et Valentin Duclos ?
R. Non, Monsieur; je n avais d ordres à donner à personne, ni à
recevoir de personne.
4* interrogatoire sabi par Boret, le 13 janvier 1841, devant M. le Chancelier de
France , Président de la Cour des Pairs.
./). Vous avez fait partie de la société secrète dite des Corn-
mmnsies?
R. Oui, Monsieur.
Z). A quelle époque y êtes-vous entré ?
R. Autant que je puis me le rappeler , c'était dans fe mois de juin
1840.
D. N'aviez-vous pas de grade dans la soc^é?
R. «Tétais censément chef de fabrique; on m'avait donné ce grade
dans Fespérance que je ferais des recrues.
D. Vous connaissez les chefs principaux de la société ?
R. Je les connais indirectement, pour les avoir entendu nommer
et pour les avoir vus quelquefois.
D. Combien y a-t-il de chefs principaux?
R. II y en a sept ou huit; je ne pourrais préciser exactement
leur nombre.
D. Quels sont-ils?
R. Celui que je connais le plus est Champagne.
1 12 INTERROGATOIRES
D. Ensuite?
/?. n y a un nommé Lionne; mais celui-là s'est retiré lorsqu'il
s'est marié.
D. Après? •
R. n y a un nommé Dutertre.
D. Et les autres?
R. Je ne connais que ceux-là.
D. N'y avait-il pas d'autres chefs au-dessus de ces hommes-là?
R. Ils le disaient du moins : il y avait une ancienne direction, qui
datait au moins de quarante ans, à ce qu'ils disaient.
D. En votre qualité de chef de fabrique*, vous aviez un certain
nombre d'individus sous votre direction?
A. Non , Monsieur. Je vous assure que si je suis entré dans
cette société, c'était uniquement pour la connaître; je n'ai prêté
aucun serment.
D. Vous avez su du moins quel était le serment que Ton prêtait?
R. Non, Monsieur; et voici pourquoi je ne l'ai pas su, ni vu prêter
par d'autres : Quand ils faisaient prêter serment, c'était dans un en-
droit écarté, et il n'y avait d'autres assistants que le récipiendaire,
celui qui recevait et celui qui faisait recevoir.
D. Qui est-ce qui vous a fait recevoir dans la société?
R. Cest un nommé Tourangeau; mais je ne sais que son nom de
pays ; je n'ai jamais connu son nom de famille.
D. Tâchez de vous rappeler la formule du serment ?
R. Je ne saurais la dire* par cœur; je sais seulement qu'on prétait
serment de ne jamais révéler qu'on faisait partie de la société, ni le
nom de la personne qui vous y avait fait entrer.
D. Mais le serment portait sans doute aussi sur ce qui fiusait l'ob-
jet même de la société. N'y jurait-on pas haine à la royauté ?
DE BOREL. 113
R. Non Monsieur; on jurait seulement contre les exploiteurs du
genre humain.
D. Vous n'avez pas pu ignorer que Darmès était communiste?
R. Je savais bien quii Fêtait; mais il en faisait partie avant moi,
et je n ai jamais su à quelle section il appartenait ni quelle est la per-
sonne qui la fait recevoir. C'est lui qui ma remis la brochure dont je
vous ai parlé dans mes autres interrogatoires. J ai dit à ce sujet que je
serais bien communiste; mais que ce qu on voulait faire me paraissait
absurde. Moi, j'entendais par communauté, la mise en commun, par
un certain nombre de personnes, d'une somme de cinq francs, plus
ou moins, par mois, qui serait employée aux besoins de l'association.
Une fois je leur dis qu'au lieu de se mettre en révolte contre le Gou-
vernement , on ferait mieux de demander une concession de terres
en Afrique^ pour les cultiver à la manière des phalanstériens.
D. Savez-vous qui est-ce qui avait remis à Darmès le règlement
de la société qu'on a trouvé chez lui ?
R. Oui, Monsieur; c'est moi.
D. Qui est-ce qui avait rédigé cet écrit intitulé : Qualités de V homme
vraiment moral?
R. Je ne sais pas.
D. N'est-ce pas Champagne ?
R. Je ne sais pas si c'est lui qui l'a rédigé ou non ; je sais seule-
ment que je le tenais de lui, et le règlement aussi.
D. Je dois vous interroger de nouveau sur un fait important; c'est
celui qui est relatif à une expérience de poudre fulminante que vous
auriez faite chez Champagne. Je vous engage à vous expliquer sur ce
fait avec plus de sincérité que vous ne l'avez fait jusqu'à présent ?
R. Je vais vous dire toute la vérité. Lors des premières réunions
de la société Communiste chez un marchand de vins de la barrière
Ménilmontant, et dans une réunion présidée par un homme décoré,
autant que je puis me le rappeler, il fut question des moyens qu'on
pourrait employer pour contenir les troupes: ces n)oyens devaient
consister dans la possession de fioles remplies d'un produit chimique,
Interrogatoires. 15
1 14 INTERROGATOIRES
et qu'on devait jeter devant les troupes pour les asphîxîer : on disait
qu'on en avait jusqu'à dix mille. Champagne me demanda pius terd
si je n'avais pas aussi quelque moyen du même genre. Je lui dis que
je connaissais une composition de poudre fulminante, mais qui n^était
pas susceptible d'un grand effet. Plus tard encore, lorsque je suis
revenu de Boulogne , j'ai été chez Champagne le lendemain de mon
arrivée ; c'est là que j'ai appris l'attentat de Darmès. II m'a proposé
de l'aider à porter ses marchandises quelque part , je Fy ai aidé en
effet. En route, Champagne et moi nous sommes entrés chez un
marchand de liqueurs ; nous avons lu dans un journal un article qui
avait pour titre: Attentat de Daimès, et c'est alors qu'au signalement
j'ai dit que ce devait être un individu que je connaissais, un commu-
niste , car je n'avais pas su précisément son nom , mais je Pavais vu
souvent rue de Trévise. De là, nous sommes allés chez Champagne,
où est venu , pendant que j'y étais , un individu dont je se sais pas
le nom, mais je sais bien où ilreste, c'est rue du Faubourg-Saint-
Martin , vers le milieu , à gauche en montant. Je crois bien qu'il de-
meure au troisième, il occupe une chambre dont la fenêtre, qui est
très-petite , donne sur l'escalier ; c'est un mécanicien^ Je dis que je
n'avais pas d'ouvrage, cet individu me proposa d'aller avec lui le
lendemain au chemin de fer de Versailles, rive gauche, où sans doute
je trouverais de Femploi, parce que lui devait quitter la place; mais
au chemin de fer on ne voulut pas me prendre. Alors il me dit qu'il
avait pour lui-même une autre visée, et que si elle ne lui conve-
nait pas, je pourrais peut-être m'en arranger. Il parla aussi du projet
qu'il avait de prendre à son compte un atelier d'armurier, et c'est à
ce sujet qu'il fut question entre nous de la poudre dont je connais-
sais la composition , et que nous avons essayée chez Champagne ,
comme je vous fai dit dans mon premier interrogatoire. C'est dans
cette malheureuse séance qu'il paraît qu'on a prétendu que j'avais dit
que si Dainnès m'avait cru, son arme n'aurait pas crevé, à ce que
vous m'avez dit , Monsieur. Je n'ai sûrement pas dit cela; tout ce que
que j'ai pu dire , si je l'ai dit , c'est que si Darmès avait chargé son
arme comme celle que nous venions de tirer, elle n'aurait sûrement
pas crevé.
D. Ne s'occupait-on pas dans la société des Communistes des
moyens d'avoir de la poudre ?
DE BOREL. 115
B. Oiri, McMisîeur.
D. Savez-vous si on en avait beaucoup ?
R. Ils disaient qu'adjoignant à ces fioles , la direction en avait
beaucoup.
D. Aviez-vous connaissance du dépôt de cartouches qui existait
chez Valentin Duclos?
R. Non , Monsieur.
».
D. U y avait nécessairement des armes dans la société ?
R. Oui , Monsieur.
D. Où ces armes sont-elles déposées ?
R. Je ne saurais vous le dire précisément. J*ai entendu dire par
deux individus que je connais de vue , omis pas par leurs noms , et
ui appartiennent à une autre branche de ia société communiste
car il y en a qui veulent ia communauté progressive et d autres qui
ia veulent immédiate); jai entendu dire par ces deux individus qu^
y avait cinq ou six cents fusils dans une maison , mais que ces fusiis
navaient pas de pierres.
?
D. Dans queile maison étaient déposés ces fusils?
R. Je ne saurais vous ie dire précisément, ce doit être entre
le Faubourg-Poissonnière et ia Bastille, du côté de Ménilmontant,
queique part par ià.
D. Quel a été le sujet de votre entretien avec Dormes et Duclos ,
chez votre beau frère?
R. Je ne mêle rappelfe pas bien; mais, je crois pouvoir affirmer
que nous n'avons pas parié politique.
D. Ayant connu Champagne et plusieurs des chefs de la société
des Communistes, vous avez dû entendre parler, dans ia société, de
l'attentat de Darmès; vous avez dû entendre dire à qui Ton imputait,
dans ia société , la complicité d'un crime bien évidemment sorti du
sein de cette société?
15.
1 16 liNTERROGATOIRES
H. Je n ai entendu parler en aucune manière, de cela ; car je n'ai vu
j)ersonne après 1 événement.
D. Ainsi vous affirmez n'avoir eu, avant i attentat, aucuue con-
naissance des projets de Darmès, et n'avoir connu, depuis, aucune
des personnes qui l'auraient assisté?
R, Oui, Monsieur.
I), Ne connaissez-vous pas un nommé Considère?
R. J'ui entendu parler de cet homme-là, mais je ne le connais
pas.
D. N'avez-vous jamais été dans son cabaret?
R. J ai pu y entrer en me promenant, un dimanche ou un lundi,
mais sans savoir chez qui j'étais ; autrement je n'y suis jamais allé.
D. Racarie était-il de la société des Communistes?
R. Je ne vous le dirai pas précisément , mais je crois bien qu'if en
était.
D. Vous avez dit que vous n'aviez pas prêté de serment dans la
société des Communistes; comment avez-vous été dispensé de prêter
serment?
R. Tourangeau m'a faufilé avec lui là-dedans, mais on ne m'a
pas demandé de serment.
D. Cependant vous aviez un grade ?
R. Oui , Monsieur. Cela s'est fait dans le comité des chefs. On
ma nommé chef de fabrique , parce que j'étais seul dans mon quartier.
On espérait , comme je vous l'ai dit, que je pourrais faire des recrues;
mais, pour un serment , on ne m'en a pas demandé.
D. La société des Communistes n'était-elle pas la continuation de
la société des Familles qui a commis l'attentat des 1 2 et 13 mai 1839,
et qui avait pour chefs Barbes et Martin Bernard ?
D. Je ne pourrais vous le dire; je n'ai jamais connu ni Barbes, ni
Martin-Bernard. Je ne me suis mêlé qu'une fois de ces sociétés , et
DE fiOREL. 117
c est ce qui a fait mou malheur. J'ai entendu parler, dans ie temps ,
d une société qui faisait des brochures pour ie prince Louis, mais je
n'en ai jamais fait partie. A vous dire ie vrai, la révolution de cliez
nous ayant mai tournée , je suis entré dans ia société pour voir, en cas
de révolution, comment ies choses s'arrangeraient en France.
D. Vous vouliez donc reporter chez vous ce que vous auriez vu
ici ?
R. Oui , Monsieur.
D. Cherchez bien dans votre mémoire si vous ne pourriez pas
retrouver lés noms d'autres chefs de la société Communiste?
R. Si je ies retrouve, je vous promets que je vous les dirai.
D. N'avez-vous pas entendu parier d'un nommé Rosier, comme
étant i'un des chefs de ia société ?
R. Oui, Monsieur.
D. Et le Grand-Louis ?
R. II me sembie que ce nom-ià ne m'est pas inconnu.
D. Et Albert?
R. J'ai entendu citer aussi ce nom-là, mais je ne pourrais l'affir-
mer; car, comme je vous i'ai dit, je n'ai été en réunion qu'une seule
fois.
D. Connaissiez-vous, dans ia société, un nommé Cariot?
R. Non, Monsieur.
D. Et un nommé Robert ?
R. Non, Monsieur.
D. Et un nommé Rosier, coiffeur?
R. Je crois bien avoir vu ces noms-là sur la brochure du banquet
communiste; car il n'y a que ceux qui sont aiiés au banquet qui en
ont- eu.
D, Et les deux frères Marchand?
R. Non, Monsieur.
118 INTEBBOGAT0IRES
D. Un nommé jBaro/, maçon ^
R. Non, Monsieur.
D. Un nommé VelUus?
R. Non, Monsieur, je ne connais pas ces noms; si je les connaissais,
te vous les dirais. Tout mon nuibeur est d'avoir menti ia première fois
que vous m'avez interrogé, j'ai eu tort. Si ma mémoire me sert mieux,
je vous dirai tout ce que je sais.
5« înteiTogttoire subi par Borel, le 17 jaDvier 1841, devant M. le Chaoodîer it
France, Président de la Cour des Pairs.
D. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce que vous avez dédaré
dans votre dernier interrogatoire?
R. Relativement à l'attentat, je ne pense pas qu'il ait été préparé
par les communistes dont Champagne fait partie; je ne crois pas que
ceux-là soient pour les moyens violents. Mais fl y a une autre branche
de communistes* les communistes immédiats; ceux4à veulent ren-
verser le pouvoir actuel, n'importe par quels moyens; car ils ont des
armes, et sans doute c'est pour s'en servir. Quanta Champagne, je
serais bien étonné s'il connaissart Darmès. Quant au dépôt d'armes
dont je vous ai parlé, j'ai su qu'il existait, pour Favoir entendu dire
par un nommé Belleguise, charron , demeurant rue de la Tour-cf Av*
vergne , n* 1 . Il m'en a parlé comme d'un dépôt sur lequel on pour-
rait mettre sur-le-champ la main , en cas d'insurrection ; la seule dif-
ficulté, à ce qu'il paraît, c'est que ces fusils n'ont pas de pierres:
cela, je Fai su, non de Belleguise Iui*raème, mais d'uA iudividv de-
vant lequel il Faurait dit dans une maison.
D. Vous venez de dire que vous ne supposiez pas que Champagne
connût Darmès; cependant vous êtes convenu que vous aviez remis
i Darmès, le règlement de la société, lequel vous avait été remis par
Champagne: or, il est difficile de croire que ce règlement ne vous
ait pas été donné par Champagne, l'un des chefs de la société, pour
le remettre à Darmès?
R. Si j'ai remis le règlement de la société & Dormes, ce n'est pas
DE BOREL. lig
par i^ordre de Champagne, mais de mon propre mouvement , à la suite
d'une conversation sur ie système de la communauté. Darmès, qui
était reçu dans la société longtemps avant moi, appartenait à la
portion des communistes qui étaient dirigés par J. J. Pillot, et qui
avaient wn dépôt d'armes. Si i attentat a été prémédité par une société
quelconque, c'est de ce côté-là qu'il a dû partir, et non pas de chez
nous..
D. Je vous représente le règlement de la société qui a été saisi
chez Darmès. Est-ce celui que vous lui avez remis?
R. C'est approchant la même chose, mais je^oe connais pas cette
écriture. Le règlement que j'ai remis à Darmès était, ce me semble,
plus mal écrit que ccIui-Ià : cette différence me confirme dans l'opi-
nion que Darmès aurait reçu un règlement d'un autre côté, puisque
ce n'e&t pas moi, oo je me trompe fort, qui lui ai remis celui-là.
D. Champagne ne vous a-t-il pas donné 20 francs lorsque vous
êtes parti pour Ham?
R. Oui , Monsieur.
D. Vous avez nommé Fautre jour quelques-uns des hommes que
vous connaissiez comme étant les chefs de la société Communiste.
Vous rappelez-vous aujourd'hui quelques autres noms?
R. J'ai déjà désigné Champagne, Dutertre, Lionne, mais celui-ci
a abdiqué. Relativement au règlement au sujet duquel vous m'avez
demandé l'autre jour qui est-ce qui l'avait rédigé, je me rappelle,
sans cependant pouvoir l'affirmer positivement, qu'il a été rédigé par
un nommé Jules Rosier, professeur de littérature ou étudiant en
droit.
D. Parmi les chefs de la société , n'y a-t-il pas un nommé Gueret
surnommé le grand Louis?
R. Oui , Monsieur.
D. N'y a-t-il pas aussi un nommé Martin dit Albert?
R, Je connais un mécanicien de ce nom ; s'il est là-dedans , c'est
plutôt par entraînement que par autre chose ; ce n'est pas un homme
à bruit.
1 20 INTERROGATOIRES
D. N'avez-vous pas loge chez lui pendant quelques fours, avant de
partir pour Ham?
R. Oui , Monsieur.
D. Le nommé Pillot n est-il pas l'un des principaux chefs de la
société?
R, S'il n est pas lun des principaux chefs, il est au moins le mo'
teur de toute la cabale. C'est lui qui a fait imprimer toutes ces bro-
chures ; c'est aussi lui qui était président du banquet de Befleville.
D. Connaissez -vious le nommé Dourille, fauteur de Thistoire de
ia conspiration de Maiict et fun des chefs communistes?
R, Non, Monsieur.
D. Vous avez été introduit dans la société par un nommé Touran-
geau; cet individu était donc important dans la société?
R. Non, Monsieur. Comme je vous fai dit, un jour qu'il y avjait
quatre-vingts ou cent individus, plus ou moins, réunis chez un mar-
chand de vins , il m'a faufilé là-dedans , plutôt par curiosité <}u'autre-
ment; et, à dire le vrai, c'était plutôt une cohue qu'une réunion poli-
tique.
D. Quelle était la profession de ce Tourangeau ?
R. \\ était mécanicien.
D. Savez-vous ce qu'il est devenu?
R, Non , Monsieur.
D, N'y avait-il pas dans la société un autre individu du nom de
Tourangeau qui était cordonnier?
/?. Non , Monsieur : je n'ai connu qu'un cordonnier dans la société;
il était reconnaissable à ses grands cheveux , mais je ne me rappelle
pas son nom dans ce moment-ci.
D. Vous avez dit que vous n'aviez pas prêté serment , n'avez-vous
pas assisté vous*méme à aucune prestation de serment ?
R, Non, Monsieur, jamais.
DE BOREL. 121
D. Comment donc avez-vous été dispensé de remplir cette for-
malité? •
R. Comme je vous 1 ai dit, parce que j'ai été faufilé dans la société
un jour où il n'y avait pas beaucoup d'ordre.
D. Mais vous aviez un grade dans la société; comment vous avait-
on donné ce grade sans exiger de vous quelques garanties?
R. Je vous l'ai déjà dit. Le jour ou j'ai été présenté par Touran-
geau, j'ai fait nécessairement quelques connaissances, et l'on m'a dit
qu'il y avait quelques démocrates dans mon quartier, qu'il fallait en
former un métier et que je serais chef de métier. Mais je ne me suis
jamais occupé de faire des prosélytes : la curiosité seule m'avait con-
duit là; je voulais connaître à fond cette société,
D. Les chefs supérieurs de la société ne s'appelaient-ils pas agents
révolutionnaires ?
R. Oui, Monsieur. ^
D. En connaissez-vous d'autres que ceux que vous avez nommés
tout à rheure?
R, Non, Monsieur.
D. Vous avez donné tout à l'heure à entendre que Darmès appar-
tenait à une autre fraction de la société que celle à laquelle vous
apparteniez vous-même; connaîtriez-vous quelques-uns des chefs de
cette fmction de la société que vous appelez les Communistes im-
médiats ? *
R, Je croirais assez que BeAleguise, dont je vous ai déjà paHé au
sujet des armes, est l'un des chefs de cette fraction de la société. Il y
a aussi un nommé Lempinin, marchand de vins.
D. Valeniin Duclos était aussi de la société ?
R. Je) ne le sais pas précisément; mais ses idées étaient commu-
nistes et il était au banquet de BeHeville.
D. Vous ne savez pas s'il appartenait à la même fraction que
Darmès ?
R. Je le suppose, car ils se connaissaient parfaitement Fun et
l'autre, et c'est lui qui m'avait fait connaître Darmès.
Interrogatoibbs. 1 6
lîi INTERROGATOIRES
D. Je vous demande encore une fois sî , dans la confërence qui a
eu lieu dans votre chambre , peu d'instants avant votre dépul , entre
vous, Darmès etDuclos, ii n aurait pas été question de Tatfentat qui
se préparait ?
R. Je vous assure avec ia plus grande franchise du monde qu'il
n en a pas été question du tout. Si nous avions parlé de cela , je vous
le dirais comme je vous dis tout le reste , mais je jure devant Dieu
qu'il n'en a pas été question le moins du monde. A quoi d'ailleurs me
servirait-il de le nier, si Ton venait à le découvrir ensuite? If est cer-
tain que cela me serait plus imisihlc qu'utile. J'ajouterai qu'étant chex
mon frère, en Suisse, je vins à lire un jour, dans an journal, que
Darmès avait fait des révélations; mon frère vous dira que mon pre«-
mier mouvement fut de m'écrier : Tant mieux ! s'il bât des révélations;
Fou verra que je suis innocent. Certes, je n'aurais pas tenu ce lan^ige
si j'avais été le moins du monde coupable dans tout cela. J'aurais pu
très-facilement m'en aller plus loin et trouver ailleurs des moyens
d'existence , si j'avais eu intérêt à m'éioigner.
D. Avez-vous eu jamais des armes en votre possession ?
R. Je n'ai jamais eu que deux mauvais pistolets , dont il est de
toute impossibilité de se servir. A f un, il manque un couvre-bassinet ;
l'autre n'a pas de platine.
D. Parmi les noms des chefs delà société, n'avez-vous pas oublie
un nommé Edouard?
R. Oui , Monsieur, Edouard Moustache; je le connais.
D. Connaissez-vous un nommé Cousin?
R, Je connais un homme de peine de ce nom-li , mais ce n*est pas
un homme politique. Je connais aussi un nommé Deligny, limeur,
qui a travaillé dans le temps à la boyauterie : celui-là doit savoir où
sont les armes; c'est le second des deux individus dont je vous ai
parlé l'autre jour.
D, Racarie était aussi de la société ?
R. Oui , Monsieur; mais ce n'est pas un homme dangereux.
D. N'y a-t-il pas dans la société un autre individu du nom de
Rosier, qui est coiflfeur ?
DE BORBL. tt3
R. J'ai entendu cîCer ce nom-là, mais je ne crois pas qu'il fît pairie
delasoefélé.
/). Connaissez-vous un nommé Barat?
R. Non, Monsieur.
D. Et un nommé Robert, teinturier-dégraisseur?
R. Je ne le connais pas.
D. Et les frères Marchand?
R. Je les ai entendu nommer, peut-être même les ai-je vus une ou
deux fois, mais c'est tout. A propos des armes, je dois vous dire que
je crois que c'est chez Considère que Belleguise en a parlé.
D. Connaissez-vous personnellement Ci^n^'^^r^?
R. Non, Monsieur; si je le connais, c'est, comme je tous i'ai dit
{'autre jour, pour être entré une ou deux fois chez lui.
D. Avez-vôus rétrouvé le notti de ia pefsonde âvett laquelle vous
avez fait votre expérience de poudre fulminante chez Champagne?
R. Non, Monsieur; je sais seulement où elle demeure. Si ia chose
était possible , je voudrais beaucoup que vous me fissiez conduire par
autant d'agents qu^on le voudrait, un soir; je montrerais la porte de
la maison où elle demeure , mais son nom , je ne le sais pas : je ne Tâî
vue que cette fois là. Je désire beaucoup qu'elle soit interrogée , pour
qu'elle puisse dire ce que nous avons dit ensemble. Je ne voudrais pas
que Ton pût croire qu'il se prépare par-là un nouvel attentat , et je ne les
en croîs pas capables, d'après ce que nous avons dit ensemble.
D. Qui est-ce (|i*i vofts avait donné la recette de cette poudre
fulminante?
R. Un ouvrier menuisier.
D. Y a-t-il longtemps?
R. En 1836 ou 1837.
D. Comment cette poudre est-elle fulminante?
R. Elle nest pas fulminante: c'est de la poudre ordinaire, com-
binée avec une partie d'alun; cela amortit un peu le bruit. Du reste,
16.
124 INTERROGATOIRES
cette poudre a un grave inconvénient; elle retire au mpins les deux
tiers de la force de ia poudre : ainsi un fusil chargé à biJie, avec
cette composition, ne percerait pas une planche à la distance de
quelques pas; moi , vêtu tel que je suis, je ne craindrais pas de faire
tirer sur moi avec un fusil de munition chargé avec cette poudre, à
la distance où je suis du mur. Cest une expérience très-facile à faire;
c'est pour cela que je désire beaucoup qu'on retrouve Findividu avec
lequel je lai essayée chez Champagne?
D. Ainsi tout ie mérite de cette poudre consisterait en ce qu'elfe
ne fait pas de bruit?
R. Oui, Monsieur; elle e^t bonne aussi pour le gibier.
D, Est-ce que vous n avez pas su qu'un coup de pistolet chargé
avec cette poudre avait été tiré par un nommé Rosier, lors des
coalitions d'ouvriers?
R. Oui, Monsieur; mais le pistolet avait été mal chargé, it a £iit
beaucoup de bruit : le coup d'ailleurs n'a pas été tiré dehors.
O. A qui appartenait le fusil dont vous vous êtes servi pour votre
expérience?
R. Cest un fusil à canne, appartenant au qdécanicien , qui m'a dît
l'avoir fait lui-même.
D. La poudre que vous avez fabriquée chez Champagne n'att-
elle pas été préparée sur une planche?
R, Non, Monsieur. Le mécanicien avait de la poudre ordinaire ,
nous avons fait le mélange dans du papier, et nous avons tiré &ur une
planche avec une tête de vis, qui n'était seulement pas entrée dans ia
planche.
D. Vous avez dit, dans votre dernier interrogatoire, que vous sup-
posiez que la société avait de ia poudre en quantité ; comment avez-
vous su cela?
R. J'ai entendu dire par Champagne que le comité supérieur di-
sait qu'il avait , outre ces fioles dont je vous ai parlé , une grande
quantité de poudre, et qu'il ferait ia révolution quand il ie voudrait,
sans avoir besoin de tirer un coup de fusil.
DE BOREL. 125
D. Où avez-vous fait connaissance de Champagne?
A. Je crois bien que c'est dans la réunion qui a eu lieu à Ménil-
montant, et qui est la première où j'aie été.
D. Vous le reconnaissiez apparemment pour votre chef ? .
R. Oui, Monsieur, jusqu'à un certain point. Cependant, s il m'avait
ordonné de faire des choses que je n'aurais pas dû faire , je crois
bien que je ne ies aurais pas/aites,
D. Mais, enfin, dans l'ordre de la société, il était votre chef?
R. Oui, Monsieur.
D. Et c'est en cette qualité qu'il vous avait remis le règlement?
R. Oui, Monsieur.
D. Où avez-vous fait connaissance de Tourangeau?
R. C'était un mécanicien comme moi , nous mangions à la même
auberge. Je Favais connu il y avait longtemps ; nous nous étions perdus
de vue, puis nous nous sommes retrouvés; nous avons bu une cho-
pine ensemble , et nous sommes venus à causer de ces choses-là. Il
travaillait dans le temps chez un fabricant nommé Antique, qui de-
meure à la barrière d'Enfer. Je n'ai pas revu Tourangeau depuis le mois
de juin dernier; j'ai demandé ce qu'il était devenu} on m'a dit qu'ii
était parti. II y a aussi une autre société qui est groupée, et qui est bien
capable aussi de travailler à fahre des révolutions.
D. Quelle est cette société ?
R. Ce sont les Réformistes.
D, Savez-vous si Darmès était de la société des Réformistes?
R. Je l'ignore.
D. Et vous-même, en avçz-vous fait partie?
R. Non, Monsieur. J'ai su cela, parce que j'ai vu la pétition que
l'on faisait signer à tous ceux qui voulaient la signer. Les réformistes
ont deux chefs qui gi'oupent : fun est un nommé David, et Fautre un
nommé Dorgal. D'après ce que j'ai entendu dire, ce sont d'anciens
démocrates , ou , pour mieux dire , des débris des 1 2 et 1 d mai.
1 26 INTERROGATOIRES
D. Qui est-ce qui vous a donne l'idée qu'il y avait dans la
des Communistes une fraction plus disposée que l'autre à atta^er
le Gouvernement à main armée?
R. Je savais bien que chez nous il n'y avait pas d'armes, au fieu
que je sais que les autres en avaient. Depuis j'ai appris dans Tins-
truction, et de vous-même, Monsieur le Chancelier, k^rsq^e yous
m'avez interrogé, que Valentin avait chez lui un dépôt de cwtoadiea.
Il ne me l'avait jamais dit; mais je crois qu'il n'avait pai une très-
grande confiance en moi. Quoi quii en soit, cette circoastaoce ,
ajoutée à ce que je savais déjà, m'a donné à penser ce que je vous
ai dit sur ia fraction de la société dont Darmès et Duelos faisaient
partie l'ua et l'autre.
D. Vous avez parlé, dans votre dernier interrogatoire, d\me so*
ciété dans laquelle on s'occupait de faire des brochures dans Fintéret
du prince Louis Bonaparte. Avez-vous fait partie de cette socîétéT
/?. Non, Monsieur. J'ai su cela, parce qu'il m'est tombé de ces
brochures sous la main.
D. Elxamiuez de nouveau ce règlement saisi chez Darmès*
vous bien sûr que ce ne soît pas celui que vous iui avei remml
R. A vous dire le vrai , je ne reconnais pas récriture ; d'affleurs ,
quand j'ai donné ce règlement à Darmès, ce n'était pas dans on but
de pofitiqae. Je savais bien qu'il y avait longtemps qu'il connaissait
cela.
D. Vous savez que vous êtes soupçonné du meurtre cdmmis sur
la personne d'un agent qui a péri dans la cour du siear Pihet, méctL"
nicien, rue Popincourt?
R. Je suis tout à fait innocent de cela. J'ai vu cent ou cent cm-
quante individus peut-être acharnés après l'agent ou lesagents^^ car je
ne sais pas s'il n'y en avait qu'un seul ou s'ik étaient plusieurs; mais
moi je n'y ai pas touché. Je pourrais , comme je vous Tai déjà dit ,
invoquer le témoignage de Tofficier de la ligne qui commandait là.
D. Avez-vous su quel régiment était de service en cet endroit?
R, Non, Monsieur, malheurcuseraent. Quant aux prochmaiîons
qu'oa dit que i'ai faites aux oorriers pour ks exciter à se coaliser.
DE BOREL. 127
c'est une insigae (%ussetë. J ai fait, au contraire^ tou& mes efforts pour
ieur persuader qu'il était iosensé de réclamer à la fois une diminution
de travail et une augmentation de salaire. Je pourrais écrire mot pour
mot tout ce que je leur dis alors, et Ton n'y trouverait rien à reprendre.
D. Pourquoi avez-vous écrit le nom de Dutertre sur le papier qui
a été saisi sur Darmès?
R. Quand j'ai écrit ce nom sur ce papier, ce n'était pas avec l'in-
tention de ie remettre à Darmès. J'ai sans doute écrit ce nom pour
m'en souvenir et sans aucune intention politique.
«
6* interrogatoire subi pwr Borel, le 94 janvier 1841 , devant M. Zan^acomi, Juge
d'instruction dclegue', et confrontation de cet inculpe avec l'inculpé Belleguise,
Nous avons fait amener devant nous l'inculpé Borel, et après l'a-
voir mis en présence du nommé Belleguise, nous lui avons de-
mandé si c'était bien là findividu dont il nous avait parlé dans son
dernier interrogatoire.
L'incolpé répond , hors la présence dudit Belleguise :
C'est bien l'individu dont j'ai parié; mais quand je l'ai vu il ne
portait pas le vêtement dont il est porteur aujourd'hui.
D. Combien de fois avez-vous vu cet individu ?
R. Trois ou quatre fois.
7« interrogatoire subi par Borel» le 3 février 1841, devant M. le Chancelier de
France, Pre'sident de la Cour des Pairs, et confrontation de cet inculpe avec les
inculpés Duclos, Périls, Belleguise j Guiret, dit le grand Louis , et Darmès.
D. Vous avez dit que Fexemplaire du règlement de ia société des
Communistes qui a été saisi chez Daignés n'était pas de. votre écri-
ture; savez-vous par qui il a été écrit ?
R. Je ne pourrais pas vous le dire.
D. Connaissez-vous récriture de /?acflne?
R. Pas précisément, puisque je n'ai eu que cela de son écriture,
si c'est lui qui l'a éciît.
128 INTERROGATOIRES
D. Je vous représente plusieurs lettres écrites et signées par Ra*
carie. Je vous invite à comparer ces lettres avec ie règlement qui
est là sous vos yeux?
R, Je ne pourrais vous dire par qui ce règlement a été écrit;
mais Pertes, lui, doit le savoir plutôt que moi.
Après lecture , le prévenu a signé, etc.
Et de suite nous avons fait amener devant nous le nommé Valentin
Duclos , et ngus avons demandé à Borel s il le reconnaissait.
Borel a répondu : Oui , Monsieur.
D. Comment se nomme-t-il ? ,
R, Je crois que c'est M. Valentin.
D. N est-ce pas lui qui est venu vous voir avec Darmès chez votre
frère , pendant que vous y étiez caché ?
R. Oui , Monsieur, il est venu me voir une fois avec Darmès , mais
c'était comme camarade, et sans aucune intention politique.
D. N est-ce pas lui qui vous a fait faire connaissance avec Damiès?
R. J'ai connu Darmès parce que je I ai vu avec M. Valentin.
D. N'avez vous pas su que Valentin Duclos faisait partie de la
société Communiste?
R. Je vous ai dit que ce n'était pas moi qui l'avais reçu , et que
je ne m'étais jamais trouvé en réunion communiste avec lui. Par
conséquent, s'il a fait partie de ia société, je ne sais pas de quelle
fraction il faisait partie.
A Valentin Duclos :
D. Reconnaissez-vous maintenant Borel?
R. Oui, Monsieur.
D. Pourquoi avez-vous nié le connaître?
R. Je ne savais pas son nom.
D. En supposant que vous ayiez ignoré son nom , ce qui n'est
DE BOREL. 129
pas , voas ne pouviez ignorer ies diverses circonstances que je vous
ar rappelées, et notamment cette visite que voiusiuî aviez faite chez
son frère avec Darmès ?
R. C'était pour éviter de ie faire arrêter.
D. Vous reconnaissez donc maintenant que vous êtes allé avec
DaiTnès lui faire une visite chez son frère?
R. Oui, Monsieur.
Après lecture , chacun des prévenus a signé , etc.
Et, par continuation, nous avons fait amener devant nous le
nommé Pertes dit Champagne, et nous avons demandé à Boret s'il
reconnaissait la personne que nous lui représentions.
Borel a répoqdu : Oui , Monsieur.
D, Comment se nomme-t-ei!e?
R. Pertes.
D. Dit Chan^agne?
R. Dit Champagne.
D. N'est-ce pas lui qui était votre chef dans ia société des Com-
munistes?
/?. Oui, Monsieur.
D. N'est-ce pas lui qui vous a remis le règlement de la société
que vous avez donné à Darmès? •
R. Oui, Monsieur.
D. N'est-ce pas fui aussi qui vous a remis un écrit intitulé :
Qualités de thomme vraiment moral?
R. Je vous ai dit que oui.
D. N'est-ce pas chez lui que vous avez fait une expérience de
poudre lùlminante qui ne devait pas (aire de bruit?
R. Oui , Monsieur.
D. Cette expérience n'a-t-elle pas étéjaite en présence de Pénès
et d'un autre individu nommé Bouge dit le Gros- Joseph?
Interrogatoires. 17
130 INTERROGATOIRES
R. Je vous ai dit que je ne savais pas le nom de cet individu;
je ne Tai su que fautrc jour^ lorsque vous favez confronté avec
moi • . ' •
D. Cetlc expérience de poudre na-t-elle pas été faite- dans une
canne-fusil?
R. Oui, Monsieur.
A Péfiès :
D. ûuavez-vous à diœ?
R. J'ai à dire que ces messieurs ne m ont pas averti de ce qu'ils
voulaient faire. Si j'ai nié le fait , c'est que j'ai cru que cela n'avait pas
de conséquence alors. Maintenant monsieur dit qi\p c'est moi qui
lui ai remis le règlement; monsieur se trompe. Je suis communiste,
ou plutôt j'ai des idées communistes, mais je ne fais pour cela par-
tie d'aucune société secrète ou révolutionnaire; je n'ai prêté aucun
serment. Tout ce que je veux , c'est le bien et rien de plus. Quant
à ce règlement , j'en ai entendu lire quelques passages , mais je ne
l'ai pas tenu. Je crois même l'avoir vu dans les mains. dé Borel; c'est
à fui de dire qui le lui a remis, mais ce n'est pas moi:. il ne pourrait
pas affirmer que c'est moi.
>
D. Connaissez-vous un nonmié Racarie ?
R. Oui, Monsieur.
D. Connaisscz-ypus son écriture ?
R. Non , Monsieur ; au surplus Borel doit savoir de qui îl tient
ce règlement.
D. On pourrait supposer, d'après votre réponse, que vous sauriez
de qui Borel tiendrait ce règlement?
R, Tant que Borel ne se ie rappellera pas, je ne peux pas le
savoir.
D, Vous avez dit que vous aviez entendu lire quelques passages
de ce règlement; où avez-vous entendu cette lecture?
R. Je ne saurais vous le dire. Quant à l'écrit intitulé : Qualités
de thomme vraiment moral, c'est bien moi qui l'ai remis à Borel,
Oe 0OR£L. 131
et il fa copié; inai&ie rè^lei»ent,.ce o'est jj^tu» moi c^i iai donné à
BoreL Je Fat vu dan» tses maîiis ou dans celles de Racan'e; te ne
sais lequel des deux. • ' . • • . t, . ,
A Borel : x •
D. Persistez-vôus à croire que le règlement vous ait été remis
par Pertes?
R. Je ne puis pas me remémorer qu'il m'ait été remis par un
autre que par lui.
"^ PéHès dit: Quand le règlement a été fait, je ne V#y^ais personne.
II y avait deux mois que ie règlement était fait quand je Tai vu dans
les mains de Borel ou de Racarie.
' .' ■ ••.'•■ • •
D. II parait que vous connaissez bien l'histoire du règlement? —
R. Je sais cela prirce qu'on m'en a parlé. ■
t ■ :
D. Racarie venait donc chez vous?
R. Oui, Monsieur; il j en avait bien d'autres qui venaient chez
moi, parce que je demeure à l'entrée du faubourg, et Ton entre
chez moi en allant faire un tour de promenade. J'aime aussi beau-
coup à rendre service ; c'est ce qui fait que j'ai beaucoup de
visites. 4
D. Dans quel but se faisait l'expérience de poudre qui a eu lieu
chez vous?
R, Jetais à travailler quand ces messieurs ont fait Fexpérience;
moi, personnellement, je n'y ai pris aucune part. Je me rappelle
avoir entendu dire qu'il s'agissait d'aller à la chasse aux faisans. Est-
ce cela, Borel?
Borel répond : Oui , c'est cela.
Pénès dit: C'est pour cette plaisanterie-là que j'ai été arrêté;
car, sans cela , je pense bien que je n'aurais pas été arrêté.
D. Sous l'apparence d'une plaisanterie , on peut quelquefois
cacher des projets coupables. Ainsi cette poudre, tjui ne devait
pas faire de bruit, pouvait servir à un tout autre usuge qu'à chasser
aux faisans. . .*.
17.
N
132 INTERROGATOIRES
R. Si Tun de ces messieurs avait cela dans Tâine , qu'il le dise.
Quant à moi, je n'y ai vu' qu'une plaisanterie; ]m même dit a ces
messieurs : Si vous tuez des faisans, vous m'en ferez, manger.
Bord dit : Cette pondre n'était absolument bonne qu'à cela^ et ne
pouvait faire de mai à personne, car cela n'a aucune force.
Périès dit : C'est vrai.
D. Lexpérience pouvait bien avoir un résultat autre que celui
qu'elle a produit, et il est bien possible que si elle eût donné d'autres
résultats, on T^ût employée à d'autres usages.
Périès dit :
Oh ! cela, je ne crois pas qu'ils aient eu ces pensées-là. Le Gros-
Joseph, lui, est bien incapable de faits coqime ceux dont vous vouiez
parier. Il est communiste, c'est viai, mais il ne fait pas pour cela
partie de la société Communiste ; c'est comme moi, qui ne recoilnaîs
Fassociation que pour le bien. J'ai entendu dire que le GroS'Joseph
allait se promener dans les champs avec sa canne-fusil : c'est assuré-
ment bien innocent.
Après lecture, chacun des prévenus a signé, etc. «
Et , par continuation , nous avoiis fait amener devant nous ie
nommé Belleguise , et nous avons demandé à Borel s'il le re-
connaissait ?
Borel répond : Oui , Monsieur, c'est Belleguise; mais je ne l'ai pas
vu souvent; et, lui, je ne sais pas s'il m'a vu.
A Borel:
D. Où l'avez- vous vu?
R, Je i'ai vu quelquefois en passant rue Rochecliouart, à ce que
je crois.
/). Vous étes-vous trouvé avec lui dans quelque cabaret ?
R. Non, Monsieur.
D, N'est-il pas venu à votre connaissance que Bellegmse était
chef d'une fraction de la société Communiste?
DE BOREL. 133
R. Jai entendu nommer comnie chef un novumé Belle fftnse ; m^'is
H peut y avoir plusieurs individus de ce noni-Ià.
D, Le Belleguise dont on vous a parlé n*était-il pas charron?
R. Oui, Monsieur t on a dit qu if iétait chaixon.
D. N'est-il pas aussi venu à votre connaissance que Belleguisc
connaissait un dépôt dads lequel il y avait cinq ou six cents fusils
sur lesquels on pourrait mettre la main?
R. On avait prétendu que c'était moi qui avais dit cela chez Con-
sidère ; )e suis allé aux informations, et c'est aloi^s qili l'on a dit que
c'était Belleguise qui avait parlé de cela chez Considère,
A Belleguise :
D, Vous venez d'entendre ce qui a été dit par BoreL Qu'avez-vous
à dire?
AL^ Jai à dire que cela n'est pas. J'ai entendu dire dans le temps
des grèves qu'il y avait des fusils dans divers endroits, aux mairies,
je ne sais où; mais je n'ai pris aucune part à ces propos-là, et il est
possible que la chose ait été mal rapportée.
D. N'allez-vous pas quelquefois chez Considère?
R. Je ne connais pas ce nom-là. Il serait possible que j'aie été chez
lui , sans savoir son nom.
D, Vous savez bien que sa femme tient un cabaret à Montmartre?
R. J'ai lu sur le journal qu'un marchand de vin de Montmartre
avait été arrêté deux fois, ainsi que sa femme et sa mère; c'étaient les
femmes qui parlaient décela : on disait que c'était un garçon<le caisse
de chez Laffitie. J'ai lu cela un dimanche , parce que je ne lis le
journal que le dimanche, n'ayant pas le temps de le lire dans la
semaine.
D. Dites-vous aussi que vous netes pas chef d'une section de la
société Communiste?
R. Je ne suis chef de rien ; je n'ai pas même voulu <^tre chef
d'atelier. En fait de chefs, je ne connais que le chef de l'Etat et ceux
qui me commandent.
134 INTERROGATOIRES
D. Vous avez parié de l'habitude où vous étiez d écrire tout ce
que vous faisiez , et vous avez dit que, si ou vérifiait votre carnet, on
pourmit y voir Femploi de votre journée le 1 5 octobre, et notamment
(|ue vous n'aviez pas quitté votre atelier ce jour-là. Or, il résulte d'une
annotation portée sur votre carnet, que vous êtes sorti ce jour-là,
pour le motif d acheter des boulons et des clous. Cela prouve que
vous êtes sorti le 1 5, contrairement à votre affirmation , et que vous
ave/ fort bien pu vous trouver sur la place Louis XV avec Dmmès,
dont on dit que vous étiez le chef dans la société Communiste?
R. Je vous^re que je n'ai pas été place Louis XV. Si ma destinée
m'y avait conduit , je ne serais pas coupable pour cela. Mais |e ne suis
allé qu'à la place Cadet pour acheter des clous, et j'en ai rapporté ma
charge à l'atelier. Je ne suis plus sorti après cela de la journée.
Après lecture, Borel a signé avec nous et le greffier en chef adjoint
de la Cour; le prévenu Bellcguise ayant déclaré qu'il ne pouvait
signer une chose qu'il n'était pas en état de lire, nous avons signé avec
le greffier , etc.
Et, par continuation, nous avons fuit amener devant nous le nommé
Gueret dit le Grand-Louis, et nous avons demandé. à Borel s'il re-
connaissait l'individu que nous lui représentions.
Borel a répondu :
R. Oui, Monsieur; je le connais sous le nom du Grand-Louis.
D. N'avez-vous pas entendu dire qu'il faisait partie de la société
Communiste, et qu'il avait le grade d'agent révolutionnaire?
R. Je l'ai entendu dire , mais je n'ai aucune certitude personnelle
à cet égard.
A Guéret :
D, Qu'avez-vous à dire ?
R. J'ai à dire que cela est faux. J'ai entendu parler des travailleurs.
J'ai entendu dire aussi qu'il y avait des principes de communauté que
l'on propageait, mais je ne connais pas d'association communiste et
je n'en luis pas partie.
DE BOR£L. 135
D. Depuis combien de temps connaissez-vous Considère ?
R. Je ne le connais pas.
D. N afliez-vous pas quelquefois chez lui ?
R. Non, Monsieur.
D. Vous ne saviez pas que sa femme tenait un cabaret à Mont-
martre ?
R. Non , Monsieur.
D. Vous n'avez pas entendu parler, chez Consiéère, du crime
de Darmès ?
R. Non , Monsieur, puisque je n ai jamais mis les pieds* chez lui.
/)» Ainsi, vous soutenez que vous n'avez pas, dans la société
Communiste, le grade d'agent révolutionnaire ?
R. Oui, Monsieur; je soutiens même que je ne fais partie d'au-
cune société.
A Borel:
D. N'est-ce pas sous ce titre d'agent révolutionnaire de la société
Communiste que vous avez entendu parler du Grand-Louis?
R. Oui, Monsieur.
Après lecture faite, chacun des témoins a signé.
Kt, par continuation, nous avons fait amener devant nous le
nommé Darmès y et nous lui avons demandé, en lui i*eprésentant
Borel, s'il le reconnaissait.
Darmès répond: Monsieur le Président, voilà trois mois et demi
que je suis à la Conciergerie; j'ai subi de nombreux interrogatoires;
je n'ai rien de plus à répondre.
A Darmès :
D, Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Je vous demande si vous re
connaissez la personne ici présente?
Darmès répond : Non , Monsieur.
136 INTERROGATOIRES
• A Borel :
D. Et vous, reconnaissez-vous ia personne ici présente?
R. Oui, Monsieur, je reconnais Datmès; je lai vu quelquefois.
A DafTnès :
D. Vous entendez que Borel Aéc\9Jte qu'if vous connaît, et vous,
cependant vous avez prétendu ne pas le connaître?
Darmès répond : M. Borel est libre de dire ce qu'il veut. Moi
aussi , je suis libre et indépendant, et je dirai ce que je voudrai.
A Borel:
D. N'est-ce pas là l'individu que vous avez vu rue de Trévise, n* 2?
R, Oui , Monsieur, je l'ai vu là comme beaucoup d'autres ont pu
{» • .
V voir.
te
D. N'est-ce pas lui qui a été vous voir avec Valentin Duclos, chez
votre frère, pendant que vous y étiez caché, avant votre départ pour
Hani ?
R, Oui, Monsieur. Mais, comme je vous lai toujours dit, je ne
me cachais pas, chez mon frère; et quand ces messieurs sont venus
me voir, ce n'était pas dans un but politique.
m
D. N'est-ce pas vous qui avez remis à Darmès le règlement de la
société communiste qui a été saisi chez lui ?
R. Oui, Monsieur; mais c'était plutôt par curiosité qu'autrement.
D. N'est-ce pas vous aussi qui lui avez remis Fécrit intitulé r
Qualités de t homme vraiment moral?
R, Oui, Monsieur, puisque vous avez reconnu mon écriture.
A Darmès :
D. Vous venez d'entendre ce qu'a dit Borel Vous avez soutenu
que ces ])apiers vous les aviez trouvés dans la rue. Persistez- vous
dans cette allégation ?
R. Je n'ai plus rien à répondre. Quand j(; paraîtrai à la barre , je
répondi-ai aux question^ que vous me fei'cz l'honneur de m'adressev,
avec le plus de précision qu'il me sera possible , mais , dans ce ffio-
\
DE BORËL. 137
nient-ci, je n'ai rien à répondre de plus que ce que jai déjà dit.
«
/).. Vous avez également menti à fa justice quaud vous avez nié
que vous fussiez allé avec Valentin Duclos faire une visite à Borel;
car Borel \e reconnaît et Valentin aussi. Avez-vous quelque chose à
répondre ?
R, Je n ai rien à répondre.
D. Vous avez désiré que le marchand de bric-à-brac, que vous
aviez indiqué , fût confronté avec vous. Cette confrontation a eu lieu,
et vous savez maintenant que cet homme a déclaré que non-seulement
il ne vous a pas vendu l'ouvmge sur lequel se trouve le nom de
M. Chatry-Lafosse , mais qu'il n'a jamais eu cet ouvrage en sa pos-
session. Par conséquent, vous restez sous l'inculpation d'avoir volé
cet ouvrage dans la maison où il se trouvait.
R. Cet homme a dit ce qu'il a voulu.
8* interrogatoire subi par Borel, le 5 février 1841, devant M. Zangiacoini, Juge
d'instructioo délégué.
,y
D. Vous avez signalé un nommé Deligny comtne chef présumé
d'une fraction des communistes; connaissez-vous de vue cet individu ?
R. Il est possible que je l'aie vu, mais je ne me le rappelle pas.
*
D, Par qui en avez-vous entendu parler ?
R. J'en ai entendu parler vaguement pai' des individus apparte-
nant à la société que je ne saurais indiquer ; on m'a dit qu'il était
limeur, et qu'il avait travaillé à la boyauderie comme ouvrier ser-
rurier.
' D. Savez-vous s'il a des frères?
R, Je ne le sais pas , mais je crois bien que oui. Je me rappelle
même maintenant qu'il en a un qui est tôlier, mais c'est bien du limeur
que l'on m'a parlé comme appartenant à la Société.
Interrogatoires. ^ 8
138 INTERROGATOIRES
Et aussitôt nous avons fait amener devant nous ie nommé DeUgm/
et lavons mis en présence du nommé Borel. Celui-ci a dit: « Je recon-
nais cet individu pour le tôlier dont j'ai parlé; c*est le frère de
l'ouvrier limeur. »
Et le nommé Deligny, de son côté, dit : «Je reconnais le nommé
Borel que vous me représentez , pour avoir travaillé avec lui dans le
cours des dernières années. »
O*" interrogatoire sabi par Borel, le 90 février t841, devant M. Zangiacomi,
Juge d'instruction délégué.
D. Vous avez dit que vous connaissiez comme chef d'une fraction
des communistes le nommé Belleguise , charron, rue de ia Tour-
d'Auvergne ; savez-vous si Darmès était en rapport avec Cet individn ?
/?. Non, Monsieur, je n'en sais rien; mais Darmès^éisii en rap-
port avec un nommé Edouard, charron, tralvaillant avant mon arres-
tation avec Belleguise, à la boyauderie près la barrière du Combat,
et je sais que cet Edouard était très-lié avec Belleguise,
D, Quelle raison avez -vous de croire que Darmès connaissait
Edouard?
R, Voici comme je le sais : A i'époque des coalitions , il y eut
un rassemblement d'ouvriers à Pantin ; Darmès s'y trouvait; il m'in-
vita à prendre un verre de vin , et je le vis avec Edouard chez le
marchand de vin.
D. Comment connaissez-vous lé nommé Edouard?
R. J'ai un (rère qui travaille de l'état de forgeron dans rétablisse-
ment de la boyauderie , et c'est par lui que je l'ai connu.
.
D. Quel motif avez-vous de supposer c^' Edouard fait avec Balte-
guise partie des sociétés?
R. Je le tiens A' Edouard lui-même, et je sais que Belleguise con-
naît Jean-Jacques Pillot. Us étaient , comme je vous l'ai dit , de leur
côté, plus exaltés que nous; c'étaient eux qui, au moyen de collecter,
aidaient Pillot à faire ses brochures et à les répandre. Quant à nous,
nous n'admettions pas toutes les doctrines de Pillai. Au reste , à cet
égard, Racarie, s'il voulait parler, pourrait vous en dire beaucoup
DE BOREL.
IM
plus. Le Grand' Louis le pourrait encore mieux , car c'était lui qui
passait tians la société pour être en rapport avec la direction supé-
neure.
D. Avez-yous eu quelque entretien sur ces matières avec Belle
guise ?
R. A vrai dire, je n'ai point eu avec lui d'entretien politique; mais
nous avons causé ensemble de la communauté et de fabolition du
système monétaire.
D. Et vous a-t-il dit qu'il étiut à la tête d'une traction com-
muniste ?
«
R. Non, Monsieur; mais je Fai appris dans la société, je ne saurais
plus dire par qui.
140 INTERROGATOIRES
INTERROGATOffiES DE PERIES.
PÉRiÈS (Antoine- Victor), âgé de 32 ans, tondeur de draps, né à
Reims (Marne), demeurant à Paris, rue du Faubourg - Saint-
Martin, /i" 83,
\^^ interrogatoire subi, le 9 janvier 1841, devant M. Zangiacomi,
' Juge d'instruction deiégue'.
D. Netes-vous pas connu sous le nom de Champagne?
R. Oui, Monsieur, j'ai été souvent appelé de ce nom, attendu que
je suis de Reims en Champagne.
Z). D'où connaissez-vous le nommé Borel(Aimé), mécanicien?
R, Je ne connais pas d'individu de ce nom.
D. Vous vous trompez; vous connaissez Borel, et vous, avez fiut
avec lui, et chez vous, à une époque récente, des expériences de
poudre fulminante.
R, Voilà quelque chose que je ne connais pas.
D. Borel le déclare, et vous n'êtes amené ici que pour donner des
explications sur vos rapports avec lui. Votre dénégation , évidemment
inexacte, annonce que vous auriez un intérêt à cacher la nature des
relations que vous auriez avec cet individu.
R, Ce Borel, si je le connais, je ne le remets pas. II faudrait que
je le ^isse pour le remettre; mais je renie les faits dont vous venex
de parler.
Z>. La preuve de fa véracité des déclarations de Borel, au sujet
des expériences dont je vous parle, c'est qu'on a même saisi chez
vous le petit banc sur lequel les expériences ont été faites.
R. Les traces de brûlure que vous remarquez sur ce banc pro-
viennent des traces d'une chaufferette de terre ou de fers à repasser.
DE PÉRIÈS. 141
Nous avons ici retiré du scellé apposé sur ce banc le prospectus du
\onrmHe Populaire , pour l'année 1840, et nous avons replacé le
petit banc sous un nouveau scellé, avec étiquette signée par nous et
le greffier.
Z). Vous ne niez vos rapports avec Borel(\ue parce que, comme
lui, vous appartenez à la société des Communistes, dans laquelle
on connaît même votre grade?
R. Je nie appartenir à cette société , et ny suis ni soldat ni chef.
D. Par Borel, vous avez connu Darmès, et probablement ses
projets; et c'est pour ce motif encore que vous niez vos rapports
avec Borel?
R. Je Ile connais pas du tout ce nommé Darmès; je n'ai appris
son nom que par les journaux.
D. Àvez-vous déjà été l'objet de poursuites ?
* ! ' • .
R, Jamais.
9* interrogatoire subi par Périès, le 19 janvier 1841, devant M. Zangiacomi, Juge
cTinstruction dele'gae'.
D. Je vous interpelle de nouveau sur les expériences de poudre
fulminante qui ont été -faites chez vous. Comment croyez-vous que
Borel pourrait donner sur cette opération des détails aussi précis , si
ces expériences n'avaient point eu lieu?
/?. Tl y a malentendu.
£). Il y a si peu malentendu, que Borel a fait connaître non-seule-
ment votre nom, mais le surnom que vous reconnaissez être le vôtre,
et en outre votre profession et votre demeure. Comment concilier ces
indications avec un malentendu?
R. Je ne puis expliquer comment cet homme a pu dire de pareilles
choses.
qii^picrce
142 INTERROGATOIRES
qyc vous , Pertes, aviez parlé à quelqu'un qui se trouvait chez tous
en mêiue temps que Borel, de la recette qu'avait ce dernier poor
faire cette poudre ; et c'est alors qu en votre présence Borel a mon-
tré à la faire. Niez-vous également ce fait ?
R. Je suis ignorant compictement de tout ceci.
/). Voici de nouvelles planches qui ont été saisies hier chez vous
en présence de votre femme, et sur lesquelles if existe des traces de
carbonisation. N'est-ce pas sur ces planches qu'auraient eu lieu ces
expériences?
R. La plus grande de ces planches provient de ia couverture cFan
baquet; je ne peux pas vous dire d'où proviennent les taches q«e ¥009
me montrez. Quant à la petite, elle provient d'une douvéde toaneau»
et vous savez que ces planches sont souvent carbonisées.
D. Vous êtes, sur tous les points, dans fa contradiction b plus frap-
pante avec les déclarations de Borel; celui-ci n'avait aucune espèce
d'intérêt à convenir qu il avait fait chez vous des expériences de pou-
dre. Cet homme n'est point votre ennemi , et les détails circonstanciés
dans lesquels il entre sur le fait qui a eu tteu chez vous, ne permet-
tent pas de supposer de méprise ou de mafentendu; vous avez donc
un intérêt à nier tout à ta fois , et vos rapports avec Borel, et ce qu'il
a (ait chez vous. Cet intérêt mérite t'examen de la justice , et voos
serez , sous ce rapport , l'objet de ses investigations.
R. Je persiste à dire qu'if y a méprise ; que ^: ne conafttt- pat B^
rel ; que je n'appartiens pas aux sociétés, et que je suis poursuivi et
détenu par erreur en ce moment.
3' interrogatoire subi par Pertes, le S 7 janvier 1841, devant M. le Cban^cfiir ds
France, Président de la Cour des Pairs, accompagné de M. le baron Girod (df
l'Ain), Pair de France.
/). Vous faites partie de ia société Communiste ?
H. Je ne fais partie d'aucune société.
DE PÉRIÈS. 143
D. La procédure l'a parfaitement dtabli; vous occupez même un
grade dans cette société. ^
R. Je n y suis pas plus comme gradé que comme soldat.
D. Je sais bien que vous avez nié avoir fait partie de la société ;
mais l'espérais que vous auriez fait quelques réflexions et que vous
conviendriez de la vérité. Votre obstination à nier des faits établis
par {'instruction ne peut que vous compromettre davantage.
R. Pour que je fusse compromis, il faudrait qu'il y eût des cas, et il
n'y en a pas. Tout ce qui me tourmente, c'est de perdre mon ouvrage
par suite de quelque quiproquo.
D. Si vous perdez votre ouvrage dans ce moment-ci, vous ne pou-
vez vous en prendre qu'à vous; non-seulement vous avez un grade
dans la société Communiste, mais ce grade est celui d'agent révolu-
tionnaire. C'est en cette qualité que, vous avez été en rapport avec
Borel.
R, Je ne connais pas Borel.
D. Comment osez-vous dire que vous ne connaissez pas Borel?
R, J'ai déjà dit que si je le connaissais., ce ne pouvait être qu'in-
directement. Je pourrais connaître un homme bon ou mauvais , cela
ne me compromettrait pas; pourquoi donc nierais- je up homme?
D. Je vous ai fait une observation dans votre intérêt; vous la mé-
connaissez, ce sera tant pis pour vous. C'est aussi en votre qualité
d'agent révolutionnaire t)ue vous connaisfiez Lionne ?
/?. Je ne sais pas si je connais Fun ou f autre; je travaille bourgeoi-
sement, et je connais pas mal de monde.
D. Vous connaissez si bien Borel, qu'après les coalitions d'ou-
vriers, Borel voulant quitter Paris, vous avez fait une collecte pour
hii, et vous lui avez remis 20 francs, produit de cette collecte.
R. Je ne connais pas plus l'un que f autre.
p. Votre obstination à nier des faits notoires donne beaucoup à
penser sur votre culpabilité.
/? De quoi suis-je coupable? Je ne me suis jamais aventuré dans
rien; je ne veux que le bien par le bien.
1 44 INTERROGATOIRES
D. Vous^ connaissez si bien Borel, que quand H est revenu à
Paris, le 16 octobre, vous lavez reçu chez vous.
R. II faudrait que je le visse pour savoir si je ie conuais.
D. Vous Tavez reçu le 1 6 chez vous, et vous avez fait avec fui un
essai de poudre non détonante.
R, Je nai jamais brûlé pour un fiard de poudre; jamais chose
pareîfle na été faite chez nioi, ni devant moi.
D. Lors de cette expérience de poudre faite chez vous, iï y avait
une troisième personne, que vous connaissez sous le nom de Gros-
Joseph,
R. Non, Monsieur.
' D. Cette poudre a été composée par Borel, avec une addition
d*aiun jointe à de la poudre ordinaire.
R. Je n'ai aucune connaissance de cela; personne ne pourra dire
qu il ait vu chez moi une chose pareille.
D. L'expérience dont je vous parle a été faite avec une canne-
fusil , dans votre chambre , et l'on a tiré coutœ une planché.
R, Je n'ai aucune connaissance de cela.
D. Vous avez demandé tout à l'heure de quoi vous étiez coupable,
je vais vous le dire. C'est vous qui êtes le chef de Daimès dans la
société des Communistes, et comme tel il a dû suivre vos directions.
R. Mettez que c'est moi qui ai tiré ie coup. Je ne puis que vous ré-
péter que je ne suis ni gradé, ni soldat dans la société; ceux qui ont
dit le contraire ont menti.
D. Vous vous êtes plusieurs fois trouvé avec Darmès chez un
petit marchand iiquoriste qui demeure à l'entrée du faubourg où vous-
même vous demeurez.
R. Il est possible que Darmès me connaisse: il a, dans ce cas,
l'avantage de connaître un honnête homme; je n'en dirai pas autant
de lui. Je me suis sans doute trouvé là ou ailleurs avec d'autres
que lui.
D. Tout ce que je viens de vous dire là est avoué par Fun des
DE PÉRIÈS. 145
hommes qui y a participé avec vous; persistez vous dans vos déné-
gations ?
A. Oui, Monsieur, je persiste. Je n'ai aucune connaissance ni
d'une chose ni de Fautre. La chose existerait d'avqir tait un essai de
poudre chez moi, comme elle aurait été faite sans intention coupable,
il n'y aurait rien là qui pût me compromettre; par conséquent, je
n'aurais aucune raison à nier.
D. Persistez-vous dans vos dénégations ?
/î. Oui, Monsieur.
Après que le prévenu a signé, et avant qu'il se retire, nous Tavons
interpellé de nouveau ainsi qu'il suit :
D. N'avez-vous pas écrit de votre main un papier qui a pour titre :
Qualités de P homme vraiment moral?
R, Je ne pourrais vous dire oui ou non sans avoir vu ce papier.
D. N'avez-vous pas remis ce papier à Borel, qui en aurait pris
copie ?
R. Je ne m'amuse pas beaucoup à écrire, j'ai assez de peine à
écrire pour mes affaires; en tous cas, si Borel a copié une chose que
j'aurais écrite, ce n'est pas devant moi.
D, N'avez-vous pas aussi remis à Borel un écrit portant pour titre :
Règlement de la société des Communistes ?
R. Non, Monsieur; je n'ai jamais eu ces papiers-là chez moi. J'ai
quelquefois parié de communauté avec des hommes qui étaient ou
qui n'étaient pas communistes, je n'en sais rien. Après cela, if est
certain que c'est une chose que je voudrais voir réaliser dans Fintérét
de l'humanité; mais je voudrais qu'elle se réalisât par le bien: car, moi,
je veux le bien, et, voulant le bien, je ne peux pas me rendre cou-
pable d'un crime.
Interrogatoires. 1 9
146 INTERROGATOIRES
4* interrogatoire subi par Pertes, le 19 feVrîer 1841, devant M. Zangiacomi, Juge
d'instruction délègue', et confrontation de cet inculpe avec l'inculpe Bouge,
D, Reconnaissez-vous l'individu que je vous représente?
R. Oui, Monsieur, sous le nom de Joseph.
Bouge, de son côté, dit qu'il reconnaît l'inculpé comme son voisin,
mais qu'il ne sait pas son nom.
D. A Pertes : Est-ce là l'individu qui est venu chez vous avec
Bo?*el pour faire Texpérience dont vous êtes convenu?
R, Oui , Monsieur, et voici comme cela s est fait : Borel et Joseph
étaient alors sans ouvragé; iis allaient ensemble pour se promener;
mais la pluie étant venue , ils montèrent chez moi, et on parla de faire
une expérience de poudre. Je demandai si cela faisait du bruit , et
quand on m'eut assuré qu'il n'y avait rien à craindre, je Tai laissé faire
sans y prendre part. Je n'ai pas fait attention à celui qui a chargé la
canne, mais cela n'a pas fait beaucoup de bruit; seulement if y eut
un carreau de cassé par un ricochet du projectile.
D. A Bouge : Qu'avez-vous à dire?
■
R. Je n'ai pas voulu dire ce qui en était , parce que j'ai su qu'on
avait autrefois tiré sur le Roi avec une arme pareille, que je craignais
que fon m'accusât d'avoir la même intention, et que l'on me fît un
crime de la possession de cette arme; mais je n'en ai &it aucun
usage. Nous sommes venus à parler de chasse, et Borel a dit qu*il
avait un procédé pour faire de la poudre qui ne détonnait pas, et
c'est à la suite de «ette conversation qu'eut lieu cette expérience.
D. A Pertes : N'a-t-il pas été question, dans cette entrevue, de
ia manière dont Darmès aurait chargé ou aurait du charger son
arme?
R. Non, Monsieur.
D. A Bouge : Avez-vous entendu ce propos ?
R. Je n'en ai pas entendu parler.
D. Qu'est devenue la canne dont vous vous êtes servi?
DE PÉRIÉS. 147
R. Je i'ai vendue à un paysan que j'ai trouvé dans la plaine des
Vertus ; il m'en a donné vingt francs. Je m'en suis défait ii y a peut-
être deux mois, lors des premières neiges.
19.
148 INTERROGATOIRES
INTERROGATOIRES DE RACARIE.
Racarie (Louis- Auguste-François), âgé de 23 ans, mécanicien, né à
Paris, y demeurant, rue du Petit-Hurleur, n* 4.
\^^ interrogatoire subi, le 10 décembre 1840, devant M. Zangiacomi , Juge
d'instruction dele'gue'.
Z). Depuis quand étes-vous à Paris?
R. Je suis arrive à Paris vers le milieu d'octobre, le 15 ou le 16.
D, D'où veniez-vous?
R, Dès le commencement de septembre, je suis aifé à Ham, tra-
vailler chez \c ûeuv Rernard, ancien ouvrier de Paris, pour qui j'ai été
embauché par le sieur Meyer, rue Popincourt, n**5. De Ham, je suis
allé chercher de {ouvrage dans diverses villes, notamment à Arras,
à Douai et à Boulogne. J'ai quitté cette dernière ville le mardi 13,
sur les une heure , à pied. J'étais avec un sieur Borel, qui était venu
de Ham avec moi. Nous avons été à pied de Boulogne à Beauvais;
nous sommes allés coucher, le mardi soir 13, dans un village un peu
au-dessns^ de Breteuil, à dix lieues de Boulogne; le lendemain
mercredi l4, nous avons fait dix ou douze lieues, et nous avons
couché du côté de Pont-Rémy; enfin, le jeudi 15, après une journée
de plus de quinze lieues, nous sommes arrivés à Beauvais dans la
soirée; nous y avons pris à neuf heures du soir la diligence du Piat-
d'Etain , qui descend à Paris, au carré Saint-Martin , à l'enseigne du
Plat-d'Etain. Je me su^s fait inscrire à mon nom à la diligence , et
Borel sous celui de Teyssier, qu'il porte quelquefois. Nous sommes
«rrivés à Paris sur les cinq heures et demie , six heures du matin , le
vendredi 16. Borel vk. quitté la voiture à la barrière, et moi je suis
allé, en quittant le Plat-d'Etain, voir mon frère à sa boutique, rue
Saint- Denis, près du passage Saucède, chez le sieuv Lormeau^ iayetier.
D, Etes-vous bien sûr des dates que vous indiquez?
R, Oui, Monsieur, et les registres des diligences le prouveront
DE RACARIE. 149
suffisamment. «Tai même tout à Theure été conduit par votre ordre
au Plat-d'Etain , où le commissaire de police a constaté ces dates
précises.
D. N'est-ce pas vous qui aviez fait venir Borel à Ham , pour y
travailler?
R. Non, Monsieur; c est Bernard qui lui avait écrit.
D. Savez-vous pourquoi Borel portait le nom dé Teyssier?
R. Non, Monsieur, je ne ie sais pas.
Z). Depuis combien de temps connaissiez-vous Borel?
/{. II y a plusieurs années; j'ai travaillé avec lui dans les ateliers.
D. Borel ne vous a-t-il pas parlé de Darmès et de Valentin
Duclos ?
R. Jamais Boj^el n'a prononcé ces noms devant moi.
D. Avez-vous déjà été arrêté ?
R, Oui , Monsieur, il y a deux ou trois ans , à i occasion de la sortie
de Paris des frères Chaveau.
D. Par qui avez-vous appris, le jour de votre arrivée, l'attentat
commis sur ia personne du Roi?
R. Je ne l'ai su que deux jours après mon arrivée à Paris , parce
que, ie premier jour, j'étais fatigué, et que je suis resté couché une
grande partie de la journée.
9' interrogatoire subi par Racarie, le 17 décembre 1840, devant M. Zangiacomi,
Juge d'instruction délègue'.
D. Vous m'avez écrit pour ajouter quelque chose à vos déclarations
précédentes. Je vous invite à faire connaître exactement à quelle
époque et dans quelles circonstances vous avez connu le nommé
Borel et vous vous êtes lié avec lui.
/{. U y a trois ans environ que je connais le nommé Borel. Je fis
ij* '■
1^0 INTERROGATOIRES
sa connaissance en travaillant avec fui chez le sieur Pawels, à la
barrière Poissonnière; mais je suis resté sans le voir depuis Cette
époque. Je lai rencontré dans le temps des coalitions ; il me dit qu'il
était sans ouvrage. J avais écrit à Ham , au sieur Bernard, pour en
avoir, et je partis quelques jours après. Comme il m'avait demandé si
je pouvais lui procurer de Touvrage dans cet endroit , je priai le sieur
Bernard de l'employer, et, quelques jours après, celui-ci lui écrivit
de venir. . ,
D. Borel vous avait certainement dit pour quel motif il quittait
Paris?
B. Non, Monsieur; et je ne savais pas qu'il fût poursuivi par la
police.
D, Vous étiez certainement trop lié avec Borel, et vous avez vécu
avec lui dans une trop grande intimité à Ham, dans vos voyages et à
Boulogne, pour ne pas avoir appris de iui ia circonstance des pour-
suites dont il était l'objet.
B. Il ne ma pas dit ce qu'il avait fait ni s'il était poursuivi.
D, II paraît que vous-même vous n avez quitté Paris qu'à raison
de l'inquiétude que vous donnait votre conduite dans les affîûres de
coalitions d'ouvriers?
B. J'étais malade à cette époque ; je sortais de Fhospice du Midi
seulement depuis quatre ou cinq jours.
D. A Ham, vous étiez connu sous le nom de la Bépubli^pAe.
/?. Il y a huit ou dix ans que l'on m'appelle ainsi, parce que je
portais dans ces temps une petite casquette rouge.
D. L'instruction constate, au contraire, que cette qualification ne
vous était donnée qu'à raison de l'exaltation de vos opinions politiques,
et les magistrats délégués par la Cour des Pairs ont constaté les odieux
propos que vous aviez tenus dans ce sens à Ham.
B. Je n'y ai pas tenu de propos politiques. Je ne m'occupe jamab
de politique.
D. Qu'étiez-vous allé faire à Boulogne avec le nommé Borel?
B, Nous n'étions allés à Boulogne , en revenant de Douai , qu'avec
DE RACARIE. 151
riutention de gagner le Havre par mer. Borel, qui y avait des con-
naissances, espérait y trouver de Fouvrage; mais le besoin d'argent
nous fit revenir à Paris. A Boulogne , j ai fait des démarches pour me
procurer de l'ouvrage.
^^ *
D. L'instruction a, au contraire, constaté que vous n aviez fait
aucune démarche pour travailler. * .
R, J'affirme que je me suis présenté dans une fabrique de toile
pour les navires.
D. Vous étes-vous occupé de trouver de l'ouvrage à Borel?
R. Je ne me suis pas occupé de Borel.
D. Cet individu vous a-t-il dit qui il connaissait au Havre?
R. Non, Monsieur.
D. A Boulogne, n'avez-vous pas reçu un avis quelconque pour
vous rendre à Paris?
R. Non, Monsieur.
D. Et Borel?
R. Je suis sûr que devant moi il n'a rien reçu.
D. Vous êtes parti de Boulogne le mardi î 3 octobre ; vous êtes
arrivé le jeudi 15 , dans la soirée, à Beau vais, qui est à trente-six
lieues de Boulogne; vous avez fait ce long trajet à pied; quel intérêt
si pressant aviez-vous à faire aussi rapidement une si longue traite ?
R, C'est parce que nous étions à court d'argent.
R. Si vous étiez si gênés, comment avez- vous pu prendre la voi-
ture à Beauvais ?
R. H nous restait quelque argent, et encore ai-je été obligé
de laisser mon parapluie en nantissement.
D. Quel a été, depuis Ham jusqu'à Boulogne, f itinéraire de votre
voyage ?
R. De Ham , nous sommes allés coucher dans un village dont je
ne me rappelle plus le nom ; le lendemain nous avons gagné Arras,
où nous avons logé en face l'atelier du sieur Alaite : c'était un di-
1 52 INTERROGATOIRES
manche. Le lundi, je suis allé chez le sieur Alaite. D'Arras, nous
sommes allés à Douai, où nous avons couché dans une auberge por-
tant pour enseigne : Au nouveau rivage, \je mattre de cet établisse-
ment nous a conduits lui-même le lendemain chez divers tôliers^ pour
avoir de louvrage , et de là à la fonderie royale , où j ai parlé au ca-
pitaine d'artillerie. De là nous sommes ailés à Saint-Omer, puis à
Ecueil, situé à six lieues de Boulogne, et enfin dans cette dernière
ville.
D. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit , que vous avez dû
avoir avec Borel des rapports politiques qu'il est aujourd'hui pour
vous d une extrême importance de faire connaître. Divers renseigne-
ments révèlent d'ailleurs que vous appartenez comme lui à la société
dès Communistes, et ce que l'on sait de vos antécédents et de vos
principes politiques autorise suffisamment cette présomption.
R. Borel ne m'a rien dit ; mais, en admettant qu'il m'eût dit ce qu'il
y a de pis au monde, cela ne veut pas dire que je sois coupable.
D, Evidemment Borel vous a fait quelques confidences sur le
nommé Darmès et sur le nommé Duc/os.
R. Il ne m'a point parlé de ces individus.
D. Outre la condamnation que vous avez subie en 1838, n'avez-
vous pas été condamné, à Ham, à trois jours de prison, pour tapage?
R. Oui , Monsieur, pour avoir fait du bruit dans une église /il y
a de cela quatre ou cinq ans.
3' interrogatoire, subi par Racarie, ie 9 février 1841 , devant M. le Chancelier
de France, Président de la Cour des Pairs.
D, Vous faites partie de la société des Communistes?
R. Non , Monsieur.
D. Non seulement vous en faites partie, mais vous y avez un
grade,
R. Je fignore absolument; de mon côté, je vous promets que je
n'en ai pas tait partie.
DE RACARIE. 153
D. C'est parce que vous &îsiez partie de la société, ainsi que
Borel, que vous l'avez fait venir à Ham, sachant qu'il se. trouvait à
Paris dans une position fâcheuse.
R, Je vous promets que ce n'est pas dans une vue d'association
que je lui ai procuré de fouvrage chez M. Bernard, à Ham , où
j'étais embauché moi-même; c'était uniquement dans la pensée de fui
rendre service; ce n'est même pas moi, c'est M. Bernard qui lui a
écrit de venir à Ham.'
D. Vous avez tenu à Ham , pendant que vous y étiez , les propos
les plus odieux : vous -avez dit notamment qu'il fallait descendre
Louis-Philippe ; il y a sur ce fait des témoignages positifs.
R. Jamais je n'ai tenu de semblables propos. Pour s'occuper de
politique, il ne faut pas avoir le travail en tête, et vous pouvez de-
mander chez tous ies maîtres où j'ai travaillé si je n'étais pas unique-
ment occupé de mon travail.
D. Si 9 comme vous le dites, vous ne vous occupez pas de poli-
tique, comment se fait-il que vous fussiez connu parmi les ouvriers
sous le nom de Révolution?
R. Je n'étais pas connu sous le nom de Révolution; mais sous
celui de République. Ce nom-là m'avait été donné il y a huit ans,
dans l'atelier où j'étais en apprentissage, parce que, dans ce temps-là,
je portais une casquette rouge, et ïe nom m'en est resté; cela ne
tenait pas du tout à l'opinion : et, la preuve, c'est qu'il n'y a que
les anciens ouvriers qui m'ont connu autrefois , qui m'appellent de
ce nom-là.
D, Vous êtes si bien de la société des Communistes que je vais
vous représenter un règlement de cette société qui est écrit en entier
de votre main.
Représentation faite d'un écrit commençant par ces mots : Citoyens,
Jusqu'ici la règle de nos devoirs. . . et finissant par ceux-ci : par
ceux qui, à l'avenir, seront affiliés. Le prévenu dit : Je puis vous
assurer^que ce n'est pas mon écriture
D, Cette pièce a été comparée à d'autres pièces écrites par vous
Interrogatoires. 90
154 INTERROGATOIRES
et le& experts n'ont pas eu le plus petit doute sur rideutité des deux
écritures ?
R. Je ne sais pas cela.
D, Savez-vous où cette pièce a été saisie ?
R, Non , Monsieur.
D, Elle a été saisie chez Darmès, qui était comme vous de fa
société dont cette pièce contient le règlement ?
R. Je n'ai aucune connaissance de cela.
DE BOUGE. ISfi
INTERROGATOIRES DE BOUGE.
Bouge dit\e Gros- Joseph (Joseph-Bominique), âge de 41 ans,
ouvrier ^mécafiicièfi , fié à Maubeuge (Not'd), demeurant à Pa-
ris, rue du Roi-de-Sicile, n"" iâ,
f interrogatoire subi, le 39 janvier 1841, devant M. Zangiacomi , Jugfè d'instruction
de'ie'gue', et confrontation de cet inculpe avec Pinculpe Borel.
• D. Depuis combien de temps habitez-vous ce domicile ?
R, Depuis le 8 de ce mois.
D. Où habitiez-vous auparavant?
R, Je demeurais rue du Faubourg-Saint-Martin, n* 2 5.
D. A quel étage?
R. Au troisième.
D. Pendant que vous habitiez rue du Faubourg-Saint-Martin,
n avez-vous pas travaillé pour le chemin de fer de la rive gauche de
ia Seine?
R, Oui, Monsieur; il y a trois mois environ.
D. N avez-vous pas cherché à y prot^urèr de fourrage à un cer-
tain mécanicien?
R, Oui, Monsieur. Un jour, il y a trois mois à peu près, jai ren-
contré dans la rue du Faubourg-Saint-Martin un mécanicien dont je
ne sais ni le nom ni l'adresse, qui m entendit dire à quelqu'un avec
qui je causais que jetais mécanicien ,'* que je travaillais à la rive
gauche, mais que je n'y retournerais pas parce que c'était trop
loin. Alors il me proposa de lui procurer ma place et nous sommes
allés ensemble aux ateliel's de la rive gauche, mais il rfy a point été
admis.
so.
156 INTERROGATOIRES
D. duel est le signalement de cet individu ?
R. II ma fait l'eflfet d être plus grand que moi et d!étre un peu
voûté; il est pâle de figure ; il n'est pas gras; je ne me rappelle pas bien
son vêtement.
Et aussitôt nous avons fait avancer devant nous le nommé Borel
et lavons mis en présence du nommé Bouge, qui a dit :
Je ne reconnais pas bien ce monsieur; il navait pas de barbe
comme aujourd'hui; néanmoins je ne dis pas que ce n'est pas lui;
c'est bien un homme de cette taifle-fà.
Ayant tait i*etirer le nommé Borel nous avons continué d'interroger
rinculpé Bouge comme suit :
D. Rappelez-vous mieux dans quelle circonstance vous avez vu
l'individu qui vient de vous être représenté.
R, Comme je vous Fai dit , c'est dans la rue.
D. L'instruction a établi que vous aviez vu la personne que je
viens de mettre en votre présence chez le nommé Pertes dit Cham-
pagne, qui demeui*e rue du Faubourg-Saint-Martin ^ 83.
R. Je ne connais pas Périès dit Champagne.
D. Pourtant vous êtes ailé chez cet individu, que vous savez fort
bien être apprêteur de chapeaux.
A. Je ne connais pas cet homme.
D. Vous avez fait chez cet homme des expériences de poudre non
détonnante?
/?. Je ne connais pas la chimie.
Z). Il n'est pas nécessaire de conuaitre cette science pour les ex-
périences qui ont été faites en votre présence chez Champagne , et
qui consistaient à mélanger de lalun avec de (a poudre ordinaire?
A. Je ne sais pas ce dont on veut me parler.
D. Remarquez bien quVn niant des faits qui sont aussi positive-
ment acquis et prouves, vous donnez a penser que ces expériences
avaient un but que vous avez intérêt à cacher à la pstice. Je vous
invite donc à réfléchir à ce qui vous est dit , a la certitude où vous
DE BOUGE. 157
devez être que I on a la preuve de ce qui s'est passé entre vous, Borel
et Pertes, et à abandonner un système de dénégations qui peut faire
suspecter si gravement vos actes?
R. Je ne connais pas tout cela , je n ai pas fait d'expériences.
D. Vous aviez, à cette époque, en votre possession un fusii-canne,
avec lequel ces expériences ont été faites, et vous savez parfaitement
que cette arme a été chargée avec une tête de vis et que la poudre a été
reconnue de peu de portée?
R. Je ne sais pas ce que cefa veut dire.
D. Qu'est devenue cette canne ?
R. Je n'en ai pas à moi ; j en ai eu comme d'autres entre les mains
parce que, avant juillet et depuis , j'ai travaillé dans cette partie.
D. Pour qui avez-vous fait des cannes-fusils?
R, En dernier lieu, et depuis juillet 1 8 3 o , j'ai travaillé chez le sieur
Lacassagne, qui demeurait autrefois rue du Faubourg-Montmartre,
n"" 5 bis ; nous y faisions des fusils-cannes.
D. Ceci explique que vous ayez pu avoir entre les mains une arme
de cette nature, et confirme d'autant plus les déclarations qui vous
sont faites.
R. J'aurais une canne que je ne m'en cacherais pas. On peut bien
avoir une arme chez soi.
D, Voici deux tubes qui ont été ce matin saisis chez vous et qui
sont chacun revêtus d'une culasse et percés d'une lumière : ces deux
tubes sont, sans doute, les fragments de la canne-fusil que vous avez
portée chez Pertes, et qui a servi aux expériences?
R. Ces deux tubes n'ont jamais été liés entre eux; ce sont deux
bouts de ferraille.
D. Dans l'état où ils sont, et tels que vous les avez façonnés, ils for-
ment deux petits canons; quelle devait en être la destination?
R. J'ai été volé il y a quatre ans , et j'avais eu l'idée d'adapter a
ma serrure ces deux canons ou de les faire correspondre à.ma serrure
1 58 INTERROGATOIRES
par un moyen mécanique de manière qu'ils pussent blesser cenx qui
entreraient dans ma chambre.
D. Où demeuriez-vous quand vous avez été volé?
R, Rue de Montmorency, n** 4 5.
D, Ayant changé de domicile vous ne pouviez pas naturellement
ptMîser que vous seriez l'objet d'une seconde soustraction.
R, Cela aurait pu arriver encore.
/J. Où sont les antres pièces de la batterie?.
R, Elle n'était pas encore fiiite; d'ailleurs j'ai réfléchi que je pour-
rais me frapper moi-même, et j'ai laissé cela là.
D, Avez-vous parlé à quelqu'un de ce projet?
R, Oui, Monsieur.
D. A qui ?
R, Quand j*ai été volé, il y a 4 ans, j'ai dit dans les ateliers que
je ferais une mécanique quelconque pour tâcher de tuer lés volçurs
s'il en venait encore chez moi , mais je ne l'avais pas encore faite.
D. Quand avez-vous fait ces deux tubes ?
R. Il y a deux ou trois ans que j'ai fait ces deux canons.
D. Je vous fais observer que le travail en serait rouiitë s'il y
avait deux ou trois ans qu'ils étaient faits.
R, Je les ai gardés dans une commode.
D, Uun est terminé et lautre ne l'est pas, ce qui anoon^ que
vous vous en occupiez actuellement?
R, Je les avais laissés là.
D. Où avez-vous acheté ces tubes?
/î. Rue de Lappe , chez un ferrailleur dont je ne sais ni le nom
ni l'adresse.
D, Je dois vous faire remarquer que la présence à votre domi-
cile de ces deux armes suspectes, rapprochée des expériences de
poudre que vous avez faites et que tous déniez, rapprochée sur*
DE BOUGE. 159
tout de vos rapports avec Borel et Pertes dit Champagne, que
vous prétendez ne pas connaître, autorisent contre vous de très-
graves soupçons dans les faits imputés à ces deux individus. C'était
dans la vue d'un attentat contre la personne du Roi que vous ave^
fabriqué ces canons?
R. li iaut que quelqu'un m'en veuiiie pour avoir dît cefa.
D. On a saisi chez vous les livres que je vous représenté?
R. Oui , Monsieur.
D. Le Voyage en l carie , écrit communiste, révèle suffisamment
la nature de vos opinions.
R, Je l'ai acheté sans le connaître, et par occasion, chez un
marchand de vins.
D, Voici aussi un iivre intitulé : Chansons républicaines; de qui
tenez-vous ce livre?
R. Je Tai trouvé dans la rue.
D. Quel est cette lettre signée Elisa Beaumonê, que je trouve
parmi vos livres?
R. Je l'ai trouvée dans la rue : elle e^ en anglais , et je o ai pas
pu la lire ; d'ailleurs , elle ne m'est pas adressée.
D, D où connaissez-vous le nommé Couriait?
R. Je ne le connais pas.
D. Vous êtes signalé comme étant en rapport avec ce nommé
Courtait, comme membre des Sociétés sea^èies, avec Périès dit
Champagne , i'un des chefs communistes, et comme étant affilié
vous-même à cette association?
R, Je ne fais point partie des sociétés.
D. Chez qui travaillez-vous actuellement?
R. Chez le sieur Durand, et j'y travaille depuis deux ou tr'Ms
mois environ.
Ici nous avons fait ramener dans notre cabinet le nommé Borel ,
et nous lui avons demandé dans quelles circonstances ii avait connu
/
160 INTERROGATOIRES
le noninié Bouge, que nous fui mettions en sa présence. Le notBmë
Bord a dit :
Je ne sais pas le nom de cet individu ; je sais seulement qu'il est
mécanicien et que je l'ai vu chez Pertes dit Champagne , comme je
vous l ai dit. C'est celui-ci qui le connaît. Monsieur n'a pas cherché à
me faire du mal, puisqu'il a voulu me procurer de l'ouvrageau chemin
de fer de la rive gauche.
Le nommé Bouge persiste à dire qu'il ne reconnaît pas la personne
que nous mettons en sa présence.
i« interrogatoire subi par Bouge, le 19 février 1841, devant M. ZAngiacomi,
Juge d'instruction délègue'.
D, Pouvez-vous indiquer précisément fendroit que vous habitiez
lorsque vous fûtes, comme vous le prétendez, victime d^une sous-
traction frauduleuse?
R. C'est, comme je vous l'ai dit, rue de Montmorency. Je me
rappelle maintenant que c'est n"* 4 5 .
D. Où demeuriez-vous lorsque vous avez confectionné les batte-
ries des canons saisis chez vous?
R, Je demeurais rue de Montmorency : il y a deux ans que j'ai
quitté cet endroit.
D, Je dois vous faire connaître qu'il a été déclaré, par un homme
de l'art , que le travail de ces batteries était tout récent.
R. Cela est resté propi'e , mais n'est pas récent.
D, C'est, au contraire, à une époque très-rapprochée que vous avez
fait ce travail?
R. Primitivement, j'avais, comme je vous l'ai dit, eu Fidée de
faire une batterie pour les voleurs ; mais j'avais renoncé à cette idée^
là , de peur de me frapper moi-même.
Depuis, j'ai en la pensée de faire une batterie pour tirer les
D£ BOUGE. 161
corbeaux dans les neiges; mais jai eu une autre inquiétude, cest
qu on crût que je faisais une machine infernale, et que Ton me
prît pour cela : cest pour cette raison que je n ai pas voulu con-
tinuer.
D. De combien de canons se serait composée cette machine?
R, Des deux seulement que l'on ma saisis.
D. Combien aviez-vous de cheminées pour les batteries?
A. Je n'en avais qu'une, puisqu'une seule est placée.
D. Pourtant on en a encore trouvé hier deux autres dans votre
appartement.
R, Cela ne dit rien.
D. Cela dit au contraire qu'il devait y avoir au moins trois ca-
nons , puisque l'un des canons en est déjà pourvu d'une , et que deux
autres étaient encore chez vous.
Et aussitôt nous avons levé le scellé apposé sur un paquet dé-
signé comme contenant des objets saisis, le 1 1 courant, au domicile
du nommé Boiige.
Il a reconnu que tes cheminées qui sy trouvaient lui apparte-
naient, et il a prétendu que l'une d'elles ne valait rien, et qu'il aurait
mis celle qui eût été bonne^
D. Voici treize balles de petit calibre que Ton a saisies chez vous;
à quoi les destiniez -vous?
R, C'était pour fondre ; elles proviennent d'une vieille draperie
de lit.
D, N'était-ce pas plutôt pour charger votre canne-fusil ?
R. Je n'avais pas de canne-fusil.
D. Périès et Borel déclarent positivement que c'est vous qui aviez
apporté la canne-fusil qui a servi à l'expérience de la poudre de
Borel?
R. Que voulez-vous que je fasse, si ces honunes ont intérêt à me
perdre ?
Intbrrogatoirbb. ti
lOî INTERROGATOIRES
D. n parait que cest vous qui avez intérêt à dissimuler la vérité,
car vous êtes en désaccord formel avec eux.
R. Je ne sais pas ce qu'ils veulent me dire.
D, Ainsi vous niez toujours connaître Périès dit Champagne?
^R. Je ne connais pas.
DE ROBERT. * 1«3
INTERROGATOIRES DE ROBERT.
Robert ( Jean ) , âgé de 32 ans, teinturier, né à Maison-Réale
, ( Basses- Alpes ), demeurant à Paris, rue des Cinq-Diamants ,
n'9.
V^ inlerrogatoirc subi le S 4 décembre t840, devant M. ZaogÎAComi,
Juge d'instractioD délègue'.
DT Depuis combien de temps êtes-vous à Paris ?
R, II y a huit ans. J'hnbitais, avant d'y venir, mon pays natal, où
jetais instituteur pendant l'hiver. Lorsque j'arrivai à Paris, je m'y
établis teinturier-dégraisseur, rue du Faubourg-Poissonnière, n* 68.
N ayant pas réussi, je vendis mon fonds à un nommé Dutertre, qui
a fait de mauvaises affaires, et depuis trois ans je suis ouvrier chez
des teinturiers-dégraisseurs. Je travaille en ce moment chez la dame
Médal, rue du Faubourg-Saint-Martin, n* 3 5.
D. D'où connaissez-vous le nommé Considère?
R. Je ne le connais pas.
D. Cependant vous avez été vu chez cet individu , à Montmartre ?
R. Je réponds que je n'y suis pas allé, puisque je ne le connais
pas.
D, Vous y avez été vu avec le nommé Darmès?
R, La première fois que j'ai connu son nom , c'est sur le Siècle,
après l'attentat.
D. Vous connaissez le nommé Simard?
R. Oui, Monsieur.
D. Où i'avez-vous vu?
R. Je le connais par sa femuie.
«1.
164 INTERROGATOIRES
D. Je vous demande où vous lavez vu?
R. Je ne me le rappelle pas; mais je le connais particulièrement,
puisque je suis le parrain de son (ils.
D, Ainsi cet homme ne peut se méprendre sur votre identité, et il
vous connaît de son côté; il ne saurait vous prendre pour un autre.
R. Oui, Monsieur, il me connaît bien.
D. Sùnard Aéçhse vous avoir vu chez Considère, à Montmartre.
R. Je n'y ai jamais été, je ne le connais pas.
D. Pourquoi, à une époque récente, avez-vous cherché à vous
procurer des caractères d'imprimerie?
R. Je n ai pas cherché à m en procurer.
D. A cette époque, vous avez dit que vous étiez engagé dans une
affaire grave et que vous jouiez votre tête ?
R. Je n'ai jamais parlé de cela.
D. Vous avez également dit que vous vouliez faire confectionner
des fusils-cannes, pour atteuter à la vie du Roi?
R. Je n'ai jamais parié de cela.
£). Vous avez été vu souvent chez le sieur Boutteville, aux TiK)is-
Couronnes; qu'alliez- vous faire dans cet endroit?
R. Je n'y ai jamais été.
D. Vous êtes signalé comme l'un des m)embres les plus ardents de
la société des Communistes ou travailleurs ; vous avez eu des rapports
avec Darmès ; vous venez de nier tout à l'heure des faits qui sont
acquis à ia procédure , et ces dénégations mensongères prouvent que
vous n'êtes point sans intérêt dans cette affaire. Votre conduite sera
examinée sous ce rapport par la justice.
Pas de réponse.
Liecture faite a persisté , et n'a voulu signer; et , avant qu'il ne sortît ,
nous avons fait entrer le nommé Simard, et nous lui avons dit : Re-
connaissez-vous le nommé Robert, ici présent?
R. Oui, Monsieur; c'est le teinturier-dégraisseur dont je vous ai
DE ROBERT. 165
parle. Je suis allé avec lui deux fois chez Considère; nous y avons vu
Darmès, comme je vous i ai dit. Robert a engagé avec ce dernier ia
conversation sur 1 abolition de Targent. Je me rappelle que ce jour-là
se trouvaient, avec Darmès, le cocher de cabriolets que je vous ai
signalé et un petit jeune homme de vingt à vingt-deux ans ou vingt-
trois ans, bien hal^illé, ayant un paletot et un gilet rouge. Darmès ,
qui était avec ces deux pei*sonnes, parla plus, ainsi que les deux autres,
avec Robert qu'avec moi. Darmès lui dit : Vous êtes bien plus avancé
en raisonnement que nous autres et vous devez avoir des livres qui
traitent de ces matières. Cest alors que j'offris: Ni Châteaux ni
Chaumières, et c'est ainsi que Darmès a été amené à venir à ia
maison.
D. La conversation n a-t-elle pas porté sur une autre question
que sur celle de l'abolition de l'argent?
à
R. Je vous promets que je ne m'en rappelle pas un seul root.
D. La question d'abolissement de l'argent entre pour fort peu
de choses dans l'écrit : Ni châteaux ni chaumières; et, pour être
conduit à offrir cet ouvrage, que vous aviez lu, il fallait qu'il fût
question dans cet entretien d'une autre matière. N'était-ce pas la
communauté des biens?
R. C'était bien toujours sur ia communauté, mais je ne me
rappelle pas ce que l'on en a dit.
D. Depuis, vous avez \u Robert chez Considère?
S. J'y suis retourné une fois avec lui, mais Darmès n'y était pas.
D. Qu'y avcz-vous fait cette seconde fois?
R. Nous n'avons fait qu y boire. Je crois que Considère n'y était
pas. La première fois, Robert ne m'a pas paru avoir de conversation
avec Considère, je crois qu'il lui a seulement dit bonjour.
D. Et vous ne savez pas s'il le connaissait?
R. Non, Monsieur.
D. Vous avez été fort lié avec Robert, et vous avez dû savoir
quelque chose des mauvais projets qu'il a pu nourrir contre la per-
sonne du Roi ?
IM INTERROGATOIRES
^ R. Je vais vous dire la vérité .... On me sait indiscret , on smi
que je bois quelquefois, et qu'alorst je parle^trop; dé sorte que,
si on avait eu quelque chose en train , on ne me l'aurait pas dit.
D. Vous supposez donc que Robert aurait pu être pour quelque
chose dans certains projets plus ou moins graves ?
R. Je ne sais pas si Robert fait partie de sociétés secrètes ; mais
je sais qu'il est communiste; je sais aussi qu'il est bavard, et |*ai
souvent entendu des hommes lui en faire le reproche.
Nous avons fait extraire le nommé Duclos, et l'avons mis en présence
du nommé Simard, qui a dit : C'est bien là la figure du cocher de
cabriolet qui était avec- Darmès; seulement cet homme n'était pas
habillé comme aujourd'hui : il avait une blouse ^t une casquette;
je remarque aussi que ses cheveux étaient moins longs.
Duclos dit ne pas connaître le nommé Simard.
Représentation faîte du nommé Racarie, le nommé Simard dit
ne pas le reconnaître pour le jeune homme de vingt à vingt-deux
ou vingt-trois ans , vêtu d'un paletot et d'un gilet rouge , qui se trou-
vait avec Darmès et le cocher.
D. Je reviens encore à ce que je vous ai dit sur les sociétés
secrètes, dont on vous inculpe si sérieusement de faire partie; et ce
qui le prouve, c'est que vous avez récemment annoncé qu'elles allaient
se centraliser, et qu'avant trois mois le Gouvernement serait renversé?
R. Je vous jure que je n'ai pas parlé de cela, et que je ne sais rien
sur les sociétés secrètes.
%^ interrogatoire subi par Robert, le 94 décembre 1840» devant M. ZaainaoMni ,
|uge d'instruction délègue, et confrontation de cet inculpe avec le témoin Pagard,
«
Et aussitôt nous l'avons mis en présence du nommé Fagard, et
avons demandé à ce dernier s'il le reconnaissait pour l'individu cm'il
avait vu avec Darmès au moment de son attentat, il a répondu né-
gativement.
Lecture faite , le nommé Fagard a seul signé avec nous et le
greffier, Robert ne le voulant.
DE ROBERT. 167
3' interrogatoire subi par Robert y le 19 février 1841 , devant M. Zangiacoroi , juge
d'instruction dele'gue' , et confrontation de cet inculpe' avec le témoin Simard et
l'inculpe Darmès,
Nous avons fait amener devant nous , étant à la Conciergerie avec
le comparant, le nommé Robert, et nous avons interpellé le sieur
Simard de nous déclarer sil reconnaissait l'individu ici présent pour
setre trouvé avec lui et Darmès chez Considère.
9
Simard répond affirmativement.
Robert dit alors : Je me suis en effet rappelé depuis mon interro-
gatoire avoir été deux fois à Montmartre vers ie printemps dernier.
D. A Robert: N'y avez-vous pas eu, avec certains individus, une
conversation sur la communauté et sur Fabolition de Fargent ?
R, J ai parié philosophiquement du Voyage en Icarie.
/
D. Toujours au même : Et vous ne vous rappelez pas les personnes
avec qui vous étiez?
R. Non , Monsieur ; je ne connaissais pas les autres.
D. N'a-t-il pas été question de l'ouvrage intitulé : Ni Châteaux ni
Chaumières ?
R, Je ne pense pas en avoir parlé.
D. N avez-vous pas revu depuis ces personnes-là?
R. Non , Monsieur; je ne me le rappelle pas.
Lecture faite , chacun a persisté en ce qui le concerne et a signé.
Et, le même jour, nous avons fait entrer le nommé Darmès, Si-
mard s'étant retiré; et l'avons mis en présence du nommé Ro-
bert, et avons demandé à ce dernier s'il le reconnaissait. H a dit
ne pas ie reconnaître, ajoutant: et Je ne dis pas que cet homme ne
ctfût pas chez Considère quand j'y ai été, mais je ne le reconnais pas>>.
Darmès, de son côté, dit ne pas reconnaître le nonuné Robert.
1^8 INTERROGATOIRE
INTERROGATOIRE DE GUERET.
GuÉRET (Louis-Georges), âgé de 25 ans, né à BclIe-IsIc-en-Mer,
ébéniste, demeurant à Paris, rue Saint-Gervais , rC i^.
Interrogatoire subi, le 19 janvier 1841, devant M. Zangiacomi , Jage «Tinstruction
de'Iegue'.
D. Vous êtes connu sous le nom du GrandrLouis?
R. Je n'ai pas de sobriquet.
D. D'où connaissez-vous le nommé Borel?
R. Je ne le connais pas.
D. Et le nommé Périès dit Champagne ?
R. Je ne le connais pas.
D. Et le nommé Rosier ?
R. Je ne le connais pas.
D. Ces hommes appartiennent comme vous au comité directeur de
la société des Communistes, à laquelle vous êtes inculpé d'être affi-
lié, et dans laquelle vous avez même le grade d agent révolution-
naire?
R. C'est faux.
D. En cette dernière qualité., vous avez connu le nommé Dar*
mes 7
R. Non, Monsieur.
D. H y a plus , vous connaissiez même le projet qu'il avait d'atten-
ter aux jours du Roi ?
R. C'est également faux.
DE GUËRET. 160
D, Vous fré(|uentiez rétablissement du nommé Considère, à
Montmartre?
R, Je ny^uîs jamais allé une seule fois, et je défie qu'on puisse
me le prouver.
, D. Vous avez assisté au banquet de Befleville?
R, Je n ai assisté qua celui où MM. Lafitte et Arago se sont trou-
vés; cest le premier qui s est donné.
D. Votre participation dans la société des Communistes, avant les
coalitions d ouvriers; votre conduite dans ces affaires; le rôle que
vous avez joué lors de lattaque du poste Mauconseil; les menées aux-
quelles vous vous êtes livré depuis votre sortie de prison, en octobre
dernier; l'organisation que vous avez depuis lors donnée à fa société
des Communistes; le grade que vous y occupez , et vos rapports pré-
sumés avec Daîvnès, communiste comme vous, donnent lieu aux
poursuites nouvelles dont vous êtes l'objet, tant pour complicité avec
cet individu que pOur affiliation à une association illicite.
R, Je nie faire partie d'aucune association : je me suis trouvé à un
banquet ; j'ai signé la pétition de la réforme électorale ,* mais je me
suis toujours tenu dans la légalité.
Nous mentionnons ici que l'inculpé avait d'abord répondu aflSrma-
tivement à la question que nous lui avions faite s'il était connu sous'
le nom de Grand-Louis, et que c'est lors de la lecture du présent
interrogatoire qu'il a demandé à rectifier cette première décla-
ration.
Lecture faite , a refusé de signer.
Intberogatoubi. 99
t7<» INTERROGATOIRES
INTERROGATOIRES DE BELLEGUÏSE.
Belleguise (Etienne-Alexandre), âgé de 50 ans, né à Sainte-
Marguerite - de - l'Hôtel , canton de Breteuil (Eure), charron,
demeurant à Paris , rue de la Tour^ Auvergne ,fC 3^
f înterrogatoire subi, le SO janvier 1841, devant M. Zangiacomi, JugecPinstructios
délégué.
. D. Depuis quand habitez-vous dans cette rue?
/2. Il y a deux ans que j y habite avec ma femme et mes deux filles
Jy ai pour 300 francs de loyer.
JD. Etes-vous établi comme charron ?
A. Non, Monsieur; je suis ouvrier, et depuis le 14 décembre je
travaillais aux ateliers de charronnage de la butte Saint-Chaumoat.
E^. Où travailliez-vous avant le 14 décembre?
R. Avant cela, et à partir du lo octobre, autant que je puis le
croire , j'avais entrepris la fourniture des brouettes pour les forts dé-
tachés; à partir de cette époque, j'ai travaillé chez Degré ^ rue de
Milan, n"" 2, à confectionner les brouettes; cW lui qui me fournis-
sait le bois et le chantier. J'ai livré successivement ces brouettes jus*
qu'au nombre de cent, et je dirigeais moi-même ces travaux. Je tra-
vaillais chez Degré, et avec un nommé Bourgouin.
D. Ainsi , à partir du 1 octobre , vous passiez vos journées chez
Degré , à confectionner ces brouettes?
R. Oui, Monsieur.
D. Cependant, le 15 octobre, dans f après-midi, entre cinx} et six
heures , vous n'étiez pas rue de Milan ?
DE BELLE6U1SE. 171
R. Cela est vrai; jetais ce jour-là auprès du cimetière de Montmar-
tre, dans le chantier que M. Degré possède en cet endroit.
D. Comment savez-vous prëcisëmeut que le 1 5 octobre vous étiez
dans cet endroit?
B. C'est que ce jour-là, comme les autres, je travaillais toujours
dans le chantier de M. Degré , extra mutos.
Z). Où îivez-vous appris iattentat commis sur la personne du
Roi ?
/?. Le lendemain même, chez un marchand de vin situé au bout
du chantier de M. Degré , et par le fils même, qui m'en a parlé.
D, Précisez davantage avec qui vous ti*availliez quand ce crime
a été commis ?
R, Avec le nommé Bourgouw , qui demeure rue Jessaint, à La
Chapelle; le deuxième était un sieur Joseph, charron, dont je ne
sais pas ia demeure; le troisième, un npmmé Tourangeau, charron,
qui travaille depuis huit jours à la butte Saint-Chaumont.
D. Le i 5 octobre, entre cinq et six heures, vous avez été vu sur
fa place de la Concorde ; qu'y faisiez-vous ?
R. Je vous promets, sur ma tête et sur mon existence, que je ny
étais pas.
D. Vous êtes signalé non-seulement comme vous étant trouvé
sur la place de la Concorde le 15 octobre, au moment où Darmès
a commis son crime, mais encore comme l'un des chefs de la société
communiste, à laquelle appartient cet individu?
R. Je suis blessé de ce que Ton peut me croire complice dToii
homme qui a attenté à la vie du Roi, car je crois que personne n'a
ie droit d'attenter à ia vie d'un autre individu, et je suis un homme
moral qui n'aime pas le sang. J'ai toujours protesté , et je protes-
terai toujours de ces principes ; je ne fais pas non plus partie des
sociétés secrètes.
D, Je vous fais observer que vous ne mettez pas ia même as-
surance à repousser cette imputation de faire partie des sodétës
secrètes ?
st.
172 INTERROGATOIRES
/?. Je n en suis pas plus que dans ces choses-îà.
D. Pourtant, on a trouvé chez vous tous les écrits qu'on rencontre
chez les hommes qui appartiennent à ces sociétés?
R, Je ne me rappelle pas de qui je tiens tous ces écrits, mais j'ai eu
TAlmanach populaire on Journal du Peuple; j'ai eu la Tribune du
Peuple , de PiHot.
D. Vous connaissiez* donc cet individu?
é *
R. Oui, Monsieur; je fréquentais son église quand il chantait la
messe.
D. Vous lavez revu depuis?
R. Oui, Monsieur, et je suis allé à son domicile pour chercher des
brochures.
D. Vous êtes aussi allé à son banquet?
R. Oui, Monsieur.
D. Qui vous avait donné un billet pour ce banquet ?
R. Cest un garde national que je ne connais pas.
D. En outre, on a trouvé chez vous , écrites de votre main, diverses
phrases que je vous représente, sur le principe de la communauté ?
R. C'est moi qui ai écrit cela, mais je l'ai copié sur un écrit que
j'ai trouvé.
D. Vous connaissez un nommé Lemprun ?
R. Je ne le connais qu'indirectement, pour l'avoir vu au banquet
de Belleville , où il recevait les billets : il y était en garde national:
D. Vous connaissez également le nommé Considère ?
R. J'ai vu son nom sur le joiunal, et parce qu'il a été arrêté avec
sa mère et sa femme.
D. Comment avez-vous si bien remarqué le fait de ces trois ar-
restations ?
R. Cela m'a frappé à cause de l'âge de sa mère
DE BELLEGUrSE. 173
D. II est à notre connaissance que vous êtes ailé chez Considère,
et que vous y avez tenu des propos sur un dépôt de fusils sur lequel
vous avez dit qu'on pourrait mettre la main ^ en cas d'insurrection ?
R. Je ne suis jamais hllé chez Considère et je ne sais pas de quoi
vous voulez parler.
D. Vous avez vu, chez Considère un nommé Borel, dont voiis
devez parfaitement vous souvenir ?
R, Je ne connais pas cet individu.
D, Pourtant il vous connaît parfaitement, car il sait très-bien votre
domicile et votre profession ?
R, Jamais je n'ai entendu parler de ce nom-là.
D, D'où connaissiez-vous Delignyl
R. Je ne le connais pas.
D. Vous niez tous les faits qui vous sont prouvés par l'information ,
et je vous engage à réfléchir davantage dans vos réponses?
R. Quand un homme dit la vérité, il ne peut pas réfléchir plus
longtemps.
D. Vous serez poursuivi tant ^ raison des présomptions de compli-
cité qui s'élèvent contre vous dans l'attentat de Darmès, que pour
votre affiliation déjà positivement établie dans la société des Com-
munistes?
R. Je n'ai rien à me reprocher. '
Lecture faite, l'inculpé a persisté et a signé avec nous et le greffier;
et, après avoir signé la première page, l'inculpé a dit qu'il craignait
d'approuver par sa signature les questions que nous lui avons adres-
sées, et qu'en conséquence il ne voulait pas signer davantage.
â' intcriogatoire subi par Belleguise, le S7 janvier t84t , devant M. le Chancelier de
France, Président de la Cour des Pairs, accompagne' de M. le baron Girod (de
TAiii) , Pair de France.
D. Vous savez qu'il résulte d'une déclaration formelle, que vous
faites partie de la société communiste ; que vous y avez même un grade
174 INTERROGATOIRES
assez élevé; que vous avez parlé d un dépôt d armes sur lequel ii serait
facHe^ en certains cas, de mettre la main; vous avez ajouté que ces
fusils n avaient pas de pierre. Vous étiez en relation avec Darmès; on
a trouvé chez vous des écrits qui prouvent votre aifîliation aux socié-
tés secrètes; vous êtes convenu vous-même que vous connaissiez P(^-
lot, {un des chefs de la société Communiste. Je vous fais observer
qu'en présence de tous ces faits , ii est impossible de ne pas croire
que vous jouez un rôle important dans ia société Communiste. Vos
dénégations à cet égard ne feraient qu'ajouter à votre culpabilité ?
R. Je défie qu'aucune personne puisse dire que j'aie été le moins
du monde dans ces. affaires-là. J'ai été amateur des idées comme les
autres; les journaux avaient tant parlé de tout cela. Que vous dirai-je,
moi? ce banquet, auquel j'ai assisté, on disait que M. Laffitie, que
d'autres Députés devaient y assister; j'ai voulu voir cela; mais quand
je suis entré, je n'ai vu que des officiers de la garde nationale; je n'y
connaissais personne.
D. II ne s'agit pas seulement du banquet de Belleville, il s'agit de
votre participation à l'attentat de Darmès et du rôle actif que vous
jouiez dans la société ?
R, Je suis innocent de ces affaires-là ; je ne me suis jamais mêlé
de choses pareilles.
D. Vous persistez à ne pas vouloir répondre autrement que vous
ne Favez fait jusqu'ici?
R. Je ne peux pas vous parler de choses auxquelles je n'entends
rien. J'ai vu qu'il était question des communistes dans le petit prospec-
tus qui a été saisi chez moi ; mais je ne connais pas leur objets
D. Vous êtes particulièrement signalé pour vous être trouvé le
15 octobre sur la place de la Concorde, attendant lel'ésultat de fat*
tentât de Darmès.
R, Je n'ai rien à répondre. Quand les choses ne sont pas à ma coo-
naissance, je n'ai rien à répondre. Le 15, jai travaillé à mes brouettes,
puisque je devais en livrer cent pour le 20 ; et même je n'ai pas pu les
livrer pour le 2o, elles ne loni été que le 25.
' D. On peut parfaitement travailler à des brouettes, et trouver une
heure pour assister à un mauvais coup.
DE BELLEGUISE. X76
R. Ce que je peux vous dire , c'est que je suis innocent de tout ce
que vous me dites là.
D. Non-seulement vous êtes de la société Communiste , et vous en
êtes l'un des chefs , mais vous faites plus particulièrement partie d'une
fraction de la société qui est plus prête à agir que fes autres.
R. Je n'ai rien à répondre , si ce n'est que cela n'est pas vrai.
Lecture faite, a déclaré qu'il ne pouvait signer une chose dans fa-
queHe on l'accusait de ce qu ii n'a pas (ait.
176 INTERROGATOIRES
INTERROGATOIRE DE MARTIN dit ALBERT.
Martin ( Albert-Alexandre) dit Albert, âgé de Zô ans, mécanicien,
ne àBury (Oise), demeurant à Paris, rue Vieille-du^-Temple^ rfISI.
f' interrogatoire subi, le 7 janvier 1841, devant M. Zangiaconii, Juge d'instruction
délègue'.
D. Vous reconnaissez les brochures que je vous représente pour
avoir été saisies cliez vous ?
R. Oui, Monsieur.
D, Que faites-vous d'un si grand nombre d'exemplaires des mêmes
imprimés?
R. Quand je trouvais a les placer, je le faisais, parce que j'étais
sans ouvrage.
D. D'où connaissez-vous le nommé Aimé Borel, mécanicien?
R. Je ne le connais pas.
D. Pourtant cet homme a couché chez vous?
R. Je ne le connais pas, ainsi il napas couché chez moi.
D. Vous connaissez cet individu sous plusieurs rapports, et sur-
tout pour appartenir comme vous aux communistes?
R. Je ne sais ce que vous voulez dire.
D. La preuve que vous appartenez à la société des Communistes
résulte, non-seulement des renseignements acquis par l'information,
mais même des écrits qui ont été saisis chez vous?
R. Ces écrits ne sont pas prohibés.
Lecture faite , n'a voulu signer.
DE MARTIN DIT ALBERT. 177
S* interrogatoire subi, par Martin , ie 9 feVrier 1841 , devant M. le Chancelier de
France, Pre'sident de la Cour des Pairs, et confrontation de cet inculpe' avec
l'inculpé Borel.
D. Persîstezrvous toujours à dire que vous ne connaissez pas
Borel?
fi. Je ne le connais pas, du moins sous ce nom-ià.
D. Je ne sais sous quel nom vous pouvez ie connaître , mais ii ne
parait pas qu'il se fasse appeler d'un autre nom que du nom de Borel.
Votre logeur déclare qu'il a vu souvent cet individu venir chez vous,
et qu'il lui a remis voire clef plusieurs fois , avec votre autorisation ,
pour qu'il put passer la nuit chez vous pendant que vous étiez chez
votre maîtresse?
R. Si je le voyais, il est possible que je le reconnaisse. Quelle
partie fait-il?
D. C'est un mécanicien comme vous. Au reste, si vous avez donné
asile à Borel c'est qu'il était comme vous de la société Communiste et
que vous saviez qu'if était fort compromis dans ce moment-ià?
R. Je ne sais pas si Borel fait partie de la société Communiste ;
mais, quant à moi, je n'en suis pas.
D. Vous connaissez aussi VcUentin Duclos, propriétaire de ca-
briolets?
R. Non, Monsieur, je ne le connais pas.
D. Vous le connaissez si bien que, depuis que vous êtes en prison,
sachant qu'il y était aussi , vous avez cherché à vous mettre en com-
munication avec lui , et vous lui avez crié, de manière à être entendu
par lui : Ils ne sauront rien, sois trofiguille / Val enfin Duclos^ de son
côté, a cherché à vous indiquer qu'il vous avait compris^ en frappant
deux ou trois fois du pied?
R. Il est bien vrai que j'ai cherché à causer avec un prisonnier
qui était à côté de moi; je ne savais pas que cela fut défendu, parce
que c'est la première fois que je suis en prison ; mais je n'ai rien dit
de ce que f on vous a rapporté.
Intbrrogatoirbs. ^3
178 INTERROGATOIRES
D. Vous prétendez que vous netes pas de la société Comiiiuuiste
et cependant vous avez , dans cette société le grade d agent révolu-
tionnaire ?
R. Je ne connais pas du tout ce titre-là.
D. Coiume Borel faisait partie de la société et qu'il y avait un
grade, cela explique votre liaison avec fui.
R. II est bien vrai que j*avais à la maison des ouvrages qui parlaient
de la communauté; mars on peut chercher à s'instruire sans; faire pour
cela pfàTtie de sociétés secrètes.
/>. Vous étiez donc chargé de la distribution des brochures du
sieur Cabet; car on en a trouvé chez vous un grand nombre d'exem-
plaires ?
R. Je n'étais pas chargé de les distribuer, mais j'en vendais quand
je trouvais l'occasion d'en vendre , parce que j'avais un bénéfice sur
la vente.
£t dç suite nous avons donné l'ordre d'dinaciçr devaul nous le
nommé Borel, que nous avons interpellé ainsi qu'il suit, en lui repré-
sentant le pirévenu Martin :
D. Connaissez-vous k personne ici présente?
R. Je ne la remets pas.
Le prévenu Martin dit , en désignant Borel : Je connais cette per-
sonne sous le nom d'Aimé.
A Borel:
D. Maintenant reconnaissez-vous la personne ici présente?
R. Maintenant, je h rocoAuais.
D. Vous aveg( été forcé de eoaveuir que vous aviez été cacU pen^
dant plusieurs jours dbiez cètto personne.
R. Je n'^is pas précisément caché.
D. Enfin, vous avez couché plusieurs fois chez Martin dit Albert?
R. Oui, Monsieur.
A Martin dit Albert :
D. Pourquoi vous êtes-vous obstiné tout à l'heure a nifK co fait!
DE MARTIN MT ALBERT. 179
fi. Parce que je ne ie connaissais pas sons le nom de Borel. II y a
des personnes qui me connaissent sous le nom S Albert, et qui ne
savent pas que je m'appelle Martin,
Borel dit : Moi , je ne le connaissais pas sous ie nom de Martin.
D. Vous deviez vous connaître d'autant plus l'un et f autre, que
vous faisiez tous deux partie de la société Communiste. Vous, Borel,
vous avez été obligé de convenir que vous étiez de la société et que
vous y occupiez un grade. Vous avez dû savoir que Martin dit Albert
était I un des chefs de la société auquel , dans certains cas, vous pouviez
être tenu d'obéir?
m
Borel dit : Cela, je l'ignore.
Martin dit ; Moi , je soutiens que je n ai pas fait partie de la société
Communiste.
Borel ajoute : Je n'ai jamais eu avec Albert de communications
relatives à la société.
A Borel :
D. Lorsque vous êtes revenu de Ham et que vous avez séjourné à
Paris , avant de partir pour la Suisse , n'avez-vous pas couché plu-
sieurs fois chez Albert?
R. Non , Monsieur; si j'y avais couché cette fois-là, je vous l'aurais
dit. Je dois dire Cfun* Albert fuî-«éme m'a dit que fêtais un sot de me
cacher; que c'étaient de faux bruits que Ton faisait courir.
Albert dit : Je n'ai pas revu monsieur depuis qu'il a couché chez
moi iors des coalitions d'ouvriers.
Lecture faite, ont signé.
93.
1 80 INTERROGATOIRE
INTERROGATOIRE DE DELIGNY.
Deligny ( Aimé-Jean-Déshré- Joseph ) , âgé de 32 ans, fumiste,
né a Douai (Nord), demeurant a La ChapelleSaint-Denis ,
rue Léon, n* 4.
Interrogatoire sabi, ie 6 février 1841, devant M. Zangiacomi, Juge cTinstruction
dele'gne , et confrontation de cet inculpe avec Borel.
D. D'où connaissez-vous ie nommé Valentin Duelos?
R. Parce qu'il habite le même quartier que moi; j'y demeure
depuis trois ans.
D. B parait que vous fréquentiez Duelos ?
R. Je n avais pas d'autres relations avec lui que de lui dire : bon-
jour, bonsoir, quand je le rencontrais.
D. Vous connaissez aussi un nommé Belleguise, charron» qui
demeure à Montmartre ?
R. Non, Monsieur.
D. Cependant vous avez travaillé pour Fadministration générale
des voitures, à la butte Saint-Chaumont?
R. Oui, Monsieur.
D. Belleguise y a travaillé avec vous, et il est impossible que vous
ne le connaissiez pas?
R. Je connais bien des charrons , mais je ne connais pas celui-là.
D, Vous connaissez aussi un nommé Borel, mécanicien?
R. Non, Monsieur.
D. Vous ne niez connaître ces individus que parce qu'ils ap-
DE DEEIGNY. 181
partieiinent comme vous à la société des Travailleurs ou Commu-
nistes ?
R, Je ne fais partie d aucune société.
D. Pourtant vous êtes positivement signalé comme l'un des chefs
de cette association?
R. C'est une erreur.
D. Pour qui travaillez-vous actuellement?
R, Je m occupe de faire construire une maison à mon compte.
Ici nous avons mis en présence du nommé Deligny le nommé
Bord, qui a dit : Je ne remets pas monsieur, et je ne crois pas
l'avoir vu.
Déligny, de son côté, dit ne pas connaître Borel.
D. Avez-vous déjà été arrêté? .. :
R. Oui, Monsieur, et condamné à deux mois, dans l'afiaire des
poudres.
Et , le même jour, procédant à l'interrogatoire du nommé Borel,
nous lui avons dit :
Est-ce de cet individu que vous avez entendu parler comme
étant avec Belleguise un des chefs de la &ction des Communistes?
R. Comme je n'ai jamais vu cet individu , je ne saurais vous le
dire; et je vous assure, d'ailleurs, ne m'être jamais trouvé avec la
personne que vous venez de mettre en ma présence.
1A2 INTERROGATOIRES
.«Ai
INTERROGATOIRES DE DAVID.
David (Juies), âgé de 28 ans, teneur de livres, né à Metz (Mo-
selle), demeurant à Paris, rue des PetiteS'Écuries, n' 13.
Interrogatoire subi, le 99 janvier 1841, devant M. Zangiacomi,
Juge cTinstruction délègue'.
9
D. Demeurez* vous depuis longtemps rue des Petites-Ecuries?
R. Depuis ie terme.
*
D, Où habitiez-vous auparavant?
R, Rue du Faubourg^^int-Denis , n"* 89.
D. Comme teneur de livres, vous ne demeurez pas chez les per-
sonnes pour qui vous travaillez?
R. Non , Monsieur.
Z>. Pour qui travfûllezrvous babitueiiement ?
R, Cest une chose à faquelle je ne veux pas répondre , parce que
vous m avez déjà compromis par cette arrestation.
D. Vous êtes signalé comme appartenant aux sociétés secrètes , et
occupant même un grade éfevé dans celle dite des Communistes ou
Travailleurs ?
R. Je ne sais pas absolument ce que vous voulez me dire; vous
parlez de travailleurs : tout ie monde travaille
D. Déjà plusieurs fois vous avez été signalé à fautorité judiciaire
à itiison de votre participation dans ces sociétés , et les circonstances
dans lesquelles vous êtes arrêté aujourd'hui donnent plus d'impor-
tance à cette imputation ?
R. Je n'ai pas plus à répondre à cette question qu'à celles que
vous m'avez déjà faites. Je ne sais pas ce que vous voulez me '*
WR DAVBI. IM
D. On vous incatpe dftvoir appartenu , dans ie cours de^Painiée
dernière , à l'association dite Nationale.
L'inculpé n'a pas fait de réponse.
D, Avez-vous déjà été arrêté?
R. Jaioais,
D. Connaissez-vous un nommé Boret, raécftfifcien?
/?. C'est la première fois que j'entends citer ce nom-là.
U. Quel intérêt avez-vous à cacher le nom des personnes pour
(jui vous travaillez?
•
R, Je n'ai d'autre intérêt (jue de cacher mon arrestation à ces per-
sonnes, qui pourraient craindre que je ne les compromisse, et qui
penseraient peut-être que je m'occupe de politique.
%^ inierrogatoire subi le môme jour par Dat^id, devant le même magistrat.
Et, le même jour, nous avons de nouveau fait amener devant
nous Tinculpé David , à l'effet de nous donner des explications sur les
diverses pièces, au nombre de cinq, saisies à son domicile, et qui sont
relatives au prix de fusils de munition et de matières incendiaires.
L'inculpé répond : Je devais partir prochainement pour l'Egypte
avec un nommé Lisoire, ancien colonel au service de don Miguel;
il m'avait prié de copier diverses notes sur des canons et fusils
appartenant à don Miguel, et qui sont encore à Londres. J'avais
aussi fait diverses évaluations sur des matières incendiaires, dont il
est l'inventeur, et qui, je crois, se trouvent dans le département des
Landes. Ce M. Lisoire demeure rue Pavée-Saint-Sauveur, n** 6;
il pourra vous donner plus de détails à ce sujet.
D. N'avez-vous pas parlé de ces opérations à un nommé Dorgal?
R. Non , Monsieur; je ne connais pas cet individu?
D. Cet individu occupe cependant comme vous un grade dans
cette société dont on vous accuse de faire partie.
R. J'ai déjà répondu que je n'appartiens à aucune société poli-
tique, et que je n'en connaissais même pas.
184 INTERROGATOIRE
D. Depuis combien de temps êtes-vous à Paris ?
R. Depuis 1832.
D. En quelle qualité étes-vous venu à Paris ?
R. J'avais voulu entrer au service; mais je n'ai pas suivi cette
carrière ; et , depuis lors , j'ai travaillé dans diverses maisons , tantôt
comme copiste, et tantôt comme teneur de livres : ce sont ia mes
ressources et mes moyens d'existence.
DE D0R6AL. i85
INTERROGATOIRE DE DORGAL
DoRGAL (Louis-Etienne), âgé de 30 ans, ébéniste, né à Digne,
( Basses- Alpes ) , demeurant à Paris , înie de Crussol, n* 20 bis.
Interrogatoire subi, le 99 janvier 1841, devant M. Zangiacomi, Juge d'instruction
dele'gue'.
D. Vous avez été arrêté lors des afiaires des 12 et 13 mai 1839?
R. Oui, Monsieur.
D, A quelle époque êtes-vous sorti de prison?
/î(. Le 23 octobre 1839, après cinq mois de prévention.
D, Depuis lors, vous avez été constamment signalé comme occu-
pant un grade cl^vé dans la société Communiste ou des Travail-
leurs?
/?. Je ne m'occupe pas de communauté , et je n'appartiens à au-
cune société, si ce n'est que je suis (ranc-maçon.
D. Dans ces derniers temps vous avez été particulièrement , ainsi
que le nommé Jules David ^ teneur de livres, signalé comme chef
d'une fraction importante de cette société?
R. Je réponds que je ne connais pas ces sociétés.
D. D'où connaissez-vous le nommé David?
R. Je ne le connais pas.
D. Vous avez également connu le nommé Darmès ?
R. Jen ai entendu parler par les journaux, mais je ne le connais
pas.
Z). Comme chef de la société des Travailleurs , vous serez l'objet
des investigations de la justice ?
Interrogatoires. 94
y
186 INTERROGATOIRE
R. J'ai déjà dit que je n'appartiens à aucune société.
D. Je trouve dans vos papiei-s une lettre dans laquelle je lis ces
mots : S'il y a une réponse, la poHer chez M, Blanchard , quai
Bourbon, rC i7, île Saint-Louis. De qui est cette lettre, et à quoi
avait-elle trait?
R. C'est une lettre du Mont-Saint-Michel. Elle est du sieur Her^
bulet, qui m'avait demandé des secoiirs.
DE PILLOT. 187
INTERROGATOIRE DE PILLOT.
PiLLOT ( Jean-Jaqques), âgé de 32 ans, homme de lettres, demeu-
rant à Paris, impasse du Paon, if 7.
Interrogatoire subi, le 4 novembre 1840, devant M. le Chancelier de France,
Président de la Cour des Pairs.
D. Est-ce que vous n*étes pas aussi à la tété d'une église?
/?. Non , Monsieur : il y a trois ans de cela ; j'ai cessé à cette
tîpoque.
D. Vous vous êtes cependant fort occupé jusqu'alors d'opinions
religieuses ?
/?. Oui, Monsieur.
Z>. Vous avez même été précédemment affilié à certaines asso-
ciations?
R. J'ai prêché, mais je n'ai jamais été affilié proprement dit.
D. Avant 1828, n'avez-vous pas fait partie d'une association reli-
gieuse ?
/?. Non, Monsieur; avant 1838 j'étais au séminaire.
D. Mais en sortant du séminaire?
R, En sortant du séminaire, j'ai été professeur à Marennes, dans
un établissement public.
D, Navez-vous fait partie, dans ce temps-là, d'aucune congré-
gation ?
R. Non , Monsieur.
D. N'avez-vous pas été associé avec l'abbé Châiel?
R, Oui, Monsieur ; s jai prêché pendant huit mois avec fabbë
Châiel.
us INTERROGATOIRE
D. N'avez-vous pas fondé une église au Pecq?
fi. Oui, Monsieur, mais je n'y ai prêché que trois fois. L'éta-
blissement a été fermé ; il s'en est suivi une condamnation à six mois
de prison.
D. A quel titre présidiez-vous le banquet de Belleville?
R. Je le présidais en qualité de membre de la commission. On
devait nommer un président séance tenante, mais les personnes pré-
sentes à la réunion ne paraissaient pas très-disposées à une élection ;
d'autre part, cependant, il fdiait bien que quelqu'un présidât afin de
maintenir l'ordre, on me pria de le faire, et c'est comme cela que je
m'en chargeai.
D. Comment s'étaient faites les invitations à ce banquet ?
R. Par cartes portant le coût du banquet : une personne qui avait
trois ou quatre connaissances eu prenait trois ou quatre pour les dis-
tribuer. J'avais été chargé de les faire imprimer. Au reste, je vais vous
expliquer comment et pourquoi a eu lieu le banquet de Believîiie. Il
y eut sur le boulevard Mont-Parnasse, chez un nommé Constantin,
je crois, un banquet présidé par M. Delestre, et auquel assistaient
MM. Arago, Lafitte, etc. J'avais été chargé de préparer un toast
pour ce banquet; ce toast ne fut pas appelé, sans doute parce que ie
temps manqua. Certaines personnes crurent qu'on avait peut-être
voulu empêcher la manifestation de certains principes, et elles me
proposèrent de faire partie d une commission qui se proposait d*oi^-
niser un second banquet , où seraient lus les toasts qui ne Pavaient pas
été chez Constantin. Telle a été l'origine du banquet de Bellevilie.
D. Ce banquet de Belleville n'a-t-il pas eu pour principal but de
propager les principes* communistes?
R, Les propager, non; mais les mettre au jour, oui, cela est vrai.
Il est certain que nous avons cru que nous pourrions, en cette occa-
sion , mettre au jour un principe puisé dans Mably, Thomas Moorc,
Babeuf, Buonarotti; mais la pensée première de ce banquet a été
celle que je vous ai dite.
D. Vous devez depuis long-temps connaître Darmès, car il a été
de l'église française; il est communiste, et il faisait partie do banquet
de Belleville? , •
DE PILLOT. , 189
R. Je n ai jamais vu Darmès à f église française. 11 est possible qu'il
fît partie du banquet de Believille, mais je suis certain que ce n'était
pas moi qui lui avais donné une carte. Jamais je n*ai vu ce nom, ni
sur mes registres d'église, ni sur mes listes d'abonnés, ni sur celles des
personnes auxquelles j'ai remis des cartes.
D. Il était cependant l'un de vos adeptes , car on a trouvé chez
lui (le vos écrits où il paraît qu'il faisait son éducation?
R. J'ignore si l'on a trouvé de mes écrits chez lui.
D. Vous êtes l'auteur de l'ouvrage qui a pour titre ! Ni châ-
teaux, ni chaumières?
R. Oui, Monsieur.
D, Vous êtes aussi l'auteur du premier compte-rendu du premier
banquet communiste?
R. C'est moi qui suis l'auteur de tout ce qui a étc^rononcé sous
mon nom dans ce banquet, mais le compte-rendù n'est pas de
moi.
D. Vous connaissez un nommé Halot, peintre en porcelaine, de-
meurant rue d'Angoulême?
R. J'ai été rue d'AngouIéme, chez M. Halot, non pour M. Halot,
mais pour un jeune homme appelé Dutertre , auquel j'avais remis
un certain nombre de mes brochures. Je suis allé pour savoir si
mes brochures étaient vendues, mais je n'ai pas vu }i.-Haioi.
D. Comment avez- vous fait connaissance de ce Dutertre?
\\
R. }l est venu plusieurs fois chez moi à l'occasion du banquet de
Believille, pour avoir des cartes. On a dû trouver chez moi un
certain nombre de reçus de lui pour des cartes que je lui avais re-
mises.
D. N'étes-vous pas aussi l'auteur d'un livre qui a pour titre :
Histoire des égaux?
R. Oui , Monsieur.
D, N'étes-vous pas aussi l'auteur d'un écrit intitulé : la Tribune du
Peuple ?
190 INTERROGATOIRE
R, Oui, Monsieur; c'est une publication historique que j'avais
«commencée et que j'ai interrompue il y a dix-huit mois.
D. N avez-vous pas fait partie de la société des Saisons ?
/?. Non , Monsieur.
D. N'avez^vous pas fait partie de la société des Travailleurs ?
R. Non, Monsieur; je ne fais partie d'aucune société.
D. Vous faites au moins partie de la société des Communistes
puisque vous en êtes le chef?
R. Je ne sache pas qu'il y ait une société de ce nom. Lorsque
dans mes écrits j'ai employé ie mot communiste , c'était pour expri-
mer un principe, ie principe du communisme, principe qui se
trouve dans plusieurs écrits publiés dans ces derniers temps, et par-
ticulièrement dans un ouvrage de M. Cabet, qui certes a beaucoup
plus parié du communisme que moi.
D. Vous venez de prononcer ie nom de M. Cabet, étes-vous en
rapport avec lui ?
R. Non Monsieur, je ne le connais pas, mais j'ai lu ses ouvragés
publiés il y a quelque temps sous le titre de : Voyage en Icarie ,
et ayant uniquement pour but de développer les principes de la
communauté.
D. Vous dites qu'il n'y a pas de société Communiste, qu'il ne
s'agit que d'exprimer un principe ; cependant on a trouvé chez
Darmès un formulaire et un règlement d'une société qui prend ce
nom ?
R. Quant à moi, j'ai toujours cru que les geiis qui se disaient
communistes n'avaient pour but que de propager des principes
exprimés par Buonarotti d'abord, par M. Cabet, ensuite, et enfin
par moi, si j'ai écrit quelque chose qui puisse être compris.
D. Connaissez-vous un nommé Capet, brocanteur.
R. Non Monsieur; j'ai connu en loge, dans la loge delà Tolé-
rance, un nommé Ctqiei, ouvrier ferblantier ; ce Capet demeure rue
du Temple, n* 43. II m'a prié dans le temps de faire qudques
DE PILLO^. l»i
dëiiiarclies à loccasioii (f une cafetière de son invention ; mais il y a
un an que je ne fai vu.
D, N a-t-il pas fait partie du banquet de Betleviiie?
Ji. Non , Monsieur ; du moins je ne nie le rappelle pas.
D. Cependant on a trouvé son nom dans vos papiers ?
R, Si son nom se trouve dans mes papiers , c'est qu'il a porté
pour moi des livraisons de la Tribune du peuple.
D. Voiis avez été engagé dans les ordres ?
R, Non , Monsieur.
192 INTERROGATOIRE
INTERROGATOIRES DE HALOT.
Halot (Jules-Eugène), âgé de 26 ans , peintre sur porcelaine , né à
Paris, y demeurant , jme d'Angoulême, rC i4.
l«^ interrogatoire subi , ie 17 octobre 1840, devant M. Zangiacomi, Juge «Pinstmc-
tion délègue'.
Z). D'où connaissez-vous le nommé Darmès ?
R. Je ne le connais nullement.
D. Savez-vous de quoi il est inculpé?
R. Oui , Monsieur ; je sais son nom pou I avoir vu dans le Mes*
sager, le 1 5 courant.
Z). Cet homme a eu évidemment des rapports avec vous ? Je vous
invite à consulter vos souvenirs?
R. Rien ne me rappelle ce nym-Ià.
D. C'est un frotteur, et peut-être savez-vous qu'il demeure rue de
Paradis-Poissonnière?
R. Je ne connais pas de frotteur.
D. On a trouvé sur cet individu, au moment de son arrestation,
un papier contenant exactement vos noms et votre adresse, et Ton ne
peut attribuer ce fait au hasard ?
R. Je ne puis me l'expliquer a moi-même.
D. C'est d'autant plus un devoir pour la justice de rechercher les
rapports que vous pouvez avoir eus avec cet individu, que vos précé-
dents sont connus d'elle et que vous avez été l'objet de poursuites
pour politique?
DE HALOT. 193
R, li est vrai que |ai déjà été poursuivi, mais je ne connais pas cet
individu.
D. Vous connaissez un nommé Dutertre jeune?
R. Oui , Monsieur, il travaille avec moi.
D, Le nom de cet homme figure à côté du vôtre dans le papier
saisi sur Darmès?
R. Peut-être a-t-on abusé de mon nom , mais je ne puis pas m'ex-
pliquer cela.
D, Vous connaissez Thostilité des opinions de Dutertre contre le
Gouvernement, et cette coïncidence enti*e vos opinions et les siennes
est une présomption de plus que ce n est pas sans motifs que vos noms
se trouvaient dans le portefeuille de Dmmès?
R. Nous ne parlions jamais politique dans i atelier.
D, On a trouvé chez vous uue pétition à la Chambre des Députés;
de qui la tenez-vous?
R. On la apportée en mon absence espérant probablement que
je m en chargerais :ce n'est pas la pétition de là réforme, mais celle
contre les forts détachés.
D. Reconnaissez-vous le portefeuille que je vous représente pour
vous appartenir?
R. Oui , Monsieur; il ne contient que des papiers indifférents.
Examen fait de ce portefeuille nous avons reconnu qu'il ne conte-
nait rien de suspect et nous en avons fait la remise à l'inculpé.
D, Vous avez déjà été poursuivi pour matière politique?
R. Oui , Monsieur , trois fois. J'ai été arrêté deux fois et une seule
fois l'objet de perquisitions. C'était pour l'affaire dtAlibaud et pour
association.
Interrogatoires. 95
>94 INTERROGATOIRES
9' interrogatoire subi par Halot, le 4 novembre 1840, devant M. ie Chancelier de
France , Président de la Cour des Pairs.
l). Vous avez déjà été arrêté dans i'aflaire de Pieschi ou d'Ali-
baud?
D. Je nai pas été arrêté dans {affaire Fieschi; je fai été dans
celle SAlibaud, comme aujourd'hui, sans savoir pourquoi : du reste
j*ai été relâché immédiatement.
D, N appartenez-vous pas à la société des Communistes?
R. Je n'appartiens à aucune société.
D. Depuis combien de temps connaissez-vous Darmès?
R, Je connais son nom.
D. Vous connaissez aussi sa personne?
A. Non, Monsieur: je fe jure par tout ce qu'il y a de plus sacré;
je connais son nom depuis le jour où j'ai été arrêté.
D. Connaissez-vous un écrit que je vous représente , et qui a pour
titre : Qualités de P homme vraiment moral?
R. Non, Monsieur, je ne connais ni l'écrit, ni l'écriture.
D. N'est-ce pas vous qui avez donné cet écrit à Darmès ?
R. Non, Monsieur.
Nous avons également représenté au prévenu le verso de cet écrit,
sur lequel on Ht : Halot , peintre en porcelaine , rue d'Angoulême,
n"" i4 , et nous lui avons adressé la question suivante :
D. Comment expliquez^voud cette circonstance?
R. Je ne saurais l'expliquer.
D. Je dois vous faire remarquer que cette circonstance est grave.
Pour qu'un homme qui va commettre un crime ait un écrit sur iui ,
à ce moment-là, il faut qu'il attche du prix à cet écrit?
R. Cette circonstance est gi*ave, sans doute, dans la forme, mais
elle ne l'est pas dans le fond.
DE HALOT' M5
D. Cette adresse n aurait-elie pas été donnée à Dormes comme
l'indication d'un lieu où il pourrait se retirer, après avoir coiamis son
attentat ?
R. Je ne puis répondre quune seule chose à cette question; c'est
que je ne connais pas DatTnès et que je n'avais jamais entendu parler
de lui avant mon arrestation. D'ailleurs, comment aurait-il pu se réfu-
tçier chez moi? Je n'ai qu'une chambre de garçon, que ^occupe, et
mon atelier.
D. Vous passez pour être très-exalté dans vos opinions, et pour en
avoir donné des preuves lors de Texécution de Morey?
R, C'est une diffamation. Lors de Fattentat de Fieschi, j'étais au
parc de Maisons , et j'étais très-loin de me douter qu'il se tramât
quelque chose.
D. Que faisiez-vous au parc de Maisons?
R. J'étais à la campagne , chez un ami de mon père.
D. N'étiez-yous pas au dîner de Belleville?
R. Vous voulez parler du banquet communiste?
D. Oui , sans doute ?
R. Oui, Monsieur, j'y étais.
D. Par conséquent tous êtes communiste?
R. Non , Monsieur; je suis allé à ce banquet comme je serais allé
à un banquet de toute autre opinion, pour voir ce qui s'y passait, ce
quon y disait; c'était une démarche de pure curiosité.
D. Connaissez-vous le nommé Pillot, chef des Communistes ?
R. Non, Monsieur; je n'appelle pas connaître un homme que de
l'avoir vu présider un banquet : c'est la seule fois que je Taie vu.
D. Étiez-vous au banquet de Chàtillon?
R, Oui , Monsieur.
£). Avec qui y étes-vous ailé ?
R. J'y suis allé seul.
S5
196 INTERROGATOIRES.
D. Daignés était aussi au banquet de Bellevilfe et à celui de Châ-
tillon ; est-ce que vous ne l'y avez pas vu ?
/2. Je vous observe que je ne le connais pas; je n'ai su son nom (pie
le 15 au soir, dans un café, en lisant le Messager.
D. Faisiez-vous partie de la réunion d ouvriei*s qui a eu lieu dans la
plaine de Pantin ?
R. Je n'ai jamais fait partie d'aucune association de travailleurs ; si
je suis allé au banquet de Belleville et à celui de Châtillon, c'est qu'ils
étaient autorisés.
D. Persistez-vous à dire que vous ne connaissez pas Darmès, et
que vous ne reconnaissez pas l'écrit que je vous ai représenté tout-à-
rheure?
R. J'ai dit la vérité , et j'y persiste.
D. Connaissez-vous un nommé Valentin DucloSy conducteur de
cabriolets? •
/?. Non, Monsieur.
DE DUTERTRE ( Frédéric ). 19^
INTERROGATOIRES DE DUTERTRE ( Frédéric ).
DuTERTRR (Frédéric), âgé de 27 ans, artiste peintre sur porcelaine ,
«e à Trieste, demeurant à Paris, quai Napoléon^ n* 43.
\^^ interrogatoire subi, le 24 décembre 1840, devant M. Zangiacomi,
Juge d'instruction dele'gue'.
D, Vous travailliez, avant le 16 octobre dernier, chez le nommé
Halot? •
R. Oui, Monsieur.
D. Pourquoi, depuis le 15 octobre, avez-vous cessé d'y paraître?
R. Parce que je n'y avais plus d'ouvrage.
D. Vous avez été, dès le 1 5 octobre, l'objet de poursuites comme
complice de Darmès; ne serait-ce pas à raison de cette circonstance
que vous auriez quitté Halot?
R, Non, Monsieur; je ne savais même pas que j'avais été pour-
suivi.
D. Votre nom s'est trouvé sur un papier dans la poche de Darmès,
et il est difficile de croire que vous n'ayez point eu quelques rapports
avec cet homme?
R. J'ignorais cette circonstance , et je ne me Fexplique pas.
D. Halot et vous devez le connaître ?
R, Je ne le connais pas, je le répète.
D. Depuis le 15 octobre, n avez-vous pas quitté Paris?
R. Non, Monsieur: jai déménagé le 8 octobre et suis allé de la rue
des Vertus au quai Napoléon ; ce qui fait qu'on ne savait peut-être
pas où je demeurais , mais je n'ai pas quitté Paris. *
\9S INTERROGATOIRES
D. Avez-vous continué , depuis sa mise en liberté , de fréquenter
le nommé Halot?
R. Je ne Fai vu qu'une fois ou deux; il ni*a même dit, ce qui ma
beaucoup étonné , qu'on lui avait parlé de moi, et de prendre mes
précautions : comme je n avais rien à me reprocher, fai continué de
vivre comme par le passé.
Ici nous avons fait entrer dans notre cabinet le nommé Fagani,
qui , examen foit du nommé Dutertre, a déclaré ne point te reconnaître
pour findividu qui était avec Datmès au moment de son attentat.
D. Au sieur Dutertre : Avez-vous déjà été arrêté ?
R. Non, Monsieur.
i' interrogatoire subi ^mr Dutertre [Frédéric)^ le 5 jmnTier 1841, devant
M. Zangiacomi, Jage d'instruction délègue.
Nous avons converti en mandat de comparution la citation adres-
sée au témoin , et t'avons interrogé comme suit :
D. Vavez-vous pas un frère aîné à Paris?
R, Non, Monsieur; je suis au contraire t'aîné, et fai un frère plus
jeune que moi de trois ans.
D. Pourtant, vous paraissez être connu sous te nom de Dutertre
jeune ?
R. Non, Monsieur; je ne puis être désigné ainsi, puisque, je le
répète , je suis Taîné.
D, Cependant c'est bien vous qui travailliez chez te sieur Halot,
et je vous ai montré ces mots : Dutertre jeune , accolés i ceux SHa-^
lot, sur un papier trouvé sur Darmès?
R, Il est vrai que j'ai travaille chez Halot; mais je n'en suis pas
moins Tainé de ma famille.
D. Quelle est la profession de votre frère?
R, Il est, comme moi, peintre sur porcelaine.
DE DUTERTRE (PRSDBfiic.) IM
D. Ne connaîtrait-ii pas, comme vous, le nommé Halot?
R. Oui, Monsieur.
D. N'aurait-il pas travaillé, comme vous, chez Halot ?
R. Oui, Monsienr.
D. Où demeure votre frère?
R. Je ne sais pas son adresse actuelle, et il y a quelque temps
que je ne lai vu; il est garçon, et il loge tantôt dans un endroit,
tantôt dans un autre.
Lecture faite , a signé.
900 INTERROGATOIRE
INTERROGATOIRE DE DUTERTRE (Théophile).
DuTERTRE (Théophile), âgé de 23 ans, peintre sur porcelaine , né
à Dresde (Saxe), demeurant à Paris, rue du Grand-Prieuré,
Interrogatoire subi, le 1 1 janvier 1841, devant M. Zaogiacomi, Juge d'instruclion
délègue'.
D. Vous travaillez chez un sieur Halot?
R. Oui, Monsieur.
D. Vous y travailliez déjà dans le cours des mois d'août et de
septembre dernier?
R. Oui , Monsieur ; j'y suis employé depuis les mois de février et
de mars derniers.
D. N^avez-vous pas fait connaissance par Halot d'un sieur Borel?
R. Non, Monsieur; je ne le connais pas.
D. Pourtant voici v'otre nom, Dutertre jeune , écrit de la main
d'un sieur Borel, car c'est bien vous qui êtes Dutertre jeune ?
R. C'est bien moi qui suis Dutertre jeune , mais je ne connais pas
Borel, et je ne sais pas ce que cela veut dire.
D. Comment expliquez-vous que cette inscription de votre nom
avec votre qualité de puîné , écrite de la main de Borel, se soit
trouvée en la possession de Darmès, auteur de l'attentat du 15 oc-
tobre ?
R. Ne connaissant pas le nommé Borel, je ne puis expliquer cette
circonstance.
D. Votre nom se trouve au verso d'une espèce de formulaire de
DE DUTERTRE (TiiioPHiLB). 201
rassociatioo des Communistes, et tout indique que c'est" parce que
vous appartenez à cette société qu'il se trouve sur cette pièce , avec
la désignation de la personne chez qui vous travaillez?
R. Je ne connais pas Borel ni d'autres; je ne sais pas ce que cela
veut dire.
D. Vous devez connaître Darmès , qui comme vous appartenait à
ces sociétés ?
R, Je ne connais pas Darmès , et je me perds en conjectures sur
la présence de mon nom sur ce papier. Je travaille régulièrement de
mon état, et assurément je n'ai pas le temps de tremper dans de pa-
reilles affaires.
D. Avez-vous déjà été arrêté ?
R, Non, Monsieur, jamais.
Intbrrogatoirbs. 96
Mf INTERROGATOIRE
INTERROGATOIRR DE BIGUET.
Bm;urt (Jules-Chartes), âgé de 4ii ans y né à Paris, domestique
au service de A/. Dubois, architecte^ deineurani au Palais-
Bourbon.
loterrogaioire subi, le 37 mars 1841, devant M. Zaogiacomi , Conseiller à la
Cour rojale de Paris, délègue'.
D. Depuis . combien de temps habitez-vous Paris?
R. Jai toujours habité Paris; ma mère était au service de
M. Porta!, premier médecin du Roi, qui m'a fait entrer, il y a
23 ans, chez M. Victor Dubois, aujourd'hui architecte du Roi et
de M. le duc d'Aumaie.
D. A quelle époque avez-vous commencé à connaître le nommé
Darmès ?
R. Loi*sque jetais tout jeune et que j'habitais encore chez
M. Portai, avec ma mère, vers 1810 : Darmès était jockey dans
la même maison, chez un M. Bourgeois, ancien juge au tribunal
de cassation; Darmès pouvait avoir alors 2 ou 3 ans plus que moi,
et c'est depuis ce temps-là que je le connais.
D. Depuis 1810, avez-vous continué d'avoir des rapports avec
lui?
R. En 1812, il quitta ses maîtres : j'ignore chez qui il entra ;
mais je le revis depuis tous les cinq ou six ans. Vers 1 8 1 8 , il était
chez M. le marquis d'Harcourt, Pair de France: quelques anuées
après, vers 1825, se trouvant sans place, il vint me demander de
m'intéresser à lui, et je le fis entrer chez M. le comte d'Auteuil,
ancien aide de camp de M. le prince de Condé. Il y resta 2 ou 3 ans ,
DE BIGIJET. ao3
après quoi je lui procurai une place chez le frère de mou maître,
bibliothécaire au Palais-Bourbon; il en sortit en 1829, et depuis
je ne lai pas revu, si ce n'est toutefois chez ie trésorier des Inva-
lides où il était domestique; mais c'est dans le cours de cette même
année 18 29.
D, Ainsi, selon vous, il y aurait maintenant 12 ans que vous ne
l'auriez vu?
R. Oui, Monsieur; j'en suis très-sûr, et je le jure.
D. Pendant que vous étiez en rapport avec lui , il existait donc
un(* relation fort intime entre vous et lui ?
R. Oui , Monsieur, c'étaient des relations d'enfance: nous avions été
à l'école ensemble; nous nous étions vus chez ma mère, et nous
étions liés comme on l'est en cas pareil.
D, DajTnèSy pendant le temps que vous l'avez connu si particu-
lièrement, a dû vous parler politique?
R. Jamais je ne lai entendu parler politique.
D. Ainsi, avant 18 29, il ne s'occupait pas de politique?
R. Du moins je ne l'ai jamais entendu en parler.
D, Et vous êtes bien sûr de ne l'avoir point vu depuis 1829
et de n'avoir point eu de conversation avec lui sur ce sujet?
/?. Oui , Monsieur, j'en suis sûr.
D. Domès, dans sa prison , a invité sa mère à vous voir, et il a
exprimé de grandes inquiétudes que vous ne fussiez comme d'autres,
prétend-il , gagné par Fargent pour parler contre lui. Comment expli-
quez-vous cette inquiétude qui semble le travailler et les propos
qu'elle lui a fait tenir, s'il s'est écoulé tant de temps depuis que vous
avez eu des rapports avec lui ?
R, Je ne comprends pas cela : je ne sais rien sur lui ; je n'ai
jamais entendu rien dire contre lui. Il était honnête homme quand
je l'ai connu, et je ne sais pas ce qu'il peut craindre que je dise
contre lui.
D, Cependant, ces inquiétudes dont je vous parie, il les a sou-
te.
104 INTERROGATOIRE DE BIGUET.
vent exprimées; il les a mystérieusement communiquées à sa mèrer
et cette conduite serait inexplicable si vous n'aviez pas eu quelque
connaissance de faits de sa part dont il craindrait la révélation ?
/?. Jamais, je le répète, je n'ai rien eu contre lui, et je vous
jure que je ne comprends pas ce qu'il a pu vouloir dire.
D. On a trouvé chez vous plus de 2 0,000 francs; pouyez-voiis
justifier de l'origine de cette somme ?
R. Ce sont mes économies depuis 28 ans, le montant des suc-
cessions de mon père et de ma mère, et enfin le produit d'un
petit commerce que je fais sur les chevaux , les voitures et Iqs har-
nais. Mon maître m'a autorisé à faire ce commerce» et j'avais cet
argent chez moi pour en faire un nouveau placement.
D. Avez-vous jamais prêté ou fait prêter de Targent i Darmès?
R. Il y a 20 ou 25 ans, je lui ai prêté de petites sommes; mais
il me les a toujours fidèlement rendues.
D. Connaissez- vous quelqu'un qui ait conservé^ des rapports
habituels avec Darmès?
R. Non, Monsieur.
D. Vous n*avez jamais été Tobjet de poursuites?
R. Non^ Monsieur, jamais.
SUPPLEMENT
AUX INTERROGATOIRES DES INCULPES.
( 17'* interrogatoire subi par Darmhs, le 6 mai 1841 , devant M. le -Chancelier de
France, Pre'sident de la Cour des Pairs.)
D, Vous avez écrit à M. Zangiacomi que vous aviez quelque
chose à ajouter à vos précédentes déclarations. Si telle est votre in-
tention , vous n'avez pas de temps à perdre, car le rapport de votre
affaire sera fait incessamment. •
/?. Oui, Monsieur: j'ai d'abord quelque chose à ajouter à ma der-
nière interrogation; ensuite j'ai à dire une chose qui est contre moi,
mais ma religion me l'ordonne, pour que vous ne regardiez pas
comme coupables des personnes qui sont innocentes. D'après ce que
j'ai entrevu dans mes inten^ogations , on voudrait que ce fussent des
patriotes cjui m'auraient remis des armes; cela n'est pas. Quant à ma
carabine , je vous ai dit où j'en avais fait l'acquisition. Le poignard', je
vous ai dit que c'était la bonne de M. Izoard qui l'avait remis à ma
femme; je m'en suis emparé : il provenait, je crois, d'un M. Lefébure,
un peintre du temps de Charles X, qui avait occupé l'appartement de
M. Izoard avant lui. Les pistolets provenaient de M. Dutrône , con-
seiller à la Cour royale d'Amiens, qui demeurait boulevard des Ita-
liens, n" 9 , dans la maison oii sont les bureaux de la Parisienne. Un
jour, ces pistolets étaient dans une chambre où je travaillais ; je m'en
suis emparé, pour m'en servir en cas de besoin. Du reste, c'est la
seule chose que j'aie détournée dans cet appartement , où il y avait un
très-beau mobilier, auquel je n'ai jamais touché. Voilà ce que j avais
à dire sur les ai^mes. Je voudms revenir sur mes précédentes interro-
gations; ayant été pris à l'improviste , je n'ai pu répondre parfaite-
ment. Je dirai la vérité, parce que, quand un homme a fait abnéga-
tion de sa vie et de son sang, il ne craint pas de dire la vérité. H est
Sti)^ SUPPLÉMENT
vrai quun jour, en rentrant dans ma prison, j'ai dit : «Ils veulent ab-
(«solument des victimes, ils veulent que nous soyons quatre sur la
« place de ia Ck)ncorde .... Non , je n'étais pas seul .... nous ver-
^rons plus tard. ^ C'est par humanité que j'ai parlé des personnes
qu'on voulait impliquer dans l'affaire du 1 5 octobre. Un soir, en
ouvrant ma fenêtre, je me suis apitoyé sur leur sort; j'ai dit qn*elles
devaient beaucoup souffiîr dans leurs cabanons, qu'on les assassinait
avant de les mettre en jugement. Puis je m'approchai du poéle, et je
disr^tMoi, j'ai du feu; eux, ils nen ont pas. Le gardien Cazan me
^dit : «Si vous vouliez dire la vérité, il serait possible qu'on levât le
«seci^t, et que les personnes auxquelles vous vous intéressez se
«trouvassent mieux. ^ Je fis un tour dans ma chambre et je dis :
«Lafiaire de ce malheureux Valentin est tellement embrouillée,
«que je crains qu'il ne soit condamné à vie et même à mort. Si j'é-
«tais un scélérat, le moindre mot que je pourrais inventer pourrait
«faire tomber sa tête. J'espère qu'il pourra prouver l'emploi de la
«journée du 15. II n'y a qu'un témoin qui le charge, et il ne peut pas
« être cru ; c*est le pontonnier de la place de la Concorde, et moa-
«chard à prime, lacile a comimpre. S'il disait qu'il m'a \'u seul, ce
« serait la vérité ; mais dire qu'il m'a \ u en compagnie , c'est un men-
« songe. »
D. N'avez- vous rien autre chose à ajouter ?
R. Non , Monsieur.
D. Quand vous avez volé les pistolets de M. Dutrône, aviez- vous
rintention de vous en servir pour un crime ?
R. Je les ai volés pour m'en senir au besoiu.
D. L'affaire des pistolets , dodt vous vous occupez beaucoup , est
indifférente ; mais ce qui ne Test pas , c'est ce qui est relatif à votre
carabine : or, sur ce point, vous avez menti avec impudence: car
vous savez bien que f homme de qui vous prétendez Tavoir acheta
ne vous la pas vendue?
R. Il me Ta vendue au mois de juillet 1839.
D. Il ne vous Fa pas vendue à cette époque-là, car il ne Favait
R. Si, il Tavait; mais il ^ des raisons pour dire le contraire.
AUX INTERROGATOIRES DES INCULPES. 307
D. Quelles sont ces raisons ?
R. Cette raison est qu'on peut préparer des choses comme on
veut les avoir.
D. C'est tout ce que vous avez à dire ?
R, Oui, Monsieur.
/). Il est évident que vous n'avez demandé aujourd'hui à être en-
tendu que pour tâcher de détruire FefTet accablant des déclarations
que vous avez faites à vos gardiens, et que vous avez renouvelées de-
vant moi; vous avez voulu courir après vos paroles. Je vous avertis
que vous y avez très-mal réussi; et que, de plus, le soin que vous pre-
nez dans cette circonstance ne peut qu'aggraver ie sort de cehn' que
vous avez voulu excuser,
/?. J'ai dit la vérité depuis ([ue je suis ici; si j'ai dit quelque chose
(le mal , c'est faute de savoir m'expliquer.
D. Où aviez-vous pris qu'on assassinait , avant de les mettre en
jugement) les personnes compromises dans votre affaire; car vous ne
communiquiez pas avec ces personnes?
R, Quand on passe tout un hiver en prison, je crois que cela peut
s'appeler être maltraité.
D. Vous n'aviez qu'un parti à prendre pour rendre votre situation
moins odieuse, c'était de dire la vérité. Quand vous avez demandé à
être interrogé aujourd'hui, j'ai cru que vous aviez pris ce parti; mais
je vois que vous persistez dans vos mensoges : ainsi votre situation
reste la même.
R. Je ne peux pas faire des inventions.
D. On ne vous demande qu'une chose, c'est de dire la vérité.
Vous n'avez rien à ajouter ?
R, Non, Monsieur.
Après lecture, etc., a signé.
Et, par continuation , nous avons adressé à Daignés ies questions
suivantes :
D, En relisant l'interrogatoire que vous venez de subir, f ai reconnu
908 SUPPLÉMENT
(]u il était indispensable que je vous adressasse une question de plus.
Vous avez dit : tills veulent absolument des victimes; ils veulent que
w nous soyons quatre sur la place de la Concorde. . . . Non , je n'étais
wpas seul nous verrons plus tard.»
R. Je n'ai pas dit : <t Je n'étais pas seul ; ^ j'ai dit : et Je ne suis pas
ttseul.M
D, Quelle est la différence que vous mettez entre ces deux ma-
nières de s'exprimer ?
R, L'une veut dire que j'étais sur la place de la Concorde avec des
individus, avec des complices.
/). Que veut dire l'autre ?
R. Je m'expliquerai plus tard.
D. Vous feriez mieux de vous expliquer tout de suite.
R, ^ Je ne suis pas seul » veut dire qu'il y a six mille ans que la tour
de Babel est derrière nous. Il n'y a plus que deux partis dans ie monde:
l'aristocratie et la démocratie ; ces deux partis ont déployé leur ban-
nière , et la guerre est ainsi devenue perpétuelle.
/). Cest là Fexplication que vous donnez?
R, Oui y Monsieur.
D. Personne ne pourra se payer des paroles que vous venez de
prononcer ; si vous n avez rien de plus à dire , le sens vrai de vos ré-
ponses restera acquis à Finstruction. Vous avez dit a vos gardiens que
vous n étiez pas seul sur la place de ia Concorde ; vous l'avez répété
dans un interrogatoire que je vous ai fait subir ; vous Favez ditencore
tout à rheure , et vous n'avez pas réclamé contre cette expression
quand on vous a relu votre interrogatoire?
R, C*est que je n'y ai pas fait attention ; fai voulu dire : «Je ne suis
npas seul,» et non pas : «Je n'étais pas seul. »
D. Vous tenez beaucoup à innocenter Valentin Duclos ; vous au-,
riez deux manières de Tinnocenter : la première serait de dire quefles
sont les personnes avec lesquelles vous étiez sur la place de là Con-
corde « et qui ne seraient pas lui ; la s<^conde consisterait à expliquer
d^une manière suffisante cette locution : «Je ne sub pas seul,» si, par
J
/
AUX INTERROGATOIRES DES INCULPÉS. S09
exemple, vous avez voulu dire : «Je n'étais pas avec des complices sur
la place Louis XV, mais néanmoins je ne suis pas seul, | ai des com-
plices ailleurs ; M et , dans ce cas encore, il faudrait indiquer quels sont
ces complices?
A. Je ne puis pas dire des choses qui ne sont pas.
Z). Vous avez encore dit, dans l'interrogatoire que vous avez subi
tout à l'heure , que ia personne de qui vous prétendez avoir acheté
votre arme parait avoir ses raisons pour ne pas dire la vérité : je
vous demande encore une fois ce que vous entendez par ces paroles?
/?. On peut arranger les choses comme on veut.
D. Cela ne signifie rien. Prétendriez-vous que cet homme aurait
quelque chose à cacher?
R, Non, Monsieur; à vous dire le vrai, on peut le corrompre.
Pour copie conforme aux pièces de la procédure :
Le Greffier en chef,
E. CAUCHY.
Interrogatoires. S7^
■J-4fNH"
TABLE ALPHABÉTIQUE
COMPRENANT
Les noms des inculpés dont les interrogatoires se trouvent rapportés
dans ce volume, avec la date de ehaoun de ces interrogatoires;
Et l'indication des confrontations qui ont eu lieu entre plusieurs de
ces inculpés et divers témoins.
Pftfet.
Albbrt, voir Mabtin.
Bellbguise 1*^ interrogatoire, du 20 janvier 1841, devant
M. ^angiacomi 170
2* interrc^toire, du 27 janvier 1841, devant
M. le Chancelîer 173
Sa confrontation du 2 février 1841, avec finculpé
Borel, devant M. le Chancelier 127
BiGUET Interrogatoire du 27 mars 1841, devant M. Zan-
giacomi 202
Borel l**" interrogatoire, du 26 décembre 1 840, devant
M. le Chancelier 95
2* interrogatoire, du 28 décembre 1840, devant
M. le baron Girod ( de TAin ) 107
3* interrc^toire, du SI décembre 1840, devant
M. le Chancelier 108
^^ TABLE
Pâgef.
H^i^eo, ... 4* raterrogatoire, du 13 janvier 1841, devant
M. le Chancelier 111
5* interrogatoire, du 17 janvier 1841, devant
M le Cli*icclier .^ 118
6* interrogatoire, du 24 janvier 1841, devant
M. Zangiacomi 127
7* interrogatoire, du 2 février 1841, devant M. le
Chancelier Ibid.
1 ■ ■
•
■ t
8* interrc^atoii:^, du 5 février 1841, devant
M. Zangiacomi 137
9* interrogatoire, du 20 février 1841, devant
M. Zangiacomi 138
Sa confrontation, du 24 janvier 1841 , avec Fin-
culpé Belleguise, devant M. Zangiacomi. . 127
Sa confrontation, du 2 février 1841, avec les in-
culpés Duclos, Pcries, Belleguise, Guéret
dit le Grand-Louis, et Darmès, devant
M. Zangiacomi Ihid.
Sa confrontation, du 29 janvier 1841 , avec l'in-
culpé Bouge, devant M. Zangiacomi 155
Sa confrontation, du 2 février 1841, avec i'in-
culpé Martin dit Albert, devant M. le
Chancelier 177
Sa confrontation, du 6 février 1841, avec l'in-
culpé Z)e/i^wy^ devant M. Zangiacomi. . . 180
RORBL (femme).. . Sa confrontation, du 18 février 1841, avec l'in-
culpé Darmès, devant M. le Chancelier. . 80
BoiUK dit LE GrosJoS£Ph. l""' interrogatoire, du 29 janvier 1841,
devant M. Zangiacomi . 155
2' interrogatoire, du 12 février 1841, devant
M. Zangiacomi 160
DES MATIERES. 213
Page
Bouge dit le Gros-Joseph. Sa confrontation , du 12 février 1841,
avec rincufpé Pertes, devant M. Zangiacomi. 146
Sa confrontation, du 29 janvier 1841 , avec Tin-
culpé Borel, devant M. Zangiacomi 155
Cazan Sa confrontation, du 26 février 1841 , avec Tin-
cuïpé Darmes , devant M. le Chancelier. 47
Champagne , voir Périès.
CONSIPERE l*'^ interrogatoire, du 26 novembre 1840, devant
M. Zangiacomi. . 87
2^ interrogatoire, du 19 décembre 1840, devant
M. Zangiacomi. 88
Sa confrontation, du 21 décembre 1840, avec
les témoins Hénot, Fagard, femme Félisa
et femme Saint-Gaudiens ^ devant M. le
baron Girod (de l'Ain) 71 et^ttit;.
Darmès 1" interrogatoire, du 15 octobre 1840, devant
M. le préfet de police 1
2" et 3* interrogatoires, des 15 et 16 octobre
1840, devant M. Desmortiers 3
4* interrogatoire, du 16 octobre 1840, devant
M. Zangiacomi 7
S*" interrogatoire, du 19 octobre 1840, devant
M. le Chancelier Ibid.
6*" interrogatoire, du 28 octobre 1840, devant
M. le Chancelier 10
7* interrogatoire, du 29 octobre 1840, devant
M. Zangiacomi. . 17
8^ interrogatoire, du 29 octobre 1840, devant
M. Zangiacomi 18
I
St4 TABLE
DARMÈd 9* interrogatoii-e , do 4 novembre 1840, devant
M. le Chancelier 19
1 0* interrogatoire, du 21 novembre 1 840, devant
M. le Chancelier 23
1 1* interrogatoire, du 14 décembre 1 84o, devant
M. Zangiacomi 30
1 2' interrogatoire, du 1 6 décembre 1840, devant
M. Zangiacomi 34
1 3* interrogatoire, du 24 décembre 1 84o, devant
M. Zangiacomi 38
14* interrogatoire, du 27 janvier 1841, devant
M. le Chancelier 41
15' interrogatoire, du 1" février 1841, devant
M. Zangiacomi 45
16* interrogatoire, du 26 février 1841, devant
M. le Chancelier 47
Sa confrontation, du 26 février 1841, avec les
témoins Cazan, Sauge et JoUois^ devant
M. ie Chancelier 47
Sa confrontation, du 21 décembre 1840, avec
les témoins Hénot, Fagard, femme Felisa
et femme Saint'Gaudiens , devant M. le
baron Girod (de l'Ain) 71 et Muiv.
•
Sa confrontation, du 18 février 1841, avec le
témoin femme Borel, devant M. le Chan-
celier 83
Sa confrontation, du 2 février 1841, avec Tin-
culpé Borel, devant M. le Chancelier. ... 127
Sa confrontation, du 12 février 1841, avec Fin-
culpé Robert, devant M. Zangiacqmi 167
17* interrogatoire, du 6 mai 1841, devant
M. le Chancelier 205
DES MATIÈRES. 915
Pagei.
David l* interrogatoire, d» 22 >|anvier 1841, devant
M. Zangiacomt 182
2* interrogatoire^ du 22 janvier 1841, devant
M. Zangiacomi 183
Dbligny Interrogatoire, du 6 février 1841, devant M. Zan-
giacomi 180
Sa confrontation, du 6 février 1841, avec l'in-
culpé Sorel, devant M. Zangiacomi Ibid.
I
DoRGAL Interr<^toire , du 22 janvier 1 84l,devaiitM.2^«h
giacomi. • 185
DtJCLOS 1*^ interrogatoire, du 20 octobre 1840, devant
M. Zangiacomi 55
2* interrogatoire, du 22 octobre 1840, devant
M. le Chancelier - 58
3* interrogatoire, du 20 octobre .1840^ davuDt
M. Zangiacomi ^ 65
4* interrogatoire, du 4 novembre 1840, devant
M. le Chancelier Ibid»
y îiiteFrogatoir«,du'21 novembre 1840, devant
M.ie Chancelier 67
6* ititerrc^'.aire, du'25 novembre 1840, devant
M. Zangiacomi 70
7* interrogatoire, du'21 décembre 1840, devant
M. ie baron Ghtïd (de TAin ) 71
8* interrogatoire, du 27 janvier 1841, devant
M. le Chancelier , 7fi
y interrogatoire, tlu 18 février 1841, devant
M. fc Chancelier 80
DES MATIERES. Î17
Pages,
5PH (le), voir Bouge.
it LE Grand Louis. Interrogatoire, du 19 janvier 1841,
devant M. Zangiacomi 168
Sa confrontation, du 2 février 1841, avec Fin-
culpë Borel, devant M. le Chancelier.. . . 127
1 •' interrogatoire , du 17 octobre 1840, devant
M. Zangiacomi 192
2* interrogatoire, du 4 novembre 1840, devant
M. le Chancelier 194
Sa confrontation, du 21 décembre 1840, avec
les inculpes Duclos, Considère et Darmès,
devant M. le baron Girod (de f Ain ). ... 71
Sa confrontation, du 26 février 1841, avecTin-
culpë Darmès, devant M. le Chancelier.. . 47
t Albert, l*' interrogatoire, du 7 janvier 1841, devant
M. Zangiacomi 176
2* interrogatoire, du 2 février 1841, devant M. le
Chancelier 177
Sa confrontation, du 2 février 1841, avec Fin-
culpë Borel, devant M. le Chancelier Ibid,
Sa confrontation, du 18 février 1841, avec
l'inculpé Duclos, devant M. le Chancelier. 80
Champagne l"" interrogatoire, du 9 janvier 1S41, devant
M. Zangiacomi 140
^'^ interrogatoire, du 12 janvier 1841, devant
M. Zangiacomi 141
GAT01RE8. 98
il 8 TABLE
Pages.
PÉRiès dit Champagne. 3* interrc^atoirey du 2.7 janvier 1841, devant
M. le Chancelier 142
4* interrogitoîrei du 12 février 1^41, devant
M. Ziangiacomi 146
Sa confrontation y du 2 février 1841 , avec fin-
culpé Borelf devant. M. le Chancelier. ... 127
Sa confrontation , du 12 février 1841, avecFin-
culpé Bouge, devant M. Zangiacomi 146
PiLLOT Interrogatoire, du 4 novembre 1840, devant
M. le Chancelier 187
Racarie 1*** interrogatoire, du 10 décembre 1840, devant
M. Zangiacomi l48
2* interrogatoire , du 17 décembre 1840, devant
M. Zangiacomi 149
3* interrogatoire^ du 2 février 1841, devant
M. le Chancelier 152
Sa confitMitation, du 24 décembre 1840, avec
Finculpé Sùmard, devant M. Zangiacomi .... 16b
Robert l" interrogatoire, do 24 décembre 1840, devant
M. Zangiacomi 163
2* interrogatoire , du 24 décembre 1 840 , devant
M. Zangiacomi 1 66
3* interrogatoire, du 12 février 1840, devant
M. Zangiacomi 167
Sa confrontation, du 24 décembre 1840, avec
Finculpé SUmard et le témoin Fagard,
devant M. Zangiacomi 164 et suiv.
Sa confrontation, du 12 février 1841 , avec le
témoin Simard et Finculpé Darmès 167
DES MATIÈRES. 219
Pagen.
Saint-Gaudiens (femme).- Sa confrontation^ du 21 décembre 1840,
avec les inculpés Duclos, Considère et
Darmès, devant M. le baron Girod
( de FAin ) 76
Sauge Sa confrontation, du 26 février 1841 , avec
fincufpé Z)armè5, devant M. le Chancelier. 47
SiMARD Sa confrontation, du 24 décembre 1840, avec
Hncuipé Robert, devant M. Zangiacomi. . 164
Sa confrontation du même jour avec les inculpés
Duclos et Racarie, devant M. Zangiacomi . 1 66
Autre confrontation, du 12 février 1841, avec
Tinculpé Robert , deydLïiX M. Zangiacomi. . 167
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l^arbarb CoUege librars
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MASSACHUSETTS
STATE LIBRARY
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